À partir de lundi, un chef présumé du Clan del Golfo, un cartel colombien, sera jugé à Bâle. Binational hispano-colombien, Alvaro H.* aurait dirigé la succursale bâloise du célèbre cartel - et aurait, selon l'accusation, introduit en Suisse des tonnes de cocaïne, d'une valeur de plusieurs millions.
Ce procès est une rareté. Par le passé, notre justice a eu du mal à traiter les affaires de crime organisé, explique le journaliste Klaus Davi. Ce Suisse s'occupe depuis des années des groupes criminels internationaux et s'est spécialisé dans la mafia. «La Suisse n'est pas à la hauteur dans la lutte contre le crime international», affirme-t-il à Blick.
On l'a vu par exemple en 2014, lorsque des enregistrements d'un club de pétanque de Suisse orientale, préalablement mis sur écoute par la police, ont été rendues publiques. Quinze hommes étaient assis à une table et parlaient ouvertement de trafic de drogue. Les enquêteurs en étaient sûrs: il s'agissait d'une cellule suisse de la 'Ndrangheta, la mafia calabraise. Sept ans et une douzaine d'arrestations plus tard, l'affaire s'est finalement terminée par des acquittements devant un tribunal italien - et un camouflet pour les enquêteurs.
Les policiers trop suisses?
En 2004, un autre flop s'est produit à Zurich: après une opération de surveillance de plusieurs mois, des centaines de policiers ont pris d'assaut le clubhouse de l'époque du gang de motards Hells Angels. Là aussi, on leur reprochait d'avoir formé une organisation criminelle. Mais les faits ont été compliqués à prouver, même après une énorme opération de surveillance.
Les lois en Suisse sont moins efficaces qu'à l'étranger, souligne l'expert en mafia: «En Italie, où je vis et travaille, la simple appartenance à la mafia suffit par exemple pour être punissable. En Suisse, ce n'est pas le cas - et c'est une erreur.»
Selon Klaus Davi, la police suisse manque d'atouts dans la chasse aux criminels: «Les corps de police ne sont pas assez diversifiés. Comment les enquêteurs peuvent-ils agir contre un groupe criminel organisé du Nigeria, si personne dans le corps de police ne parle leur langue ou ne comprend leur culture?»
Les mafieux passent sous le radar
Il règne dans la population en général une image erronée de ce que signifie le crime organisé: «Beaucoup de gens ont encore en tête une image de la mafia des années 1940, où les criminels tiraient immédiatement sur tout. Aujourd'hui, ils portent une cravate, s'occupent de choses comme le blanchiment d'argent - et passent sous le radar.»
À cela s'ajoute le fait que le crime organisé est transfrontalier. Cela signifie que les chasseurs de criminels doivent, eux aussi, être actifs au niveau international. «Les cartels sont mieux connectés au niveau mondial que la justice. Il ne suffit pas d'envoyer une demande d'entraide judiciaire et d'espérer un miracle», déplore Klaus Davi. D'après son expérience, c'est avec les Pays-Bas, dont les ports voient débarquer des tonnes de drogue, que la coopération suisse ne fonctionne pas très bien.
Mots de code
L'acte d'accusation du chef présumé du cartel bâlois Alvaro H. montre en revanche l'efficacité de la coopération transfrontalière des criminels. Il aurait acheminé de la cocaïne d'Amérique du Sud jusqu'à Bâle par bateau et par avion grâce à un minutieux système d'intermédiaires.
La bande organisée aurait par ailleurs utilisé des mots codés: au lieu de parler de drogue, on parlait de citrons ou de café. Nous saurons dès lundi si Alvaro H. aura pu déjouer la justice suisse. L'homme conteste toutes les accusations les plus importantes, indique à Blick l'avocat de la défense Moritz Gall.
*Nom connu de la rédaction