Entre leurs deux jardins à Roggwil (BE), René Duppenthaler et son voisin Marvin V.* ont construit une installation digne de la zone démilitarisée séparant les deux Corées. Il y a le mur en bois de deux mètres de haut du côté de Marvin V., derrière une zone tampon d'environ 50 cm de large, puis une clôture de jardin en bois, renforcée par une couche de tissu. Quelques centimètres plus loin, sur le terrain de René Duppenthaler, une clôture de jardin avec du fil de fer barbelé. Et derrière, un mur de caillebotis de 1,80 mètre de haut, le dernier élément en date du système de délimitation. «Ce n'est plus une querelle de voisins», dit René Duppenthaler. «Ici, c'est la guerre!»
Depuis 33 ans, les voisins se couvrent de dénonciations et se jettent mutuellement en pâture auprès de la commune. Le dernier sujet de discorde: le mur que René Duppenthaler a construit pour se protéger du bruit. Marvin V. l'accuse de ne pas avoir obtenu d'autorisation des autorités. René Duppenthaler est furieux: «Maintenant, la commune me menace d'une amende de 40'000 francs!»
1991: première plainte pour des arbustes
C'est d'ailleurs cette même limite entre leurs deux jardins qui a déclenché le premier conflit entre les voisins, il y a maintenant plus de 30 ans. En été 1991, à la place de l'installation, quelques arbustes du côté de René Duppenthaler séparent les terrains des deux nouveaux propriétaires. Dans une lettre recommandée, Marvin V. se plaint que les arbustes ne respectent pas la distance minimale de son jardin: «Si les arbustes n'ont pas été déplacés avant le 31 juillet, nous nous réservons le droit de prendre des mesures», écrit-il.
René Duppenthaler sort une image polaroïd des arbustes d'un classeur rempli de lettres et de photos. Il estime que Marvin V. a réagi de manière totalement excessive: «Au lieu de 50 centimètres, les arbustes n'étaient qu'à 30 centimètres de sa propriété». Pris de rage, il a arraché les plantes - et a déclaré intérieurement son voisin comme étant son ennemi.
Marvin V. vit avec sa femme. Il ne veut pas que son nom apparaisse dans le journal. A Blick, il conteste le récit de son voisin. Selon lui, la dispute aurait commencé parce que son voisin lui a volé de l'humus dans le jardin. «C'est lui qui nous harcèle!», affirme Marvin V.
Des plants de tomates empoisonnés, des menaces
Les belligérants s'attribuent mutuellement des coups bas. «Quand je tonds le gazon, mon voisin éclabousse la clôture avec son tuyau d'arrosage», affirme par exemple René Duppenthaler.
Depuis les années 90, il documente les délits présumés de Marvin V. avec des photos. Elles montrent des plants de tomates empoisonnés, des tas de feuilles soufflées, de la terre brûlée - au sens littéral du terme. «Quand nous nous rencontrons, il me fait un doigt d'honneur», dit René Duppenthaler et ajoute: «Bien sûr, je lui rends la pareille!»
Marvin V. a lui aussi des preuves sur son téléphone portable. L'une d'entre elles montre une fine couche de marc de café sur sa clôture en bois. Il affirme: «C'est Duppenthaler qui l'a répandu là!»
La police confisque des armes et des lapins
Mais le conflit empire avec des menaces bien plus graves. En 2018, Marvin V. porte plainte. René Duppenthaler aurait menacé de lui «tirer dessus avec son 45» et aurait insulté sa femme.
Comme René Duppenthaler fait partie d'un club de tir et possède des autorisations pour plusieurs fusils, la police arrive peu de temps après, fouille sa maison et confisque les armes. Les autorités contrôlent également le clapier du retraité et le signalent ensuite au service vétérinaire. Les animaux manquent de place et ne sont pas détenus conformément aux besoins de l'espèce, peut-on lire dans la plainte.
L'habitant de Roggwil reçoit alors deux ordonnances pénales. Pour lui, c'est clair: «C'est la faute de mon voisin s'ils m'ont pris mes fusils et mes lapins.» Il a néanmoins décidé d'arrêter de se battre.
«Duppenthaler continue de nous terroriser»
De l'autre côté de la clôture, Marvin V. en a, lui aussi, assez de la guerre. En 2022, les deux hommes se mettent d'accord sur une trêve. Dans un accord extrajudiciaire, ils acceptent de retirer les plaintes encore en cours et de se «laisser tranquille» à l'avenir.
Mais la paix est de courte durée. Lorsque René Duppenthaler remplace sa palissade en bois par un mur le long de sa parcelle, tout recommence à zéro. La commune lui ordonne de démolir le nouveau mur et le menace d'une amende.
Marvin V. confirme que c'est lui qui a attiré l'attention de la commune sur le nouveau projet de construction de son voisin, mais il explique: «Ce n'est pas ma faute s'il n'a pas de permis». En outre, Duppenthaler ne respecterait pas l'accord. «Il continue à nous terroriser», poursuit Marvin V.
«Résoudre les problèmes entre eux»
Il est difficile de chiffrer le temps et l'argent que les deux hommes ont dépensé au cours des 33 dernières années en plaintes, dénonciations, clôtures et murs.
A la commune de Roggwil, on connaît désormais les belligérants. «La dispute est presque plus vieille que moi», déclare le syndic Benjamin Kurt à Blick. «Lorsque nous recevons des plaintes, nous les abordons de manière pragmatique et conseillons, si possible, de résoudre les problèmes entre eux.»
Mais les voisins ne veulent pas en entendre parler. René Duppenthaler ne sait pas encore ce qu'il va faire de son mur. Il a cependant installé une caméra de surveillance sur son terrain et espère pouvoir prouver les malveillances présumées de son voisin. Pendant ce temps, Marvin V. se demande si cette installation est légale.
*Nom modifié