Référendum sur la «Lex Netflix»
Des récolteurs de signatures mentent pour arriver à leurs fins

Blick a constaté que des récolteurs des paraphes pour le référendum sur la «Lex Netflix» utilisent des arguments mensongers. Matthias Müller, président des Jeunes PLR Suisse, rétorque que «le lobby du cinéma» crée une polémique en utilisant des cas marginaux. Ambiance.
Publié: 18.01.2022 à 19:31 heures
Les témoignages désignant des méthodes de récolte fallacieuses se multiplient sur Twitter (Image d'illustration).
Photo: Shutterstock
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

«Monsieur, vous voulez signer pour faire baisser le prix de Netflix?» A une semaine d’intervalle, deux journalistes de Blick ont été interpellés avec cet argument par des jeunes hommes récoltant des paraphes à la Place du 14-Juin, devant l’église Saint-Laurent à Lausanne. Le soussigné en a fait l’expérience pas plus tard que ce mardi après-midi.

Les témoignages similaires se multiplient sur Twitter. Dans le lot, on trouve notamment le récit de l’ancien conseiller national socialiste Jean Christophe Schwaab. Problème: le texte présenté dans la rue ne prévoit pas du tout de faire baisser les prix de Netflix. Il ne s’agit pas d’une obscure pétition au destin impossible mais du référendum contre la «Lex Netflix». Et visiblement, à quelques jours du dépôt, certains n’hésitent pas à prendre des raccourcis pour récolter des dernières signatures. Quitte à utiliser des arguments totalement fallacieux.

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Rembobinons. Le Parlement a mitonné cet automne un projet pour protéger la création cinématographique suisse indépendante. Concrètement, les services de streaming (Netflix, Disney+, etc) et les diffuseurs étrangers, comme TF1 ou M6, devront affecter à ce secteur 4% de leurs recettes brutes réalisées en Suisse. Ils seront également obligés de programmer 30% de films européens.

Estimant que le texte est une tromperie, les jeunes UDC, PLR et PVL ont lancé un référendum, résumait Keystone-ATS. L’investissement demandé équivaut, selon eux, à un impôt extraordinaire. Et les producteurs répercuteront les frais sur les consommateurs et augmenteront le prix des abonnements.

«C’est assez décourageant de voir ces méthodes de récolte de signatures, réagit Stéphane Morey, secrétaire général de la Fondation romande pour le cinéma Cinéforom. Nous nous battons depuis des années pour ce projet de loi et le processus parlementaire a été difficile. Mais au moins, les débats ont été dictés par la bonne foi.» Il rebondit, amer: «Là, ça n’a plus aucun sens. La campagne va être compliquée devant le peuple et si en plus on doit passer notre temps à déconstruire des contre-vérités...»

Le Vaudois ne pointe toutefois pas du doigt les référendaires, qu’il n’imagine pas «malveillants». «On peut présumer que les récolteurs sont payés à la signature et que certains sont prêts à tout pour gagner un peu d’argent. Ce système, qui cause des problèmes à répétition, doit être débattu.» C’est-à-dire? «Je passe mon temps à défendre les intérêts et la rémunération des acteurs culturels, cela m’est donc contre-intuitif de pousser pour que les personnes qui récoltent des signatures soient bénévoles, lâche-t-il. Mais, dans ce cas précis, la mesure me semblerait justifiée.»

Les jeunes PLR vaudois se distancient

Contacté, Maxime Meier, président des Jeunes libéraux-radicaux vaudois (JLRV), dit regretter ces cas «s’ils sont avérés». «Les personnes dont vous parlez n’ont toutefois rien à voir avec les JLRV, assure-t-il à Blick. Les membres du parti ont uniquement récolté des signatures sur les stands officiels et lors d’événements du Parti libéral-radical. Notre ligne est claire et nous sommes très sensibles à cette question: les droits politiques sont précieux et il faut employer des moyens corrects pour récolter des paraphes.»

Pour plus d’informations sur les récolteurs lausannois, celui qui est aussi municipal à Bretigny-sur-Morrens nous dirige vers Alec von Barnekow, vice-président des Jeunes libéraux-radicaux suisses. Après s’être étonné du timing de ces témoignages, ce dernier nous renvoie à son tour vers son président, Matthias Müller.

«Nous avons eu de très bonnes expériences avec les récolteurs que nous avons engagés, assure-t-il d’emblée à Blick. Nous prenons beaucoup de temps pour les former et nous avons littéralement passé des heures à leur expliquer nos arguments.» Lui aussi s’étonne de la récente multiplication des témoignages en ligne. «Le lobby du cinéma doit avoir peur puisque nous avons maintenant largement dépassé les 50’000 signatures, rétorque-t-il. Ils veulent mettre en avant un ou deux cas pour faire monter une polémique qui n’a pas lieu d’être.»

Les troupes rappelées à l'ordre

Rien de ce qui a été rapporté n’est donc problématique aux yeux de Matthias Müller? «Nous avons pris contact avec le responsable du groupe lausannois et nous avons souligné qu’il fallait faire très attention à ce qui était dit: les arguments doivent impérativement correspondre à la réalité, glisse-t-il toutefois. De toute manière, nous n’avons pas besoin de mentir. Les arguments sont de notre côté.»

Le juriste de formation confirme par ailleurs que les récolteurs mandatés par les référendaires sont rémunérés à la signature en Suisse romande. Mais, toujours selon lui, il n’y aurait pas de quoi fouetter un chat: «C’est légal et les autres partis utilisent aussi cette manière de faire, y compris les Verts et le Parti socialiste.»

En outre, il arriverait parfois que des jeunes qui font leur première journée ne connaissent pas encore très bien les arguments à développer et «ne soient pas exacts», mais cela serait très rare. «Je ne pense pas que la démocratie soit menacée par des cas marginaux», insiste-t-il. Avant de préciser que les Jeunes libéraux-radicaux suisses ont sorti de leur caisse plus de 100’000 francs pour mener à bien ce référendum: «Tous nos soutiens sont nommés sur notre site internet et Netflix, Amazon Prime Video ou Disney+ ne nous ont pas donné un centime.»

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