Vendredi matin, à Berne, tous les regards seront tournés vers une seule femme: Isabelle Chassot. La conseillère aux Etats fribourgeoise du Centre présentera en effet les résultats de la commission d'enquête parlementaire (CEP) sur le naufrage de Credit Suisse. C'est elle qui a dirigé les travaux d'enquête sur une éventuelle défaillance de la Confédération et de l'autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA). Un an et demi de travail acharné, avec à la clef un rapport de plusieurs centaines de pages.
Cette fin de semaine constituera un moment important de l'année politique suisse, mais elle pourrait également être décisive pour la suite de la carrière d'Isabelle Chassot: si sa présentation et son travail d'enquête convainquent, sa réputation à Berne s'en verra renforcé, ouvrant la voix vers d'autres fonctions.
Un tremplin vers le Conseil fédéral?
Un bref coup d'œil en arrière le montre: par le passé, deux présidents de la CEP ont atterri par la suite au Conseil fédéral. Le pays n'a connu que quatre commissions de la sorte avant la chute de Credit Suisse. Cet honneur est d'abord revenu au démocrate-chrétien (ex-le Centre) saint-gallois Kurt Furgler. Ce brigadier fringant et doué pour la rhétorique a enquêté dès 1963 sur l'affaire de l'acquisition des avions de combat Mirage, avant d'accéder au gouvernement fédéral huit ans plus tard, en 1971.
Le socialiste zurichois Moritz Leuenberger a quant à lui présidé deux CEP: la première sur le départ de la conseillère fédérale radicale (ex-PLR) Elisabeth Kopp, dès 1989, et la seconde sur le scandale des fiches à partir de 1990. Tout ceci, avant de devenir un des Sept sages en 1995.
La publication du rapport sur Credit Suisse sera-t-elle aussi un tremplin pour la carrière de la Fribourgeoise? Une chose est sûre: la conseillère fédérale du Centre Viola Amherd ne devrait plus rester très longtemps au Conseil fédéral. Autre fait connu: le nom d'Isabelle Chassot a déjà été évoqué à plusieurs reprises par le passé dans la course au Conseil fédéral, notamment au moment de trouver un successeur au démocrate-chrétien Joseph Deiss ou au radical Pascal Couchepin.
«La reine Isabelle»
Sur le papier du moins, l'élue centriste a tout de la candidate idéale au Conseil fédéral: elle a siégé à l'exécutif du canton de Fribourg pendant plus de 10 ans (de 2002 à 2013), elle est dotée d'un excellent réseau à Berne et elle peut se targuer d'une solide expérience dans l'administration fédérale, elle qui a dirigé l'Office de la culture entre 2013 et 2021.
Comme si cela ne suffisait pas, Isabelle Chassot est parfaitement bilingue: née d'un père romand et d'une mère autrichienne, elle a grandi le plus clair de son enfance de Fribourg. A seulement 26 ans, elle est élue au Parlement cantonal. Par la suite, elle travaille en tant que collaboratrice personnelle des conseillers fédéraux démocrates-chrétiens Arnold Koller et Ruth Metzler.
Puis à 41 ans, elle est élue au Conseil d'Etat du Fribourg. A ce titre, elle dirige pendant un certain temps la Conférence suisse des directeurs de l'instruction publique. «La reine Isabelle», tel est le petit surnom qu'on donne volontiers à la conseillère d'Etat la mieux élue du canton.
Sa vie privée: la grande inconnue
Et puis, en 2013, sa carrière connaît un tournant surprenant: son compatriote fribourgeois Alain Berset, la fait venir à Berne pour prendre la tête de l'Office fédéral de la culture. Surprise encore en 2021, lorsqu'elle quitte l'administration fédérale, pour se lancer dans la course au Conseil des Etats, au terme de laquelle elle parvient à ravir un siège au Parti socialiste (PS).
Une carrière haute en couleur donc, que l'on peut aisément commenter et imager. Sur le plan personnel en revanche, on ne sait que peu de choses, l'élue se faisant très discrète sur cette question. On notera néanmoins qu'elle est une fan du HC Fribourg-Gottéron. Des critiques, il y en a aussi. D'aucun reprochent à Isabelle Chassot son manque de vision, tant à l'Office fédéral de la culture de la Confédération, qu'à la Conférence des directeurs de l'instruction publique.
Des critiques, mais...
Et il est vrai qu'elle n'était pas très au fait de son sujet lorsqu'elle est devenue cheffe de la culture de la Confédération. De même, elle n'était pas dotée d'une grande connaissance spécialisées sur les banques au moment de prendre les rennes de la CEP, chargée d'enquêter sur Credit Suisse. Mais s'il est bien quelque chose qu'on lui reconnaît, c'est sa capacité à se familiariser très rapidement avec les dossiers.
Et le Conseil fédéral dans tout ça, qu'en pense Isabelle Chassot? «La fonction de conseillère fédérale n'est pour moi ni un rêve ni un cauchemar», a-t-elle déclaré un jour au «Freiburger Nachrichten». Et «si l'occasion ne se présente pas, ce n'est pas si grave», a-t-elle ajouté. Elle n'a d'ailleurs pas manqué de souligner à plusieurs reprises qu'elle ne répondrait à de telles questions que lorsqu'elles se poseraient. Peut-être bientôt?