Sans grande surprise, la cause verte a (encore) perdu. C'est un refus écrasant que le peuple vient d'infliger ce 9 février à l’initiative pour la responsabilité environnementale des Jeunes Vert.e.s. Ainsi, la série noire continue. L'an dernier, c'était l’initiative pour la biodiversité qui était balayée, et avant elle, c'était la révision de la loi sur le CO2 qui échouait en 2021, actant une fin brutale de l’élan pour le climat.
Une cause qui coûte cher
La cause climatique, qui a connu son pic d'activité entre 2018 et 2020, a directement pâti de l'inflation et de la perte de pouvoir d'achat liées à la pandémie du Covid et à la guerre en Ukraine. Son apogée aura été de courte durée. Si bien qu'aujourd'hui, il faut être très optimiste pour lancer une initiative pour le climat.
D’une part, les citoyens suisses dans leur majorité pensent à la fin du mois avant de penser à la fin du monde. Dans leur esprit, climat veut dire passer à la caisse. Un indice évident de ce qui motive la majorité, à l'inverse, est le succès des initiatives qui parlent à leur portemonnaie, comme la 13ème rente AVS. C'est clair à chaque votation: les Suisses préfèrent qu'on veille à leur santé financière plutôt qu'à leurs idéaux planétaires.
Ce sujet est global, ou il n'est pas
Quels idéaux, d’ailleurs? Celui qui consiste à fournir de gros efforts pour sauver la planète au niveau de notre seule petite Suisse, face à une Amérique plus décomplexée que jamais dans son mépris de la cause climatique? Et face à une Chine qui reste le plus gros émetteur de CO2, et le plus gros producteur et consommateur de charbon?
La réalité est qu'une Suisse qui serait responsable toute seule, qui serait exemplaire sur son seul territoire, ne serait qu’une goutte d’eau dans l’océan d’irresponsabilité des grandes puissances.
En effet, tout s’est encore compliqué depuis les deux mandats de Donald Trump. Avec un président américain ouvertement sceptique, qui soutient les énergies fossiles et qui s’est retiré en 2020 de l’Accord de Paris sur le climat, beaucoup de citoyens suisses et européens se découragent. Difficile de s'imaginer fonctionner à contre-courant en tant que petit pays.
C’est pourquoi l’état d’esprit des Helvètes n’est pas au sacrifice collectif pour une cause sur laquelle ils savent bien qu’ils ont peu de prise.
Clash entre le sociétal et le social
Dans ce contexte, les thèmes portés par les jeunes Vert.e.s et les Socialistes de la frange sociétale et environnementaliste deviennent un luxe, et entrent presque en conflit avec le champ d'action social, tant les politiques vertes sont coûteuses. Surtout lorsqu’on sait que l'âge médian des électeurs est proche des 60 ans en Suisse. Or justement cette population dans son ensemble n'a pas vu sa situation financière s'améliorer. En Suisse romande, un retraité sur cinq risque de tomber sous le seuil du minimum vital.
Dès lors, qui a le luxe de se serrer la ceinture pour les générations futures? De financer des pompes à chaleur et des panneaux solaires hors de prix et dont seule une partie du coût est subventionnée? De renoncer à la voiture quand il est difficile de trouver un travail? Pour beaucoup, c'est tout réfléchi. De moins en moins de Suisses voient des raisons de se sacrifier dans le monde irresponsable - et fier de l'être - de Trump.
L'opposition des entreprises
D’autre part, le Conseil fédéral et Economiesuisse ont rejeté la plupart de ces initiatives environnementales, les jugeant souvent trop radicales. Y compris la dernière en date, l’initiative pour un Fonds climat, déposée en août dernier, ou celle Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement, déposée en mars dernier. Or l’opposition des entreprises ne saurait être sous-estimée. Economiesuisse a mené campagne avec des moyens souvent bien plus élevés que les initiants, luttant contre la plupart de ces initiatives et aussi contre celles à venir.
Par chance, ces puissants opposants ont le renfort des électeurs suisses méfiants des politiques de gauche. Une alliance de circonstance, qui rallie ceux qui s’inquiètent pour leur pouvoir d’achat et n'ont pas envie de payer pour la pollution de la terre entière, tout comme ils ne veulent plus porter la misère du monde sur leurs épaules.
C'est aussi pourquoi ces prochaines années, la gauche a de meilleures chances de se faire entendre sur les sujets économiques et sociaux que sur les sujets environnementaux et sociétaux. Quant à la désaffection pour la cause climatique, soyons réalistes: elle ne prendra vraiment fin que lorsqu'émergera un véritable consensus mondial sur le sujet.