Les bras des barons de la drogue colombiens s’étendent jusqu’en Suisse, c’est le constat que l’on peut se faire depuis qu’un maillon d’un réseau organisé de trafic de cocaïne mondial, Alvaro H.*, a été arrêté en terres helvétiques. Depuis Bâle, il aurait veillé à ce que la cocaïne arrive en Europe pour le Clan del Golfo, le cartel du crime le plus puissant de Colombie. Ceci, tout en vendant la poudre blanche lui-même à grande échelle – et en récoltant des millions.
L’homme a été menotté le 7 avril 2021 à Bâle. Le 16 janvier, Alvaro H. a été jugé, mais il n’est pas sûr qu’il soit condamné pour les accusations les plus lourdes. Le verdict tombera dès lundi.
Les cartels s’associent
Autre révélation sous-jacente à cette affaire: les Colombiens sont certes responsables de la production de cocaïne, mais il semblerait aussi que d’autres clans se soient réservé une part du gâteau du pouvoir en Suisse. Ces nombreux acteurs s’immiscent dans le trafic de drogue, qui n’est pas contrôlé par une seule organisation criminelle dominante.
En réalité, chacun a sa sphère d’influence, et certains cartels s’associent parfois au lieu de se faire concurrence. «Le fait que les différentes organisations criminelles collaborent ponctuellement est une nouvelle tendance», a ainsi déclaré le procureur fédéral Sergio Mastroianni à Blick.
En ce moment, les cartels suivants sont impliqués dans le trafic de poudre blanche en Suisse.
La mafia italienne
La drogue et le blanchiment d’argent sont toujours l’une des principales activités de la mafia en Suisse. De tous les groupements italiens, la 'Ndrangheta est la plus représentée en nombre dans notre pays, explique à Blick le porte-parole de Fedpol Florian Näf. «La 'Ndrangheta est active à tous les niveaux, dans le commerce de gros, le commerce intermédiaire et le commerce de détail. Pour le marché de la drogue en Suisse, on utilise d’une part les structures de la 'Ndrangheta, mais on fait aussi affaire avec des Albanais, des Dominicains ou des Nigérians.»
En Suisse, la 'Ndrangheta joue un rôle important dans le trafic de cocaïne, confirme le procureur général de la Confédération Sergio Mastroianni à Blick. «Mais à côté de cela, il y a aussi des organisations du sud-est de l’Europe, de Turquie, d’Afrique et, bien sûr, d’Amérique du Sud.»
Les Nigérians
En Italie, ils sont considérés depuis longtemps comme la «cinquième mafia», désignée comme la confrérie de la hache noire. Les anciens rebelles nigérians sont décrits comme extrêmement brutaux, en raison de leurs rites cruels.
Depuis longtemps, les Africains comptent parmi les acteurs mondiaux du commerce de la drogue, et ce, aussi en Suisse. Il y a dix ans encore, la mafia nigériane se partageait le marché de la cocaïne, qui n’était pas contrôlé par les Italiens, avec des bandes dominicaines.
Aujourd’hui, les Nigérians le dominent. Début décembre 2020, un réseau de drogue nigérian a été démantelé à Zurich. La police cantonale du canton ainsi qu’Eurojust, Europol et Interpol, ont participé à l'«opération Wave». Au total, 200 arrestations ont eu lieu, dont 130 rien qu’en Suisse. Quelque 115 kilogrammes de cocaïne ont pu être saisis.
Le cartel des Balkans
Les cartels du sud-est de l’Europe, en particulier ceux des pays des Balkans, travaillent parfois en étroite collaboration avec la mafia italienne. La mafia turque coopère par ailleurs avec la 'Ndrangheta. C’est ce que montre une vaste connexion turque dans la région allemande de la Ruhr, qui a été démantelée en 2018.
Un Croate du cartel des Balkans a été arrêté en 2019 alors qu’il se trouvait à Bâle. Et pas n’importe qui: il s’agissait du chef du cartel. Il s’était apparemment senti intouchable. Avec 21 valises remplies de 603 kilos de cocaïne, il avait voyagé dans son jet privé d’Amérique du Sud à l’aéroport de Bâle-Mulhouse, en France, via Nice. La Fedpol avait alors reçu un tuyau – et avait arrêté l’homme dans le parking souterrain du casino de Bâle.
Cartel dominicain
Le cartel de la drogue dominicain a également des structures mafieuses. Depuis les années 80, il achemine la cocaïne colombienne de Saint-Domingue vers l’Europe – traditionnellement via l’Espagne – au moyen de conteneurs maritimes ou de jets privés. Mais aussi via ce que l'on appelle des mules: des personnes ingérant des pochons de drogue pour les faire passer la douane, ou alors les transportant dans leurs bagages.
La mafia dominicaine expédie par ailleurs de plus en plus vers l’Europe du Nord et se dirige vers des ports en Hollande ou en Belgique, ainsi que vers des aéroports en Allemagne. Le cartel est aussi actif en Suisse, par exemple, à Bâle. Dans le restaurant bâlois Punta Cana, on vendait autrefois de la cocaïne. L’ancienne famille du restaurateur, originaire de République dominicaine, avait été condamnée pour le trafic de quatorze kilos de cocaïne.
*Nom connu de la rédaction