Une bonne partie de la population suisse adore skier. En comptant également les touristes, ce sont 25,4 millions d'abonnements journaliers de ski qui ont été vendus en Suisse au cours de l'hiver 2021-2022.
Ce nombre constituait alors un record par rapport aux années précédentes. Mais l'hiver actuel va provoquer un net recul. Le manque cruel de neige n'est pas bon pour les affaires, en particulier dans les petits domaines skiables de basse altitude.
La situation actuelle est un cas extrême, mais aussi un signe annonciateur d'un avenir difficile. Sans enneigement artificiel, les sports d'hiver ne seront plus guère possibles. Et ce, même dans les domaines skiables de haute montagne comme Arosa-Lenzerheide, dans les Grisons: «Cet hiver, nous constatons à nouveau l'importance de l'enneigement artificiel», déclare Thomas Küng, le patron des remontées mécaniques de la station.
100 millions de francs d’investissements
Un sondage de Blick auprès des remontées mécaniques suisses montre que la branche veut investir plusieurs dizaines de millions de francs dans des systèmes d'enneigement au cours des prochaines années – 100 millions au total. Les remontées mécaniques d'Arosa-Lenzerheide sont en tête de liste. Trente millions de francs devraient y être investis dans l'infrastructure d'enneigement au cours des cinq prochaines années.
«Quelques pistes de liaison importantes sans enneigement artificiel nous ont passablement occupés», indique Thomas Küng au sujet de l'hiver actuel. Le domaine skiable veut maintenant équiper ces tronçons. De plus, la puissance des installations doit être augmentée et l'approvisionnement en eau amélioré – c'est là qu'il y a actuellement un goulot d'étranglement pour l'enneigement avant la saison.
Un lac d'accumulation plus grand permettrait de résoudre le problème. «Ces mesures nous permettent de faire face au changement climatique. Par rapport au passé, nous dépendons déjà beaucoup moins de la neige naturelle», explique le patron de la station.
Crans-Montana, Verbier et Nendaz sont dans la course
Le fait que les remontées mécaniques helvétiques ne dépendent pas de la neige naturelle pour le début de l'hiver est essentiel pour la survie de la branche. L'activité hivernale reste la principale source de revenus. Et sans garantie de neige, les magasins de sport, les hôtels et la gastronomie sont également à la peine.
Toujours dans le canton des Grisons, une offensive d'investissement est également à l'ordre du jour du côté des remontées mécaniques d'Obersaxen Mundaun. Ces dernières veulent développer l'enneigement artificiel pour 5 à 10 millions de francs et enneiger des pistes supplémentaires, dont la couverture neigeuse laisse actuellement désirer. Dans la station voisine de Vals, il s'agit de 3 millions de francs.
Du côté romand, les remontées mécaniques valaisannes de Crans-Montana s'équipent pour 10 millions de francs. Celles de Verbier et de Nendaz veulent investir chacune 5,5 millions de francs. Et la région de ski bernoise de la Jungfrau prépare également une nouvelle piste pour la saison prochaine.
L'Autriche dépasse la Suisse
Selon notre enquête, des investissements de plus de 40 millions de francs sont prévus dans le canton du Valais. Dans les Grisons, il s'agit même de près de 50 millions de francs. À cela s'ajoutent plusieurs millions de francs dans l'Oberland bernois et dans les autres cantons de sports d'hiver. Les remontées mécaniques cherchent avant tout à combler d'importantes lacunes dans leur réseau de pistes. Beaucoup d'argent est par ailleurs investi dans la modernisation des installations existantes.
Au début du millénaire, les domaines skiables du pays pouvaient tout juste enneiger 7% de la surface des pistes. Aujourd'hui, cette part s'élève à 54%. Chez le grand concurrent de sports d'hiver qu'est l'Autriche, ce chiffre atteint 70%, et même 90% dans le Tyrol du Sud. Malgré cela, de nombreux domaines skiables suisses profitent de leur altitude et donc d'une meilleure garantie d'enneigement. Néanmoins, ces stations devront, elles aussi, continuer à s'équiper à l'avenir.
Un enneigement qui coûte cher
Un des principaux freins au développement de systèmes d'enneigement artificiel est leur cherté. Selon une règle empirique, un kilomètre de piste coûte un million de francs. Les nouveaux lacs d'accumulation, comme à Lenzerheide, sont particulièrement coûteux. Mais les remontées mécaniques devraient pouvoir assumer les investissements par leurs propres moyens, selon Thomas Küng.
Néanmoins, la situation financière de nombreuses remontées mécaniques est loin d'être rose et des investissements aussi massifs représentent un casse-tête. Si les entreprises de sports d'hiver remplissent certains critères économiques, elles peuvent espérer obtenir des prêts à taux réduit de la part de la Confédération. Dans les cantons touristiques comme le Valais, les Grisons ou Berne, les autorités interviennent également en tant que bailleurs de fonds.
Malgré tout, certaines remontées mécaniques se retrouvent dans une situation précaire. Ainsi, pour celles de Lauchernalp, dans le Lötschental valaisan, on ne sait pas encore combien d'argent sera disponible à la fin de la saison pour de nouveaux canons et lances à neige. Un sort que partagent plusieurs autres domaines skiables.
La petite station de Melchsee-Frutt, dans le canton d'Obwald, doit par exemple assumer l'intégralité des investissements par ses propres moyens en raison de l'absence de participation du canton et de la Confédération. Ceux qui ne peuvent pas investir doivent mettre l'accent sur des offres alternatives. Le domaine skiable du Rigi, à Schwytz et Lucerne, mise davantage sur des offres moins dépendantes de l'enneigement en hiver, comme les randonnées en raquettes. D'autres développent l'activité estivale et espèrent que les prochains hivers apporteront à nouveau plus de neige... et de recettes.