Revirement sous la Coupole
Et soudain, le PS veut plus d'argent pour l'armée

Le Conseil fédéral veut dépenser moins pour l'armée que ne le souhaite le Parlement. Le politicien de l'UDC Werner Salzmann s'en émeut. Il reçoit même le soutien des socialistes. Mais depuis quand ces derniers veulent-ils plus d'argent pour l'armée? Explications.
Publié: 05.12.2023 à 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 05.12.2023 à 06:45 heures
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Le débat sur le budget de l'armée se poursuit sous la Coupole.
Photo: Keystone
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Daniel Ballmer

C'est une position inattendue. Habituellement, le Parti socialiste (PS) s'engage pour réduire le financement de l'armée. Mais voilà qu'il soutient soudain une motion du conseiller aux Etats de l'Union démocratique du centre (UDC) Werner Salzmann, qui souhaite faire passer un budget plus élevé pour celle-ci. 

Dans un contexte de guerre en Ukraine, le Parlement avait décidé d'augmenter les dépenses militaires de l'équivalent d'1% du produit intérieur brut d'ici à 2030. Cela les ferait passer de 5,5 milliards à environ 9,5 milliards de francs par an. En raison des sombres perspectives financières, le Conseil fédéral a toutefois mis le pied sur le frein: selon lui, cet objectif ne devrait être atteint qu'en 2035. Les projets d'armement devraient être encore repoussés.

Opposition au frein à l'endettement

Mais le politicien bernois de l'UDC Werner Salzmann ne l'entend pas de cette oreille. L'argent «pour rétablir la capacité de défense de notre pays» est nécessaire de toute urgence, peut-on lire dans sa motion. Ce mardi, le Conseil des Etats débattra de son intervention. Le Conseil fédéral devrait aussi montrer comment le budget de l'armée pourrait être augmenté plus rapidement, sans pour autant violer le frein à l'endettement. 

Et surprise: Werner Salzmann reçoit désormais de l'aide du PS. «Cela peut paraître étonnant, car nous avons encore combattu cette augmentation à la hussarde l'année dernière au Parlement», reconnaît Sarah Wyss, politicienne socialiste bâloise en charge des finances. Ce n'est pas que les camarades ont changé d'avis, ou que le parti se préoccupe dorénavant du bien-être de l'armée. C'est plutôt le frein à l'endettement en vigueur qui est dans le viseur de la gauche. 

Le PS veut lancer le débat

«En soutenant la motion de Salzmann, la direction du PS veut montrer l'absurdité du frein à l'endettement actuellement en vigueur et lancer un débat», explique Sarah Wyss. Car à l'origine de ce «stress financier», que le frein à l'endettement est censé apaiser, on trouve précisément le budget de l'armée, estime-t-elle. Avec l'objectif de ménager celui-ci, le Conseil fédéral a annoncé des mesures d'économie dans tous les autres domaines afin de freiner la croissance des dépenses en 2024.

Pour le PS, les plans d'économies vont trop loin. «La conception restrictive du frein à l'endettement ne respecte plus la volonté du peuple», appuie Sarah Wyss. L'introduction du frein à l'endettement il y a 20 ans visait à stabiliser la dette. Mais depuis, il est devenu un «instrument de blocage des investissements, continue la socialiste. Cela ne mène nulle part et nous nous lions inutilement les mains, précisément en période de crise. Nous empêchons ainsi des investissements importants et nécessaires.»

Vers des meilleurs investissements

Le PS ne veut pas supprimer le frein à l'endettement, mais l'adapter. «Les excédents non utilisés du passé devraient pouvoir être investis dans l'avenir», indique Sarah Wyss. Le frein à l'endettement doit être orienté vers la croissance, ce qui permettrait de stabiliser le taux d'endettement net.

Mais depuis l'introduction du frein, le taux d'endettement net de la Suisse a massivement baissé. «Nous avons aujourd'hui le taux le plus bas d'Europe, souligne la Bâloise. Et pourtant, il n'est absolument pas pertinent de continuer à réduire la dette en période de crise.» Selon elle, il est plus important d'effectuer dès maintenant des investissements judicieux, pour de bonnes retraites, des primes abordables ou encore le tournant énergétique.

«Aujourd'hui, l'argent pour de tels investissements serait en partie tout à fait disponible, mais il ne peut pas être utilisé à cause du frein à l'endettement, s'agace la conseillère nationale PS. C'est absurde. Nous devons tout de même rester capables d'agir.» Une position quelque peu tirée par les cheveux, qui pourrait éventuellement alerter l'ensemble de la classe politique sur ce sujet. Quoi qu'il en soit, au Parlement, les chances d'obtenir un budget plus élevé pour l'armée restent faibles.

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