Comment se défendre face à ces pratiques?
Une assurance force une Genevoise en arrêt maladie à prendre des médicaments

Les assurances veulent de plus en plus avoir leur mot à dire sur les traitements des malades. Une Genevoise en arrêt maladie a été priée de prendre certains médicaments. Comment se défendre face à ces pratiques?
Publié: 14.02.2025 à 11:39 heures
L'assurance indemnités journalières a ordonné à une Genevoise en arrêt-maladie de prendre certains médicaments et de le prouver en envoyant des tests sanguins.
Photo: Getty Images
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Nicole Müller

Une Genevoise, cheffe d'équipe au sein d'une entreprise, est tombée malade à la suite d'un conflit. Diagnostiquée dépressive par son médecin, elle est mise en arrêt maladie par celui-ci, rapporte l'hebdomadaire «Beobachter». Elle perçoit dès lors un revenu de la part d'une assurance d'indemnités journalières.

Pour elle, les antidépresseurs ne sont pas une option envisageable, d'autant que certains médicaments chimiques peuvent avoir de nombreux effets secondaires. Pour ce qui est de ses troubles comme ses problèmes de sommeil, elle se contente de prendre de produits à base de plantes.

Tout se déroule selon le schéma classique. Mais trois mois plus tard, l'assurance d'indemnités journalières lui envoie une lettre lui demandant formellement de prendre des antidépresseurs, comme le rapporte l'émission de «Kassensturz» de la chaîne alémanique SRF. Et cela va loin, puisque la Genevoise est sommée de prouver sa prise de médicaments en envoyant des échantillons sanguins à l'assurance.

L'affaire de la réduction des risques

Contactée, l'assurance renvoie à l'obligation des assurés de percevoir le moins d'indemnités journalières possible – ce qu'on appelle communément l'obligation de réduire le dommage – et à ses conditions générales d'assurance (CGA). Celles-ci précisent que les assurés peuvent être tenus de prendre des médicaments. Quant aux tests sanguins, ils sont autorisés par la loi.

La Genevoise est dans l'impasse. Elle ne souhaite pas prendre ces médicaments, mais elle craint tout autant de perdre ces prestations indispensables pour elle. Fort heureusement, elle peut reprendre le travail assez rapidement et donc renoncer aux indemnités journalières.

Lettre ouverte à Elisabeth Baume-Schneider

Ce cas est loin d'être isolé. De plus en plus de personnes malades sont poussées par leur assurance à accepter certains médicaments ou certaines thérapies, «souvent contre leur volonté expresse et contrairement aux recommandations médicales», écrit l'association Avenir 50plus Suisse dans une lettre ouverte à la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider datée du 4 février de cette année.

Si vous êtes, vous aussi, concerné par de telles mesures de contrainte, ou si vous craignez de devoir y faire face un jour, voici cinq éléments qu'il vous faut avoir en tête et qui pourraient même permettre de vous défendre face à votre assurance.

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Quels sont les droits des employés malades?

Lorsqu'un employé ne peut plus travailler, l'entreprise doit continuer à leur verser leur salaire pendant une période qui peut aller de trois semaines à plusieurs mois, en fonction du canton dans lequel il vit et du nombre d'années de service à son actif. Si un employé travaille depuis moins de trois mois dans l'entreprise, il ne percevra rien. De nombreux employeurs ont conclu une assurance d'indemnités journalières en cas de maladie. Celle-ci verse généralement 80% du salaire brut pour une durée pouvant aller jusqu'à deux ans. D'une façon plus générale, le contrat de travail et les conditions générale d'assurance sont déterminants.

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Qui détermine si une personne est trop malade pour travailler?

En principe, c'est le médecin traitant. Les employés doivent prouver qu'ils ne peuvent pas travailler moyennant un certificat médical. Celui-ci doit mentionner le début, la durée et le degré de l'incapacité de travail. Tant l'employeur que l'assurance d'indemnités journalières peuvent sommer l'employé de consulter le médecin-conseil de l'employeur. Ce dernier ne peut toutefois pas communiquer d'informations sur le diagnostic à l'employeur.

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La maladie de la Genevoise était connue de l'assurance, pourquoi?

Le diagnostic exact d'un employé est couvert par le secret médical. L'employeur n'a donc pas le droit de le connaître. Mais cela ne s'applique pas à l'assurance d'indemnités journalières, laquelle doit pouvoir clarifier le droit aux prestations. Pour cela, la personne malade doit signer une procuration. Celle-ci libérera les médecins traitants et les autorités impliquées – notamment l'AI – de leur obligation de garder le secret. Quiconque refuse de le faire enfreint son devoir de collaboration et risque de voir ses prestations supprimées ou réduites par l'assurance d'indemnités journalières.

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L'assurance peut-elle imposer des médicaments et des tests sanguins?

L'AI peut le faire dans certaines circonstances, en vertu d'une décision du Tribunal fédéral. Mais cela ne s'applique pas automatiquement à l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie, explique le professeur de droit Kurt Pärli à l'émission «Kassensturz». En effet, l'AI doit généralement indemniser l'assuré pendant de nombreuses années, tandis que l'assurance d'indemnités journalières doit le faire pour une durée de deux ans au maximum. Alors pense l'expert du cas de la Genevoise cité plus haut? «Ici, l'exigence de l'assurance est clairement exagérée», répond Kurt Pärli.

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Comment les personnes concernées peuvent-elles se défendre?

Dans un premier temps, elles peuvent demander à l'assurance une justification écrite expliquant pourquoi et sur la base de quel diagnostic un traitement ou la prise de tel médicament est selon elle nécessaire. La personne pourra ensuite en discuter avec le médecin traitant, et essayer d'argumenter en conséquence auprès de l'assurance.

Les personnes qui ne parviennent pas à s'en sortir peuvent s'adresser à l'Ombudsman de l'assurance privée et de la Suva ou à l'Office de médiation de l'assurance-maladie, lequel n'est compétent que si l'assurance propose également une assurance obligatoire de soins. Enfin, il est toujours possible de se tourner vers la consultation juridique UP: pour 100 francs, les personnes concernées recevront les conseils d'avocats, qui évalueront leurs différents moyens d'action possibles et les aideront à rédiger une lettre à l'assurance.

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