SGS, Firmenich, Eurovision, Salon de l’Auto…
Genève a-t-elle perdu de son attractivité?

Le départ de SGS, après Firmenich. La perte du Salon de l’Auto. La préférence de Bâle pour l’Eurovision. Les coupes à la Genève internationale. Tout cela interroge sur la capacité de Genève à attirer l'activité économique, culturelle et diplomatique. Analyse de Blick.
Publié: 04.02.2025 à 19:15 heures
Loyers, stands et hôtels chers: Genève est moins compétitive que d'autres villes en termes de prix lorsqu'il s'agit d'accueillir des salons et des sièges d'entreprises.
Photo: KEYSTONE
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Myret ZakiJournaliste spécialisée économie

Coup dur pour Genève: le départ annoncé de la SGS, le géant de la certification, établi dans le canton depuis 1915. La multinationale veut installer son siège à Zoug, canton à la fiscalité la plus basse de Suisse. En 2023, le fleuron genevois a payé 147 millions de francs d’impôts à l’Etat, sur un bénéfice de 802 millions, ce qui correspond à un taux effectif de 18,4%.

Genève perd le siège d’un leader mondial après celui de Firmenich en 2022, autre fleuron genevois. Le géant de la chimie a fusionné avec le Hollandais DSM, puis installé son nouveau siège en Argovie. Le dernier représentant de la famille, Patrick Firmenich, avait occupé la fonction de CEO jusqu’en 2014, après quoi aucun Firmenich n’avait occupé de fonction de premier plan.

Quête d’économies et d’expansion

Comme Firmenich, SGS est en quête d’expansion. Coté en bourse, le groupe appartient à des investisseurs internationaux. Son principal actionnaire est une holding d’investissement belge, Groupe Bruxelles Lambert, qui détient près d’un cinquième du capital et des droits de vote (19,31%). Il est suivi de BlackRock (5,18%) et de UBS (3.03%).

Mi-janvier, SGS a dû renoncer à fusionner avec son concurrent français de même taille, Bureau Veritas. L’objectif était de créer le numéro un mondial de la certification. Les velléités de rapprochement de la SGS, dont l’action a sous-performé en bourse, perdant 16% en bourse sur 5 ans, signalent aussi que la direction était en quête de synergies. En effet, la fusion aurait permis de réaliser plus de 400 millions d'euros d’économies annuelles. 

Mais l’actionnaire clé, Groupe Bruxelles Lambert, ainsi que le gouvernement français, qui détient une participation indirecte dans Bureau Veritas, auraient fait partie des actionnaires réticents à cette fusion. A Zoug, SGS réalisera des économies sur sa charge fiscale, mais aussi sur son loyer.

Cherté des loyers genevois

La hausse continue des loyers de bureaux dans le centre-ville de Genève, confirmée par le dernier rapport 2024 du courtier Barnes, pousse en effet un certain nombre d’entreprises comme SGS - qui a évoqué la cherté de ses bureaux proches de Cornavin - à déménager. Depuis quelques années, plusieurs entreprises et banques ont quitté l’hyper-centre et le quartier des banques.

En 2012, c’était la biotech Serono, autre entreprise emblématique de Genève, qui pliait définitivement bagage. Le groupe contrôlé par la famille Bertarelli avait été racheté en 2006 par l’Allemand Merck, s’était finalement replié sur le siège principal de Darmstadt en Allemagne. 

La décision de vente était motivée là aussi par une quête d’expansion. Serono peinait à développer de nouveaux produits phares pour diversifier son portefeuille, et cela a motivé la famille à vendre sa participation majoritaire à Merck, remettant la décision d’implantation du siège entre les mains du nouveau propriétaire.

Pas de Salon de l’Auto, ni d’Eurovision

Le départ en ce début 2025 d’un énième poids lourd de l’économie genevoise intervient alors que la Cité de Calvin essuie par ailleurs une série de revers depuis quelques années, en tant que capitale d’événements internationaux prestigieux. 

De façon générale, le thème récurrent est le coût élevé d’une présence à Genève, que ce soit au niveau des stands d’exposition ou des hôtels, souvent considérés comme hors de prix.

Pas assez d’unité affichée

En août dernier, Genève n'a pas été retenue pour organiser le Concours Eurovision de la Chanson 2025, la SSR ayant préféré la candidature de Bâle. Ici, c’est d’abord le budget plus généreux qu’a su déployer la Cité rhénane qui lui a conféré l’avantage, tout comme l’unité politique et citoyenne affichée en soutien du projet. 

A l’inverse, Genève a souffert de divergences illustrées par la menace de référendum brandie par les Jeunes UDC. Dès lors, la Cité de Calvin a dû dire adieu à la perspective de dizaines de millions de francs qui auraient pu être injectés dans l’hôtellerie, la restauration, les commerces, ou les transports publics.

Auto et jets: moins intéressés

Citons également l’annulation du Salon international de l'automobile, décidée après la déception des 168’000 visiteurs de l’édition 2024. «L’industrie automobile a montré qu’elle n’a plus besoin d’un salon à Genève», ont conclu les organisateurs. Pour rappel, l'événement attirait entre 650'000 et 750'000 visiteurs par an en moyenne au début des années 2000. «C’est un monument de l’histoire automobile qui s’arrête, commentaient en mai dernier des chroniqueurs de la TV genevoise Léman Bleu. Durant plus d’un siècle, le Salon de Genève a été la rampe de lancement de voitures iconiques, révolutionnaires ou inaccessibles». Et pourtant, en novembre 2025, c’est à Doha que les organisateurs genevois installeront le salon. Au Moyen-Orient, l’attrait pour les salons automobiles a au contraire augmenté. En outre, d’autres villes européennes continuent d’accueillir des salons automobiles, comme Paris et de Munich. Leur avantage: avoir une industrie indigène, qui les soutient. Le salon de Munich a lieu en septembre prochain, celui de Paris en octobre 2026. Celui de Tokyo, qui se porte également très bien, est prévu en octobre 2025.

Cherté des stands peu compétitive

Au moment où était communiquée la cessation du Salon de l’Auto, la Tribune de Genève faisait état de doutes quant à la survie d’un autre salon, celui de l’aviation d’affaires, ou EBACE, qui est l'événement du mois de mai à Genève depuis 2001. En cause: essentiellement la cherté de la location des stands de Palexpo, dénoncée par les exposants de jets. Cela explique en partie la désertion d’un certain nombre des constructeurs nord-américains ces dernières années. L’an dernier, la NBAA américaine, principal groupe d’intérêt du secteur, et contributeur numéro un à EBACE, s’est retiré du capital au profit de son homologue européenne, beaucoup plus petite. Résultat, le salon EBACE se déroulera cette année le 22-25 mai en version remaniée, pour s’adapter à des moyens réduits, et occupera une seule Halle de Palexpo (la Halle 6), au lieu des Halles 5 et 6 comme auparavant.

La Genève Internationale moins soutenue

Depuis l’arrivée de Donald Trump, les organisations internationales basées à Genève (ONU, OMC, OMS, OMPI, BIT…) voient leurs perspectives s’assombrir: la Maison Blanche a déjà annoncé son retrait de l’OMS. Cela signifie un retrait de 22% du financement étatique de l’Organisation mondiale de la Santé. 

Peu connue pour son adhésion au multilatéralisme, cette administration républicaine va-t-elle réduire le financement d’autres organisations basées à Genève, qui représentent plus de 30'000 emplois? La contribution des Etats-Unis ne dépasse pas 26% pour toutes les organisations de la Genève internationale confondues, a indiqué l’ex-conseillère fédérale Micheline Calmy Rey le 27 janvier, qui trouverait judicieux de se tourner vers d’autres pays comme le Brésil, l’Afrique du Sud ou l’Inde.

En attendant, la menace la plus immédiate est venue du Conseil fédéral. D'ici 2027, Berne prévoit des coupes budgétaires de 2 millions de francs pour la Genève internationale. Ces économies vont ôter 1,1 million de francs au Musée international de la Croix-Rouge, et obliger Genève à prendre en charge les frais des gardes-frontières pour son aéroport et ceux de la brigade de sécurité diplomatique. Pour le Canton, il sera difficile de trouver quelques millions supplémentaires pour la Genève internationale, étant donné qu'il a décidé de baisser ses impôts.

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