Il manque encore la pièce la plus importante du puzzle dans le traitement de la fin de Credit Suisse: le rapport de la commission d'enquête parlementaire (CEP). Celle-ci a été instituée par le Parlement le 8 juin 2023. Il s'agit ni plus ni moins que de répondre à la question suivante: qui a failli à la tâche pour que la grande banque riche en traditions puisse sombrer? Quelles fautes ont commis l'ancien ministre des Finances Ueli Maurer ou la directrice de la Finma, Marlène Amstad?
Le rapport final de la CEP, qui doit être publié cette semaine (probablement vendredi), devrait apporter des réponses. En prévision de sa publication, Blick répond aux principales interrogations:
De quoi s'agit-il?
La CEP a pour mission de mettre en lumière la défaillance des autorités. En d'autres termes, il s'agit d'examiner ce qui n'a pas fonctionné dans l'interaction entre le Département fédéral des finances (DFF), la Banque nationale suisse (BNS) et l'Autorité de surveillance des marchés financiers (Finma).
Qui a su quoi et quand sur l'état de Credit Suisse et n'en a pas tiré les conséquences nécessaires? Les autorités ont-elles assisté trop longtemps au naufrage de Credit Suisse, sans réagir?
Qui mène l'enquête?
La présidente de la CEP est la conseillère aux États fribourgeoise, Isabelle Chassot. Les 14 membres de la commission, 7 du Conseil national et 7 du Conseil des Etats, appartiennent à tous les groupes parlementaires de l'Assemblée fédérale. Seule la présidente peut communiquer avec l'extérieur, tous les autres – ainsi que les personnes interrogées – sont soumis au secret professionnel.
Quelle est la période étudiée par la CEP?
La commission s'est concentrée sur la période allant de 2015 (lorsque Tidjane Thiam était encore à la tête de Credit Suisse) jusqu'à la chute de la banque le 19 mars 2023. Une attention particulière a été portée à la période commençant à l'été 2022, lorsqu'il est devenu de plus en plus évident que le Credit Suisse était dans une mauvaise passe.
Qui a été interrogé?
Au total, la CEP a procédé à 62 auditions orales et écrites. Quant à savoir qui a été interrogé, cela fait partie du secret bien gardé de la commission. Mais on peut supposer que l'ancien ministre des Finances Ueli Maurer et sa successeuse Karin Keller-Sutter, ainsi que l'ancien président de la Banque nationale Thomas Jordan et la directrice de la Finma Marlène Amstad, ont été interrogés de manière approfondie.
A ces derniers s'ajoutent de nombreux autres responsables actifs et anciens des autorités fédérales ainsi que des représentants de l'étage supérieur de Credit Suisse. Il est intéressant de savoir si le rôle de l'actuel président de la BNS, Martin Schlegel, qui était responsable de la stabilité financière en Suisse à partir d'août 2022, a également été examiné.
Quels sont les résultats attendus?
Le fait que la CEP ait surtout la Finma dans son collimateur est un secret de polichinelle. Celle-ci joue un rôle clé en tant qu'autorité de surveillance des banques. Où est-ce que la Finma aurait dû regarder de plus près? Aurait-elle dû intervenir plus tôt, et plus durement? La CEP doit répondre à ces questions.
Il s'agit ensuite de déterminer l'héritage politique d'Ueli Maurer et de savoir quand, et dans quelle mesure, il a informé le Conseil fédéral de l'état de la banque en difficulté. En outre, la CEP devrait répondre à la question de savoir pourquoi la Suisse a observé la grande banque pendant si longtemps, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Il est évident que la collaboration entre le DFF, la Finma et la BNS pendant la crise de Credit Suisse depuis l'été 2022 était loin d'être optimale.
La CEP est-elle également prête à faire son autocritique? Car il semblerait que ce soit le Parlement qui ait limité les pouvoirs de l'autorité de surveillance. Ce sont les parlementaires qui se sont prononcés contre un pouvoir accru pour la Finma, comme l'a récemment rapporté la «Sonntagszeitung». L'«échec du Parlement» était-il peut-être une sorte de carte blanche donnée aux responsables de Credit Suisse pour ignorer les instructions de la Finma, comme l'a laissé entendre le président d'UBS Colm Kelleher dans une interview à Blick.
Quelles sont les conséquences du rapport de la CEP?
La CEP va certainement proposer des améliorations aux autorités compétentes. Et surtout répondre aux questions de savoir si la Finma a besoin de plus de compétences – et si oui, lesquelles exactement? Avec le traitement politique du naufrage de Credit Suisse, les bases sont posées pour rendre la réglementation too big to fail, qui n'a pas été appliquée dans le cas de Credit Suisse, plus adaptée à la pratique.
Et la Suisse devrait ensuite s'attaquer à la question de la bonne dotation en capital de la dernière grande banque. En d'autres termes, déterminer la taille du capital d'UBS pour que la banque ne se retrouve, si possible, jamais dans une situation similaire à celle de Credit Suisse.
Des têtes vont-elles tomber?
Le plus probable est celle de la présidente de la Finma Marlène Amstad. Tant Ueli Maurer que Thomas Jordan ne sont plus en fonction, Karin Keller-Sutter est considérée comme l'une des architectes de la reprise en urgence, et n'était en poste que depuis quelques mois.
Qu'est-ce que les responsables du Credit Suisse ont à craindre?
Rien du tout! Les deux derniers présidents du Credit Suisse, Urs Rohner et Axel Lehmann, ainsi que les deux PDG Thomas Gottstein et Ulrich Körner ont apparemment dû se présenter devant la CEP. Mais comme la CEP s'est surtout penchée sur la défaillance des autorités, le rapport n'a pas de conséquences immédiates pour ces derniers.