«La SSR peut vivre avec une redevance à 300 francs. Elle serait morte à 200 francs, mais à 300, elle peut même s'améliorer.» C’est l’avis exprimé ce 15 janvier par Raymond Loretan. Le Valaisan, qui fut président de la SSR entre 2012 et 2015, s’entretenait avec la journaliste et consultante Romaine Jean, lors des «Rencontres du Royal Savoy» à Lausanne.
«La SSR a besoin d’économiser, de se réformer, de revoir sa mission», a estimé le membre du parti du Centre, par ailleurs président du journal «L’Agefi». En revanche, il s’oppose clairement à l’initiative de l’UDC: «à 200 francs, on entame la substance et on met le service public en péril. Il sera complètement marginalisé. C’est totalement irresponsable pour un pays comme la Suisse.»
Une SSR meilleure à 300 francs?
300 francs, au lieu des 335 actuels, c’est la contre-proposition que le Conseil fédéral a mise sur la table en juin 2024, après avoir rejeté l’initiative populaire «200 francs, ça suffit», déposée en août 2023 par l’UDC et les jeunes PLR, et qui sera votée en 2026.
Pour rappel, Pascal Crittin, directeur de la RTS, a régulièrement exprimé ses réserves au sujet d'une redevance à 300 francs, qui selon lui entraînerait une perte significative de 150 millions de francs pour la SSR, compte tenu des 4,5 millions de ménages qui paient.
«Entendons-nous bien, précise Raymond Loretan à Blick au téléphone. Je pense que le mieux serait de maintenir la redevance au niveau actuel. Mais politiquement, j'estime que la contre-proposition du Conseil fédéral est un compromis acceptable et dont la SSR saura se satisfaire.» À l'instar de toutes les entreprises, y compris de presse, l'ancien président de la SSR estime que «cela incite à revoir ses coûts, à rationaliser ses processus et à améliorer ses méthodes de travail, tout en gagnant en souplesse et en flexibilité. Le service public en sortira grandi, car il reste incontournable dans un pays multiculturel et fédéraliste.»
Un réexamen bienvenu
Avec 300 francs, ce serait l’occasion de revoir l'offre audiovisuelle, par rapport à une offre privée qui s'est multipliée, et dont la qualité ne cesse d'augmenter, observe Raymond Loretan. «Sous ma présidence, en 2013, nous nous sommes par exemple séparés de la chaîne World Radio Switzerland, qui servait essentiellement la Genève internationale. J’y étais opposé, mais en minorité, on l’a fait. J'ai donc retenu la leçon: redimensionner l'offre, c'est possible.»
«La clé, c’est le journalisme»
Ce qu’a aussi retenu l’ex-secrétaire général du parti du Centre, durant ses années de présidence de la SSR, est qu’il ne doit pas y avoir de tabous lorsqu’il s’agit de remettre en question l’offre. «Selon le principe de subsidiarité, il faudra redéfinir le cœur de la mission du service public et éliminer tout ce qui se fait mieux ailleurs. Cependant, l'information et la politique, la culture et l’éducationnel, entre autres, restent essentiels. Et la qualité des journalistes est la clé. C’est aussi là que la SSR doit se démarquer.»
Un fort soutien à l'abolition pour les entreprises
Concernant la redevance pour les entreprises, «elle n’est ni logique et ni cohérente, il est équitable de l’abolir», estime Raymond Loretan qui est par ailleurs vice-président du groupe de cliniques privées et d'hôtels Aevis Victoria. Sur ce point, il rejoint le contre-projet à l’initiative, que vient de lancer ce 14 janvier la commission des télécommunications du Conseil national, et qui veut abolir la redevance pour les entreprises.
«Millefeuille managérial» à revoir
Pour Raymond Loretan, la SSR, sous l'ancien directeur Gilles Marchand, avait déjà lancé un louable programme d'économies et de rationalisations, qui doit se poursuivre. «Je fais entièrement confiance à la nouvelle directrice générale, Susanne Wille, pour poursuivre ces réformes afin d'arriver à une SSR plus svelte et plus agile.»
L’ancien ambassadeur, qui préside aussi le Club Diplomatique de Genève, estime que la SSR, à l'instar de toute entreprise, doit se remettre en permanence en question. «Il y a des synergies à développer entre les unités d'entreprise, du potentiel d'optimisation au niveau du millefeuille managérial; il faut casser les silos et simplifier les structures hiérarchiques et de gouvernance.»
Pression politique pas si malvenue
Ce qu’a aussi retenu l’ex-président de la SSR, pour l'avoir tenté sans succès, c’est que la SSR peine à se réformer de l’intérieur par elle-même: «Seule la pression politique a de l'effet. La pression est là. Transformons-la en opportunité.» Il est confiant qu'au moment du vote en 2026, une majorité soutiendra une SSR «redimensionnée, mais tout aussi efficace.»