Serait-ce enfin le bout du tunnel? Alain Berset semble y croire. Le conseiller fédéral socialiste en charge de la Santé annonce des «jours de joies» et laisse entendre que la plupart des mesures pour endiguer la progression du coronavirus pourraient bientôt tomber. Cela se ferait par étapes, mais rapidement. Grâce à Omicron, l’immunisation de la population serait d’environ 90% dans pratiquement tous les groupes d’âge, que ce soit par la vaccination, soit par une infection.
Bien que 70% de la population a reçu au moins une dose de vaccin, la vague Omicron qui déferle à grande vitesse assure une contamination rapide de la population, tout en déclenchant une maladie généralement moins sérieuse que celle provoquée par le variant Delta.
De nombreuses mesures perdent ainsi de leur importance. Ou n’ont plus de sens, car l’équilibre coûts/bénéfices n’est plus respecté. Blick explique quelles mesures pourraient tomber, lesquelles pourraient rester, et quels sont les enjeux.
L’obligation de travailler à domicile freine la mobilité
Le Conseil fédéral devrait supprimer ce mercredi l’obligation de travailler à domicile et la transformer en recommandation. Le concept visant à réduire la mobilité et donc la circulation du virus par l’obligation de travailler à domicile a remporté un succès partiel. A Zurich, par exemple, le trafic pendulaire est nettement inférieur à la normale. Au poste de comptage de Hardbrücke, la fréquence des utilisateurs est actuellement autour de 80%. Un chiffre malgré tout élevé, si on le compare au premier confinement en 2020, où le nombre d’utilisateurs avait chuté à 40% du trafic actuel. «L’obligation de travailler à domicile a un certain effet, mais elle n’est plus prise aussi au sérieux», explique Peter Moser de l’Office zurichois des statistiques. «Les gens font une évaluation des risques, et le risque leur semble entre-temps manifestement moins élevé.»
Avec la suppression de l’obligation de travailler à domicile, l’utilisation des transports publics devrait augmenter à nouveau. «Une tendance à la hausse s’est déjà amorcée ces dernières semaines, elle se poursuivra encore plus rapidement après la fin de l’obligation», affirme l’expert en transports publics. Après les vacances de février, Moser s’attend à une normalisation de l’utilisation des transports publics. Cela devrait réjouir les magasins et la restauration – car les clients seront enfin de retour au centre-ville.
La quarantaine n’apporte plus grand-chose
Outre l’obligation de travailler à domicile, la quarantaine de cinq jours devient également caduque. Lors de la consultation du début de l’année, la majorité des cantons s’était déjà rangée derrière l’abandon de cette mesure: par 17 voix contre 8, ils ont soutenu la proposition selon laquelle une quarantaine volontaire sans ordre des autorités est suffisante. Par 13 voix contre 12, une majorité s’est même prononcée en faveur d’une suppression pure et simple des règles de quarantaine.
Le risque est acceptable. Dans sa mise à jour scientifique de mi-janvier, la Task force scientifique de la Confédération est arrivée à la conclusion que l’utilité de la quarantaine n’est plus que minime au vu de l’incidence élevée. A cela s’ajoute le fait que seule une minorité de personnes soumises à la quarantaine sont testées positives. Environ un cinquième, comme le montrent les chiffres du canton de Soleure.
«En tant que mesure individuelle, la quarantaine n’a plus le même effet que lors des vagues précédentes», explique à Blick l’ancien médecin cantonal bâlois Thomas Steffen. Elle a certes un certain effet de freinage, mais pas au point d’arrêter le virus. Une levée est donc justifiée.»
Dans la pesée des intérêts, l’accent est désormais fortement mis sur le maintien des infrastructures critiques. De nombreux cantons ont clairement indiqué que les personnes en bonne santé ou légèrement malades ne devaient pas être inutilement écartées du monde du travail.
L’obligation de certificat devient obsolète
A l’époque du variant Delta, l’obligation de certificat était tout à fait justifiée. Avec la règle des 2G, ce n’est pas seulement la protection des personnes vaccinées et guéries qui est en ligne de mire, mais encore plus celle des personnes non vaccinées. Ces dernières ont été exclues de la vie sociale afin de les protéger d’une maladie grave et de préserver ainsi les hôpitaux d’une surcharge de travail.
Au vu de l’évolution actuelle – la transmission plus facile d’Omicron, y compris par les personnes vaccinées, mais aussi l’évolution plus faible de l’infection – l’obligation de certificat devient de plus en plus obsolète, notamment chez les jeunes générations. La protection des groupes à risque, et donc de la population âgée, reste décisive. On constate que 91% des personnes de plus de 65 ans sont entièrement vaccinées et que 74% sont déjà boostées.
Malgré tout, Thomas Steffen met en garde contre une suppression trop rapide de l’obligation de certificat. «Nous risquons de jeter par-dessus bord trop de mesures à la fois, prévient-il. Or, l’obligation de certificat est un frein important pour le virus.» C’est pourquoi il plaide pour un «démantèlement progressif et gérable». Ce qui est sûr, c’est qu’il ne tombera qu’à l’intérieur des frontières suisses. Il sera toujours nécessaire pour voyager de l’autre côté de la frontière.
L’isolement reste important
Le Conseil fédéral veut maintenir l’isolement de cinq jours en cas d’infection. Ce cloisonnement est tout à fait judicieux pour atténuer la vague Covid. Dans sa mise à jour scientifique de la semaine dernière, la Task force fait certes référence à une charge virale plus faible chez Omicron par rapport au variant Delta. La durée de la phase infectieuse n’est toutefois estimée qu’à un jour de moins: dix jours au lieu de onze. Cela signifie que réduire à cinq jours l’isolement pourrait continuer d’entraîner un grand nombre de contaminations. Le risque s’aggraverait encore en cas de suppression totale.
«Les personnes infectées ont de grandes chances de contaminer les autres», explique Thomas Steffen, plaidant en faveur du maintien de l’isolement obligatoire. «Elles ne devraient donc pas avoir de contact avec d’autres personnes.»
L’obligation de porter un masque sera la dernière à tomber
La décision étant déjà tombée au Danemark et en Grande-Bretagne, la fin de l’obligation du port du masque devient également un sujet de discussion chez nous. Toutefois, des différences importantes sont à noter: la Grande-Bretagne a déjà surmonté le pic de la vague Omicron et le Danemark présente un taux de vaccination nettement plus élevé que la Suisse. Les experts recommandent donc la prudence.
«D’un point de vue épidémiologique et sanitaire, une telle démarche serait prématurée», déclare Urs Karrer de la Task force. «Si nous le faisions, nous serions prêts à accepter que l’évolution des infections s’accélère encore une fois».
Une plus grande marge de manœuvre grâce à Omicron
La Suisse devrait continuer d’avancer prudemment. Cela concernera aussi de potentiels assouplissements lors de rencontres privées ou de grandes manifestations.
«Omicron nous donne sans aucun doute plus de marge de manœuvre que les variants précédents pour réduire assez rapidement les mesures», explique Thomas Steffen. Selon lui, l’immunité de la population est déjà bien avancée.
Le scientifique part du principe que le pic de la vague Omicron est désormais à peu près atteint. Il serait toutefois important que le nombre de cas diminue nettement pendant quelques jours. «Lorsque nous verrons que la tendance est brisée, nous pourrons parler de la réduction des mesures», dit-il. «Mi-février, une étape plus importante est sans doute possible. Nous pourrions voir la fin des masques début mars.»
(Adaptation par Jocelyn Daloz)