Les Verts sont furieux. Ils fulminent contre leurs partenaires habituels, les socialistes et les Vert'libéraux, qui n'ont donné aucun crédit à l'idée des écologistes de présenter un candidat dans la succession d'Ueli Maurer. La voie est libre pour l'UDC, qui pourra tranquillement décider de son ticket et conserver ses deux sièges gouvernementaux.
Pourtant, d'un point de vue purement arithmétique, les Verts sont convaincus qu'ils ont le droit depuis longtemps à un siège au Conseil fédéral. Ils dénoncent donc un «cartel du pouvoir», les trois partis gouvernementaux (PS/UDC/PLR) qui s'allient pour conserver deux strapontins chacun.
Un «coup monté», selon les Verts
En conférence de presse, après le conclave écologiste qui a abouti à cette décision de ne pas présenter de candidature, la cheffe de la fraction verte, Aline Trede, n'a pas mâché ses mots. «C'est un coup monté», a-t-elle asséné devant les médias. Les socialistes et les Vert'libéraux en ont pris pour leur grade.
La déception compréhensible des Verts n'excuse pas toutes les critiques, aux yeux des deux partis dans le viseur écologiste. «Ce qu'ils qualifient de cartel de pouvoir, ça s'appelle la concordance, rétorque le conseiller national socialiste Fabian Molina (ZH). Et si les Verts sont favorables à ce système de concordance, alors il est absurde de s'en prendre à un siège du premier parti du pays.»
Les Verts ont tout à fait le droit de proposer un changement de système s'ils privilégient une coalition de fond, reconnaît l'ancien président de la Jeunesse socialiste. Mais ils doivent alors le dire clairement. «Et si l'on veut modifier la formule magique ou changer radicalement de système, cela n'a de sens que durant le renouvellement total du gouvernement, qui suit les élections fédérales», estime Fabian Molina.
«Leur seul succès? Le foie gras!»
Le Zurichois a le courage de s'exprimer ouvertement, ce qui n'est pas le cas de tous au PS. Plusieurs élus socialistes tirent à boulets rouges (c'est le cas de le dire) sur les Verts, mais sous couvert d'anonymat. «Toute leur action a été mal planifiée, critique ainsi un 'camarade'. La direction du parti a abordé toute cette question sans concept ni candidature crédible.»
Sachant qu'une «vraie» candidature n'avait aucune chance, les Verts auraient dû, s'ils le voulaient, prévoir une candidature provocatrice digne de ce nom et le concevoir comme une opération de communication: «Mais cela se prévoit. Et maintenant qu'ils ont échoué, les Verts cherchent un bouc émissaire pour masquer leurs propres erreurs stratégiques.»
Une autre membre du PS relève que cela fait trois ans, à savoir depuis les dernières élections fédérales, que les Verts voudraient assumer des responsabilités, «mais ils n'ont toujours pas décidé s'ils voulaient être un parti gouvernemental ou non». Et cette source anonyme de coller un tacle aux écologistes: «La seule chose que les Verts ont obtenue, c'est une interdiction de l'importation du foie gras.»
Le timing n'était pas bon, selon le PVL
Du côté des Vert'libéraux (PVL) aussi, on se défend face aux attaques des Verts. «Nous avons signalé d'emblée qu'ils ne pouvaient pas compter sur nous cette fois dans leur opération de contrer l'UDC», explique le chef du parti, Jürg Grossen.
Certes, les Verts ont mathématiquement droit à un siège au Conseil fédéral, mais pas au détriment de l'UDC, qui compte le plus grand nombre d'électeurs. Une telle attaque aurait plutôt porté préjudice aux Verts et à leurs futures ambitions gouvernementales, estime Jürg Grossen.
Car le conseiller national bernois est très conscient que les cartes pourraient être redistribuées après les élections fédérales de 2023, si le camp écologiste au sens large (Verts et PVL) venait à progresser encore. «Si les Verts font une nouvelle tentative légitime à ce moment-là, nous pourrions imaginer un soutien», assure l'homme fort des Vert'libéraux. Mais, si son propre parti augmente sa part électorale actuelle (7,8%) au-dessus des 10%, alors il se pourrait que les Vert'libéraux revendiquent eux-mêmes un siège gouvernemental.
Pas de clash en vue
Et si les partis établis au Conseil fédéral se défendent contre une perte de pouvoir et argumentent à nouveau qu'il n'est pas dans la culture suisse de révoquer des membres élus du gouvernement? «Ce serait injuste et ne refléterait pas la volonté des électeurs. Le Conseil fédéral devra représenter la plus grande partie possible de l'électorat», clame Jürg Grossen.
Les Verts risquent-ils de partir au clash avec leurs alliés vert'libéraux? «Je ne crois pas que notre bonne entente sera affectée, rétorque Jürg Grossen. Après l'échec de la candidature au Conseil fédéral de Regula Rytz (ndlr: l'ancienne présidente des Verts), il y avait eu un peu de distance, mais très brièvement. En fin de compte, nous poursuivons les mêmes objectifs dans la défense du climat et nous travaillons bien ensemble.»