Le film «Reinas» de la cinéaste Klaudia Reynicke a remporté le Prix du cinéma suisse vendredi soir à Genève. Barbet Schroeder et Bulle Ogier, absente, ont reçu pour leur part le Prix d'honneur pour leur influence pionnière sur le cinéma.
Au moment de décerner le Prix d'honneur du cinéma suisse 2025 au couple d'artistes franco-suisse Barbet Schroeder et Bulle Ogier, qui n'était pas présente à Genève, la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider a relevé: «Si nous étions dans la tradition japonaise, vous seriez déclarés Trésors nationaux vivants». Le réalisateur suisse et l'actrice franco-suisse font partie des figures les plus marquantes de la Nouvelle Vague. «Vous êtes nés tous deux dans des temps de fureur et d’effroi – ceux de la Deuxième guerre mondiale - et vous recevez ce prix dans une époque qui par de nombreux aspects pourrait y ressembler», a poursuivi la ministre de la culture.
Revenant sur l'actualité et le changement de pouvoir aux Etats-Unis sans les nommer, elle a souligné, selon la version écrite de son discours, que «ce grand pays vient de publier la liste de 4000 titres de livres désormais censurés dans les cursus scolaires et les bibliothèques publiques. Je n’ai pas de mots assez forts et assez durs pour dire ce que m’inspire le fait.»
«Reinas» primé
A l'issue de cette soirée au bâtiment des forces motrices de Genève, «Reinas» a reçu le Quartz du meilleur film. Entre monde rêvé et réalité, «Reinas» est une chronique familiale qui se déroule dans les années 90 à Lima. Une mère veut partir pour les Etats-Unis avec ses deux filles, en laissant derrière elles leur père, qui n'a pas grand-chose à leur offrir. Cette décision est motivée par la crise économique, les troubles politiques et le manque de perspectives dans le Pérou des années 1990.
Retenu pour représenter la Suisse aux Oscars, «Reinas» est aussi le premier long métrage suisse sélectionné en compétition internationale au festival du cinéma indépendant à Sundance. Il a déjà remporté le prix Génération Kplus à la Berlinale et celui du public à Locarno.
Un Quartz pour Laetitia Dosch
Le prix de la meilleure actrice est décerné à Laetitia Dosch pour le film «Le procès du chien», dont elle est également réalisatrice. Le film, nominés dans quatre catégories, a été projeté en mai dernier au Festival de Cannes. Dans ce premier long métrage, l'actrice et réalisatrice franco-suisse incarne une avocate Avril, qui défend un chien à la barre.
Laetitia Dosch, 44 ans et originaire de Tinizong, un petit village des Grisons, a étudié à La Manufacture à Lausanne et a dansé pour Marco Berrettini et La Ribot. Son film est coproduit, entre autres, par le réalisateur lausannois Lionel Baier, de la société Bande à part Films et la RTS. Le grand favori avec six nominations, «Der Spatz im Kamin» ("Le moineau dans la cheminée") de Ramon Zürcher, produit par son frère jumeau Silvan, repart avec deux Quartz: ceux du meilleur scénario et du meilleur son. Ce film, en lice pour le Léopard d'or en compétition internationale à Locarno l'été dernier, dresse le portrait d'une «mauvaise» mère dans une famille dysfonctionnelle.
«Wir Erben», meilleur documentaire
«Wir Erben» (Nous les héritiers) du réalisateur bernois Simon Baumann remporte le Quartz du meilleur documentaire. Le paysan écologiste Ruedi Baumann, 77 ans, et son épouse, la socialiste Stephanie Baumann, 73 ans, ont été le premier couple à siéger au Conseil national dans les années 90.
Leur fils leur consacre le documentaire, axé sur la question de l'héritage matériel et idéologique. Il s'était vu décerner le Grand Prix de la Semaine de la critique, section parallèle du Festival du film de Locarno, en août dernier.
Deux meilleurs acteurs
David Constantin et Dimitri Krebs ont tous deux été élus meilleurs acteurs. C'est rare, mais cela peut arriver lorsque les nominés reçoivent le même nombre de voix de l'académie du cinéma suisse.
David Constantin a été récompensé pour sa performance dans la comédie policière haut-valaisanne «Tschugger - der lätscht Fall». Il y incarne le policier Bax. Le jeu d'acteur de Dimitri Krebs dans «Landesverräter» a également été salué. Il y incarne le jeune St-Gallois Ernst Schrämli, exécuté pour trahison pendant la Seconde Guerre mondiale.
Un cascadeur primé
A sa grande surprise, Oliver Keller a reçu un prix spécial. Ce cascadeur a déjà travaillé à Hollywood. En Suisse, il a par exemple tourné sur le plateau des séries «Tschugger» ou «Tatort» et s'est chargé des parties dangereuses. Oliver Keller n'était pas au courant qu'il allait recevoir un prix. Il a cru qu'il était simplement invité à la cérémonie de remise des prix pour effectuer une cascade.
Les prix du cinéma suisse ne sont pas dotés d'une somme d'argent: celle-ci est remise lors des nominations et se situe entre 2500 et 25'000 francs. Ces prix sont décernés par l'OFC depuis 1998.