Combien de temps dure la solidarité? La guerre en Ukraine a commencé il y a huit mois et depuis, des personnes originaires de ce pays continuent à chercher refuge en Suisse. Christine Schraner Burgener, cheffe du Secrétariat d'État aux migrations (SEM), a adopté ce week-end un ton dramatique. «Nous sommes confrontés à la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale», prédisait-elle à Blick samedi.
La diplomate de 59 ans n'exclut pas que «80'000 à 120'000 personnes en quête de protection» en provenance d'Ukraine soient chez nous d'ici la fin de l'année. À cela s'ajoutent les demandeurs d'asile provenant d'autres régions en crise. Environ 3000 personnes sont concernées.
Peu après le début de la guerre en Ukraine, Karin Keller-Sutter a activé rapidement et sans bureaucratie le statut de protection S, qui permet aux Ukrainiens d'éviter le parcours du combattant habituel d'une procédure d'asile. Mais, avec l'agression russe, l'afflux a augmenté, et avec lui les coûts pour l'Etat.
Faut-il aider des réfugiés qui roulent en SUV?
De nombreuses familles d'accueil suisses ont d'abord pensé que le séjour durerait trois mois, mais la réalité s'est révélée bien plus amère, la guerre se poursuivant jusqu'à aujourd'hui. En septembre, le gouvernement a dû demander au Parlement un crédit supplémentaire de 1,2 milliard de francs pour l'asile.
La pression politique ne cesse donc d'augmenter. Ainsi, les rapports sur les problèmes concrets de mise en œuvre se multiplient — dans les communes et les cantons, on critique le principe de l'arrosoir qui permet des prestations sociales pour les personnes financièrement aisées.
Sur certains forums de discussion sur Internet, des images de voitures de sport et de SUV très chers avec des plaques d'immatriculation ukrainiennes circulent, avec une question provocante à la clé: la collectivité doit-elle vraiment financer ces réfugiés, notamment pour des cours de langue?
Des différences de traitement
Lors de la dernière session, l'UDC a même tenté d'abolir le statut de protection S. Mais la solidarité est encore trop forte, et l'opération s'est soldée par un cuisant échec. Pas question pour la gauche de triompher pour autant. Le camp rose-vert n'est pas non plus content, puisqu'il se plaint de l'inégalité de traitement entre les demandeurs d'asile de différentes origines. Pourquoi la famille afghane se voit-elle refuser ce que ses voisins ukrainiens reçoivent? Et les Syriens ne sont-ils pas également victimes de Vladimir Poutine en raison du bombardement généralisé de leur pays par les avions de combat russes Su-34?
Toutes ces questions sont brûlantes d'actualité sous la Coupole. Pour l'instant, le dossier est sur la table de la commission de gestion du Conseil national (CdG). Ses membres ont entrepris d'examiner le régime d'asile actuel — la sous-commission responsable du Département de la justice veut convoquer les autorités de la Confédération en charge de l'asile.
Le président de la sous-commission (il existe une sous-commission chargée de surveiller presque chaque instance), le conseiller national UDC zurichois Alfred Heer, confirme les informations en ce sens de Blick. «Lundi, la cheffe du SEM doit nous informer de l'évolution inquiétante du nombre de requérants d'asile. Celle-ci était prévisible depuis longtemps, avec les difficultés qui en découlent», estime l'élu.
1500 francs par mois et par personne
En outre, poursuit Alfred Heer, «nous demanderons quelles sont les mesures prises par le Conseil fédéral pour faire face à ce défi. Il y a urgence et les coûts explosent.» Au SEM, un porte-parole interrogé par Blick souligne que «le processus d'accueil, l'hébergement et l'encadrement ainsi que la coordination et la collaboration entre la Confédération peuvent être qualifiés de fonctionnels et d'établis, surtout au vu de l'ampleur historique de ce défi.»
Selon le SEM, les coûts de l'aide sociale, qui s'élèvent à 1557 francs par mois et par personne bénéficiant d'un statut de protection S, constituent la plus grande partie des dépenses. Les mesures d'intégration, qui coûtent 250 francs par mois et par personne, ainsi que les frais administratifs, qui s'élèvent à 552 francs par demande, sont aussi gourmands en fonds fédéraux.
En raison de ces besoins, des coûts supplémentaires d'environ 72 millions de francs sont prévus dans le domaine de l'asile. On ne sait pas quand la CdG terminera son rapport. Parallèlement aux vérificateurs de gestion, le groupe d'évaluation «Statut de protection S», mis en place par la conseillère fédérale Keller-Sutter, travaille aussi sur ce dossier brûlant. Qui comporte une inconnue majeure: combien de temps le conflit en Ukraine durera encore.