Des jetons Trump et Melania
Lancer une cryptomonnaie à son nom, la nouvelle manie spéculative

Nouvelle frénésie: Donald et Melania Trump ont vu leurs cryptos exploser en quelques heures. Cet usage opportuniste des jetons spéculatifs crée l’engouement, mais pose des risques et des problèmes éthiques.
Publié: 21.01.2025 à 11:44 heures
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Dernière mise à jour: 21.01.2025 à 11:45 heures
La cryptomonnaie de Trump soulève la question épineuse des frontières entre fonctions officielles et profits personnels.
Photo: CFOTO/Future Publishing via Gett
Myret Zaki

D’abord, les fans de cryptos se sont enthousiasmés quand Donald Trump a lancé, le 18 janvier, sa propre cryptomonnaie: $Trump. Du jamais vu: en moins de 48 heures, le prix du jeton numérique a été multiplié par 8, s’envolant sur la seule popularité du président américain. Sa capitalisation a dépassé 14 milliards, avant de glisser vers les 8 milliards. «Concrètement, cela ne signifie pas qu’il y a aujourd'hui 8 milliards de dollars investis, car seuls 20% des jetons seraient en circulation, mais que c’est à ce prix que le marché les valorise et serait prêt à les acheter», explique Gauthier Vila, expert romand en web3 et finance décentralisée, et fondateur de Zyfi.

Cours de la cryptomonnaie $Trump depuis le 18 janvier 2024

Source: Coinmarketcap.


Le lendemain, c’était au tour de l’épouse du président de lancer sa cryptomonnaie: MELANIA. Celle-ci a gagné 20% en 24 heures, dépassant les 2 milliards de dollars de capitalisation, avant de tomber à 830 millions. Des parcours «pump and dump» habituels pour ces memes coins.

Cours de la cryptomonnaie MELANIA depuis le 19 janvier 2024

Source: Coinmarketcap.

Investi dans les deux projets, le couple pourrait être théoriquement devenu cryptomilliardaire en quelques heures, même si on ignore les montants exacts détenus par les initiateurs et le moment où ils ont pu éventuellement se délester sur le marché pour réaliser leurs gains.

Le fort engouement initial du marché s’explique aisément: la communauté crypto soutient fermement le nouveau président, qui a évoqué l’idée pour les Etats-Unis de déréguler les cryptomonnaies et d’en faire une réserve stratégique.

Avant Donald et Melania, c’est Elon Musk qui avait ouvert la voie, en s’associant de manière officieuse au Dogecoin, autre cryptomonnaie meme, c'est-à-dire basée uniquement sur une idée, et non sur un actif tangible. On se souvient que ses tweets avaient fait exploser de 15’000% le DOGE entre janvier et mai 2021. Pour l’homme à la plus grande fortune mondiale, c’était aussi une source d’enrichissement (la capitalisation du DOGE a atteint 75 milliards en 2021), même si on ignore s’il a vendu tout ou partie, et à quel moment.

Risque pour le spéculateur lambda

Avec ces jetons sans actif sous-jacent, ultra-volatils, iI existe typiquement un risque de pertes élevé pour le spéculateur lambda, au moment où la bulle éclate, comme elle l'a fait, en à peine 1 ou 2 jours. Car ces memes suivent une trajectoire habituelle de pump and dump (explosion / effondrement). Les acheteurs de la première heure sortent, le cours chute brusquement, et les derniers arrivés perdent tout. Le cours du $Trump a par exemple été divisé par deux dans la journée du 19 janvier, et celui du MELANIA l’a été dans la journée du 20 janvier.

Peu de risque pour les fondateurs

«L’idée de ces jetons est qu’on les achète pour les revendre, au plus tard dans les semaines qui suivent, à d’autres personnes, explique Cyril Lapinte, expert genevois en blockchain et cryptoactifs et fondateur de OpenFiz. C’est un mécanisme de chaises musicales, plus qu’un Ponzi. Car ici, on sait ce qu’on achète. Mais il n’y a pas de création de valeur. Il y a quelques gagnants, et beaucoup de perdants. Les fondateurs n’investissent pas, ils vendent. Leur potentiel de gain est donc maximal et leur risque nul. Alors que pour les suivants, plus le temps passe, plus le risque de tout perdre est élevé.»

Pas tous alignés

Pour Gauthier Vila, «que ce soit bon ou mauvais, ces initiatives font avancer les choses. Elles contribuent malgré tout à diffuser la culture crypto. Au sein de la communauté crypto, souligne l’entrepreneur de la DeFi, il y a toutes les sensibilités; beaucoup ne sont d’ailleurs pas alignés avec l’idée du Trump coin.»

Frontières entre officiel et personnel

Reste la question éthique liée à ces monnaies lancées par le président et la première dame. Le mécanisme à l’œuvre est courant depuis que de nombreuses célébrités ont lancé leurs cryptomonnaies. Sauf que dans le cas Trump/Melania, «l’opération soulève l’épineuse question des frontières entre fonctions officielles et profits personnels», selon le média économique américain Axios.
Le New York Times aussi désapprouve l’initiative de Trump: «Cette initiative brouille la frontière entre son rôle au sein du gouvernement et les efforts continus de sa famille pour tirer profit de son pouvoir et de sa renommée mondiale. C’est un signe supplémentaire que la famille Trump sera beaucoup moins hésitante à contourner ou à transgresser les limites éthiques traditionnelles au cours de ce second mandat».


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