Ces maisons bâclées ruinent leurs propriétaires
«C'est l'horreur, on ne sait pas comment ça va se passer»

Un emplacement idéal, des maisons individuelles modernes: c’était la promesse de l’entreprise de construction Eleos Concept pour son projet immobilier à Lignières (NE). Mais au moment d’emménager, les acheteurs déchantent: leur rêve vire au cauchemar absolu.
Publié: 05:50 heures
|
Dernière mise à jour: 06:24 heures
1/14
Les villas Ligari à Lignières NE sont devenues un véritable cauchemar pour leurs propriétaires.
Photo: Martin Meul
RMS_Portrait_AUTOR_814.JPG
Martin Meul

Le projet immobilier Ligari à Lignières dans le canton de Neuchâtel devait être la concrétisation d’un rêve: sept villas préfabriquées dans un emplacement idéal, au pied du Chasseral, avec une vue imprenable sur le lac de Bienne.

Mais en traversant la rue paisible du quartier, quelque chose saute aux yeux: les jardins ne sont pas aménagés, l’une des maisons est encore entourée d’échafaudages, une pelleteuse est laissée à l’abandon. L’endroit ressemble toujours à un chantier. La raison? Le projet Ligari est un fiasco architectural d’ampleur, et pour de nombreuses familles, c’est aussi un désastre personnel.

Dommages sur dommages

Dans la maison de Julia Stollenmaier, 45 ans et de son compagnon Brice Renggli, 40 ans, Blick rencontre trois couples installés ici depuis deux ans. «C’est un cauchemar, nous ne savons plus comment nous en sortir», confie Clémence Lance.

Elle vit avec son mari Bastien et leurs deux enfants dans l’une des villas. Ce qui devait être un nid familial s’est transformé en gouffre financier. «Le toit fuit, l’eau s’infiltre en permanence, même par les fenêtres», raconte-t-elle. Depuis leur emménagement, ils tentent de réparer les dégâts. Mais en plus du prix d’achat de la maison, ils ont déjà déboursé près de 250'000 francs en réparations. «Nous sommes désespérés», souffle la jeune mère. Des experts ont relevé de graves défauts structurels.

Les villas Liagri sont devenues un cauchemar pour leurs propriétaires. Le quartier donne l'impression que les travaux sont toujours en cours, mais l'entreprise de construction a fait faillite depuis longtemps.
Photo: Martin Meul

La situation de Julia Stollenmaier et Brice Renggli est similaire. Ils ont dû refaire la toiture et font face à des coûts qui explosent. «Pour le reste, il y avait tellement de défauts que je ne sais même pas par où commencer», explique Julia Stollenmaier. Comme la famille Lance, elle a déjà emprunté de l’argent à ses proches pour pouvoir assumer les travaux. «Cela me cause des insomnies et des épisodes de dépression», confie-t-elle.

Diana Gerber et son partenaire Mustafa Al-Sakini font face à une situation tout aussi absurde. Deux ans après leur emménagement, l’accès principal à leur maison n’est toujours pas construit: ils doivent passer par le garage pour éviter la boue. Certaines fenêtres, encore couvertes de bâches en plastique, doivent être remplacées. Financièrement, le couple est à bout, et une menace supplémentaire pèse sur eux.

La société Eleos Concept, responsable du projet, n’a pas payé les artisans. Résultat: les maisons sont grevées d’une hypothèque légale. «Dans le pire des cas, nous devrons encore payer les dettes des entrepreneurs», redoute Diana Gerber. Ce chaos immobilier bouleverse aussi leurs projets de vie. «Avoir des enfants devra attendre, nous n’en avons tout simplement plus les moyens», explique-t-elle.

«Un projet ruineux»

Interrogé par Blick, Josef Thoma, directeur d’Eleos Concept, se dit lui aussi victime de la situation. «Ce projet nous a ruinés. Nous avons perdu notre entreprise et sommes personnellement endettés», se défend-il.

Les calculs pour les maisons auraient été faits en 2021 et les ventes réalisées jusqu'en décembre 2021, sur la base de tarifs fixes. Mais avec le début de la guerre en Ukraine en février 2022, le prix des matériaux a explosé. «Nous avons dû payer jusqu’à trois fois plus cher pour le bois», affirme Josef Thoma, évoquant des surcoûts allant jusqu’à 200'000 francs par maison.

Malgré tout, il assure avoir tout fait pour achever la construction. «Nous nous sommes endettés à hauteur de plusieurs centaines de milliers de francs. Nous remboursons encore aujourd’hui ces dettes à titre personnel.» Le fait que des fournisseurs n'aient finalement pas été payés s'explique tout simplement par le fait qu'ils n'avaient plus de liquidités. «De plus, ils ont parfois très mal travaillé.»

Propriétaires accusés

Il rejette également une partie de la responsabilité sur les propriétaires: «Nous avons tenté de trouver des solutions avec eux pour absorber les surcoûts, mais ils ont refusé.» Au lieu de cela, certains propriétaires auraient fait appel à des avocats. «Ils ont préféré assumer les coûts d'un litige plutôt que d'apporter leur aide à l'achèvement des maisons.» De plus, les propriétaires n'auraient pas payé les factures. «Nous avons fait faillite avec des créances impayées de 400'000 francs envers les propriétaires».

Les propriétaires rejettent en bloc ces explications. «C’est inadmissible d’envoyer des factures supplémentaires sans accord préalable», déclare Bastien Lance.

Et Diana Gerber d'ajouter: «Lorsque nous avons acheté la maison, la guerre avait déjà éclaté. Monsieur Thoma nous avait alors dit qu'il n'y avait pas de problème, car il avait déjà commandé ou stocké tous les matériaux.» Julia Stollenmaier ajoute: «Nous avons payé le prix d'achat convenu pour les maisons. Mais nous avons reçu des travaux bâclés et des surcoûts massifs.»

Aujourd’hui, les propriétaires n’espèrent qu’une chose : tourner la page de ce cauchemar. Quant à récupérer leur argent, c’est une illusion. La procédure de faillite est close et il n’y a plus rien à récupérer.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la