Simonetta Sommaruga démissionne du Conseil fédéral parce que l'AVC de son mari a été un choc. Durant la semaine passée au chevet de celui qui partage sa vie, la Bernoise a réalisé qu'il était grand temps, après douze ans au gouvernement, de revoir les priorités de sa vie. Une décision qui a non seulement mis en lumière la réalité des proches aidants dans notre pays, mais aussi mis sous le feu des projecteurs Lukas Hartmann, son écrivain de mari.
En 1970, «Ausbruch» est son premier livre. Mais c'est avec «Pestalozzis Berg» («La montagne de Pestalozzi» qu'il perce, huit ans plus tard. Lukas Hartmann y décrit la crise existentielle du célèbre pédagogue suisse Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1826), qui le contraint à faire une cure aux bains du Gurnigel, dans le canton de Berne, en 1799. L'histoire sera même incarnée au cinéma par le célèbre acteur italien Gian Maria Volonté (1933-1994). Le film est en compétition en 1989 pour l'Ours d'or du Festival de Berlin.
Enseignant, animateur radio, écrivain
Lukas Hartmann est le nom d'artiste de «Monsieur Sommaruga», aujourd'hui âgé de 78 ans. Son vrai nom est Hans-Rudolf Lehmann lorsqu'il naît à Berne, en 1944. Son frère cadet Jürg (73 ans) a été rédacteur en chef de Blick. Enfant, le petit Hans-Rudolf voulait absolument devenir artiste. Après la musique et la peinture, il s'est tourné vers l'écriture, allant contre la volonté de son père qui voulait que son fils exerce un métier bourgeois.
Le futur Lukas Hartmann entre à l'école normale pour devenir enseignant secondaire. Plus tard, il travaille à la radio alémanique — il écrit des pièces radiophoniques et réalise des reportages sur des sujets de société. Également scénariste, il écrit sept épisodes pour la série télévisée à succès «Motel». Lukas Hartmann a documenté ses expériences à la radio et télévision dans un roman, «Aus dem Innern des Mediums» («Un média vu de l'intérieur»).
Écrivain prolifique (45 livres), le Bernois a fait des femmes les personnages principaux de la plupart de ses œuvres. C'est en secondes noces qu'il épouse Simonetta Sommaruga en 1996. La future conseillère fédérale a 36 ans à l'époque et dirige la Fondation pour la protection des consommateurs. Le couple est discret, mais Lukas Hartmann dévoile certains éléments en 2015 dans un entretien accordé à Blick. «Nos discussions sont toujours très animées. Et elle est la première lectrice de mes romans. C'est précieux, parce qu'elle est très stricte!»
Star des librairies alémaniques
La spécialité de Lukas Hartmann, c'est de transformer l'Histoire, avec un grand H, en histoires. «Jusqu'au bout des mers» décrit par exemple la dernière expédition du navigateur britannique James Cook à travers le regard d'un peintre de bateaux, John Webber. Ce qui est méconnu, c'est que l'homme était d'origine suisse et s'appelle en réalité Johann Wäber. «Pour moi, il est passionnant de découvrir que des événements qui appartiennent à l'histoire peuvent encore nous parler aujourd'hui», déclarait le Bernois à Blick.
Sa méthode a parfois déplu aux puristes et à la critique, mais elle cartonne auprès des lecteurs: Lukas Hartmann a régulièrement grimpé les «charts» des librairies alémaniques avec ses romans. Plus d'une douzaine ont atteint le Top 10, six se retrouvant «best seller». En tout, le mari de Simonetta Sommaruga est resté trois ans (!) en tête des ventes de livres en Suisse.
Père de trois enfants d'un premier mariage, désormais grand-père, Lukas Hartmann n'a pas affolé les ventes qu'avec ses romans pour adultes. Il s'est également spécialisé dans la littérature de jeunesse durant plus de trois décennies, d'«Anna annA» (1984) à «L'appareil dentaire magique» (2018). L'écrivain bernois a profité de sa formation d'enseignant et du fait qu'il ait dirigé longtemps un centre d'aide à la jeunesse.
L'oncle qui raconte des histoires
En somme, Lukas Hartmann est l'archétype du tonton qui aime raconter des histoires. Avec son regard joyeux et apaisant, il met immédiatement à l'aise ses interlocuteurs. Rajoutez sa voix calme même en dialecte bernois et voilà que vous avez tous les ingrédients pour captiver un public. Ce n'est pas un hasard si ses lectures ont fait un carton... jusqu'à ce que la santé du mari de Simonetta Sommaruga commence à lui jouer des tours.
Cet enthousiasme des Suisses pour Lukas Hartmann s'était matérialisé il y a un an, lorsque nous l'avions rencontré au Musée des Beaux-Arts d'Aarau (AG), en marge d'une exposition sur Louis Soutter. Une visiteuse s'était discrètement approchée de l'écrivain avant de lui demander de signer un autographe sur un de ses livres.
C'est d'ailleurs sur cette personnalité suisse décédée en 1942 que porte le dernier roman de Lukas Hartmann. Il vient de sortir il y a un mois et conclut une trilogie, «Vers l'inconnu». Un titre qui résonne avec les mésaventures récentes du Bernois. «C'est vital pour moi de pouvoir me consacrer entièrement à la matière», avait alors expliqué l'écrivain. Espérons que sa santé lui le permette bientôt, avec cette fois Simonetta Sommaruga en permanence à ses côtés.
