Blagomir* adore les pigeons. Tous les matins et les après-midi, il enfourche son scooter et se rend dans des jardins pour admirer ces animaux. Il prend également soin de quelque 200 pigeons placés dans des volières. L’homme de 50 ans possède notamment des oiseaux serbes de haut vol qui peuvent rester en l’air pendant des heures.
Une espèce qui fait surtout de l’œil à de nombreux éleveurs qui organiseraient des compétitions illégales. Les parieurs misent plusieurs milliers de francs sur ces animaux. Celui dont l’oiseau vole le plus longtemps rafle la mise.
Les faucons attirent les foudres des colombophiles
«Blagomir a déjà participé à ces compétitions, mais il n’est pas très bon», raconte un éleveur au Blick. L’homme se consacre donc à la volière qui se trouve à proximité d'une usine d'incinération d’ordures à Bâle. C’est là que nichent des faucons pèlerins. Problème: les faucons mangent les pigeons. Ils les attrapent en l’air et les amènent ensuite sur un toit ou dans leur nid pour les plumer.
Une constatation qui a contraint Blagomir à réagir. Le quinquagénaire s’est mis en tête de les défendre coûte que coûte, quitte à devenir un criminel. Le colombophile a ainsi déposé du poison sur ses protégés, histoire de piéger les faucons.
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Une méthode venue des Balkans
D’après la police, Blagomir aurait réussi à empoisonner six faucons et deux buses. Lors d’une perquisition à la mi-février, les autorités bâloises ont retrouvé du carbofuran, une substance active utilisée comme insecticide. Cette information a été confirmée par un proche de Blagomir. Le produit a également été retrouvé dans les corps de six rapaces morts dans la région.
La méthode d’empoisonnement des rapaces provient – tout comme le produit illégal – des Balkans. Les éleveurs choisissent un pigeon faible et lui appliquent le poison sur la nuque. Ils font ensuite voler le pigeon là où un faucon chasse régulièrement. Lorsque le rapace plume le pigeon, il meurt en quelques minutes.
Quand les fans de faucons s’en mêlent
Il est difficile de prouver que les animaux ont été tués volontairement. En effet, les rapaces empoisonnés sont rarement retrouvés. La plupart du temps, ils meurent dans un endroit discret, là où ils avaient prévu d’emmener le pigeon. Si Blagomir a été débusqué, c’est notamment grâce aux Bâlois amoureux des faucons pèlerins. Le petit groupe qui se passionne pour l’espèce fait souvent part de ses observations à BirdLife, l’association pour la protection des oiseaux.
En été 2020, deux faucons qui avaient décidé de nicher non loin de là avaient donné naissance à deux petits. «Soudain, nous avons remarqué que les parents ne volaient plus vers le nichoir», raconte un habitant des lieux à Blick. BirdLife a envoyé un grimpeur industriel pour garder un œil dans les alentours. L’association a fini par retrouver les deux faucons morts empoisonnés. Une autre victime se trouvait à proximité.
Alertés par la situation, les habitants du coin se sont mis à fouiller les environs. Ils sont tombés sur deux autres cadavres en novembre 2021.
Avec seulement 300 à 400 couples, le faucon pèlerin est très rare en Suisse. «Probablement en raison des empoisonnements, des sites de nidification traditionnels sont restés orphelins dans plusieurs villes ces dernières années», écrit Birdlife dans un communiqué de presse.
L'Association suisse des colombophiles (ASC) se distancie formellement des personnes qui participent d'une manière ou d'une autre à l'abattage des rapaces, écrit son président Franco Visonà dans une prise de position adressée au Blick. «Et nous ne tolérerons pas non plus de telles personnes au sein de notre association». A sa connaissance, la grande majorité des éleveurs de pigeons volants en Suisse ne sont toutefois pas organisés en association.
«Les rapaces font partie de la nature, et il est aussi normal qu'ils frappent de temps en temps nos pigeons volants», explique Visonà. «Ces pertes sont certes douloureuses, mais elles font malheureusement partie de notre hobby. Nous vivons depuis des décennies avec le thème des pertes dues aux rapaces et nous nous en accommodons bien». (ct)
Avec seulement 300 à 400 couples, le faucon pèlerin est très rare en Suisse. «Probablement en raison des empoisonnements, des sites de nidification traditionnels sont restés orphelins dans plusieurs villes ces dernières années», écrit Birdlife dans un communiqué de presse.
L'Association suisse des colombophiles (ASC) se distancie formellement des personnes qui participent d'une manière ou d'une autre à l'abattage des rapaces, écrit son président Franco Visonà dans une prise de position adressée au Blick. «Et nous ne tolérerons pas non plus de telles personnes au sein de notre association». A sa connaissance, la grande majorité des éleveurs de pigeons volants en Suisse ne sont toutefois pas organisés en association.
«Les rapaces font partie de la nature, et il est aussi normal qu'ils frappent de temps en temps nos pigeons volants», explique Visonà. «Ces pertes sont certes douloureuses, mais elles font malheureusement partie de notre hobby. Nous vivons depuis des décennies avec le thème des pertes dues aux rapaces et nous nous en accommodons bien». (ct)
Les faucons à Bâle: c’est fini
Depuis qu’il a été démasqué, Blagomir a été poursuivi d’office par la justice. Il a enfreint la loi sur la protection des animaux, la chasse, la protection de l’environnement et la loi sur les produits chimiques.
De leur côté, les habitants de la région qui appréciaient les faucons restent tristes. «Même si le coupable a été débusqué, la mort de ces rapaces nous touche en plein cœur. Il n’y a plus de faucons à Bâle à cause de tout ça», confie un voisin, avant d’ajouter: «Nous espérons vraiment qu’un couple nichera à nouveau près de chez nous.»
*Nom modifié par la rédaction
(Adaptation par Valentina San Martin)