Le confinement a particulièrement mis en difficulté les petites et moyennes entreprises (PME). Pour éviter l'hécatombe économique, le Conseil fédéral a adopté un programme de sauvetage de 40 milliards de francs en mars 2020. Christian Neuschitzer, responsable de la chaîne de magasins «Mein Arzt», en a plus que profité.
Il n'a pas postulé au programme pour l'ensemble de son entreprise, mais pour chaque cabinet individuellement, comme le rapporte le «Tages-Anzeiger». Christian Neuschitzer a également gonflé son chiffre d'affaires sans autre forme de procès, afin d'empocher une plus grande somme - autrement dit un maximum de dix pour cent du chiffre d'affaires 2019.
«Mon docteur» (originellement «Mein Arzt», en allemand) était en difficulté à l'époque et avait besoin d'une injection de liquidités. L'Autrichien a donc demandé à ses employés d'inonder le Crédit Suisse de demandes de prêts Covid. Et a fait inscrire dans les formulaires que chaque cabinet avait un chiffre d'affaires de 1,5 million de francs. S'il avait tout rempli correctement et honnêtement, il n'aurait reçu que 690'000 francs de crédit.
L'argent a été versé malgré les irrégularités
Les employés du Crédit Suisse se sont de fait méfiés. Plusieurs messages en provenance d'un chat interne en atteste. «Quelque chose ne va pas», «ce n'est pas possible (comme chiffre d'affaires, ndlr)».... Le même jour, les employés en charge du dossier ont été informés des irrégularités constatées. Il leur a été donné pour consigne de ne traiter aucune demande de «Mein Arzt»: aucune somme d'argent ne doit être versée. La situation semblait alors désamorcée, la tentative de fraude stoppée net.
Mais les prêts Covid ont tout de même été accordés à l'entreprise - 3,6 millions de francs ont été versés. La raison: deux jours plus tard, des employés de Crédit Suisse différents étaient en charge des dossiers. Ils n'ont pas été informés de la situation, et n'ont rien soupçonné. L'argent a donc été transféré. Un choc pour les employés. «Ohhh gottttttt», s'insurgent-t-ils dans le chat. Un employé a demandé si l'argent avait réellement été versé: Oui, tout. «Quel scandale!»
L'argent s'est évaporé aussi vite qu'il a été versé. Seuls 300'000 francs ont été remboursés à ce jour. Et il manque des millions.
Dix mois de prison pour le patron
Entre-temps, l'Autrichien a été condamné pour la fraude au prêt par le tribunal de district de Bülach. Il a dû passer dix mois en prison. En outre, il a été expulsé du pays pendant cinq ans. Il a été libéré depuis. Il n'est certainement pas innocent, affirme-t-il devant la presse. «Mais je ne comprends pas non plus pourquoi Crédit Suisse a versé l'argent au lieu de signaler mes erreurs dans les demandes, alors qu'ils en avaient déjà connaissance», déclare-t-il au «Tages-Anzeiger».
Crédit Suisse innocenté
Pour le ministère public, cependant, il est clair que Crédit Suisse est innocent. La banque a agi correctement. En principe, les banques étaient seulement censées s'assurer que les demandes soient complètes. Un examen détaillé de chacune d'entre elles n'était pas au programme. «Dans le cas présent, le ministère public est arrivé à la conclusion que le Crédit Suisse n'a violé aucune obligation», s'empresse de commenter la banque face à la presse alémanique.
Cela a suffi pour susciter la méfiance de la Confédération: le gouvernement compte désormais examiner rétrospectivement et de plus près les demandes de prêts Covid 2020.