Celle-ci, personne ne l'avait vu venir. Après avoir fait ses adieux au Conseil national l'année dernière, Hans-Ueli Vogt revient sur la scène politique. Et de quelle manière! Le professeur de droit de l'Université de Zurich veut devenir conseiller fédéral. Ce mercredi, soit deux jours avant la fin du délai d'inscription, l'UDC zurichoise a annoncé sa candidature.
La section cantonale du parti réussit ainsi un coup surprenant. Après l'annonce de la démission d'Ueli Maurer, la possibilité de voir un Zurichois lui succéder s'est réduite de jour en jour. La conseillère d'Etat Natalie Rickli s'est retirée de la course. Les conseillers nationaux Gregor Rutz et Thomas Matter ont aussi renoncé, tout comme la plupart des autres représentants du canton au Conseil national.
Zurich a-t-il déjà abandonné?
La section zurichoise de l'UDC, qui a marqué le parti de son empreinte pendant des années, se rendait petit à petit à l'évidence. Les grands pontes craignaient déjà une candidature alibi, avec laquelle l'UDC zurichoise s'exposerait plus à l'embarras qu'à une réelle chance de succès. Plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer l'échec du parti au cours des dernières années. Celui-ci n'a pas réussi à se doter de candidates et de candidats capables d'obtenir une majorité et disposés à s'engager.
Toutefois, avec la candidature de Hans-Ueli Vogt, l'UDC zurichoise parvient peut-être à redresser la barre in extremis. L'ancien conseiller national est le premier concurrent sérieux à se présenter face à Albert Rösti. L'issue de la course au poste gouvernemental, qui semblait déjà sourire au Bernois aux yeux de nombreux observateurs, redevient ainsi plus passionnante.
Mal perçu par les siens
«C'est une manœuvre habile: Hans-Ueli Vogt n'est certainement pas une candidature alibi, commente un membre du Parlement. L'UDC zurichoise peut s'estimer heureuse d'avoir trouvé quelqu'un. Il va lui permettre de sauver la face.»
Les chances d'élection du nouveau candidat restent cependant minces. Le plus grand obstacle pour lui pourrait être son propre groupe parlementaire. Il y est peu ancré, nous assurent des conseillers nationaux. «Son groupe ne l'aime tout simplement pas», lance-t-on.
Il faut dire que le Zurichois s'est écarté plus d'une fois de la ligne de l'UDC. L'initiative sur la responsabilité des multinationales en est un exemple: il s'était engagé pour un contre-projet, contre la volonté du parti. De plus, Hans-Ueli Vogt, lui-même homosexuel, a siégé dans le comité des partisans au mariage pour tous, initiative rejetée par la majorité de l'UDC. «Il s'aventure toujours très loin de son parti», commente-t-on dans le camp bourgeois.
Capacités d'écoute et de compromis
Mais même si l'homme parvient à se hisser sur le ticket de l'UDC aux côtés du favori Albert Rösti, cela restera donc difficile. La conseillère nationale PLR bernoise Christa Markwalder qualifie de «défaut» le fait que le Zurichois ne fasse plus de politique au Parlement fédéral. «S'il était encore au Conseil national, la situation de départ serait différente», estime-t-elle.
Mais Hans-Ueli Vogt n'a fait ses adieux à Berne que fin 2021: il n'est en aucun cas déjà tombé dans l'oubli. C'est surtout dans le travail en commission qu'il a impressionné beaucoup de ses collègues. Il était perçu comme «indépendant et constructif», selon un politicien du PS. Ses qualités d'écoute et de compromis sont aussi mises en avant. La conseillère nationale bâloise Sibel Arslan (Verts) est du même avis: «Hans-Ueli Vogt a prouvé plus d'une fois qu'il était prêt à élaborer des solutions communes.»
La perte d'importance de Blocher
Les capacités de réflexion d'Hans-Ueli Vogt sont donc régulièrement mises en avant. Certains le considèrent d'ailleurs plus comme un expert que comme un politicien. «Il lui manque une carrure politique, juge-t-on. Il parviendra peut-être à se hisser sur le ticket de l'UDC, mais il ne sera jamais plus qu'un outsider.» Le favori reste Albert Rösti, de nombreux parlementaires sont d'accord sur ce point.
Pour beaucoup toutefois, que ce soit Albert Rösti ou Hans-Ueli Vogt, c'est un peu blanc bonnet, bonnet blanc. Dans tous les rangs, on se réjouit que les deux noms parviennent sur le ticket de l'UDC. Car si le parti n'envoie pas un seul partisan d'une ligne dure dans la course, cela pourrait bien signifier que «Blocher & Cie ne semblent pratiquement plus jouer aucun rôle dans la recherche de candidats». C'est peut-être ça, le nerf de la guerre.
(Adaptation par Thibault Gilgen)