Pour le contenu des médias suisses
Keller-Sutter veut faire passer les GAFAM à la caisse

La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter milite pour une loi qui forcerait les géants du net à payer nos groupes médiatiques pour la reprise d'articles. La Suisse emboîterait ainsi le pas à d'autres pays, comme l'Allemagne.
Publié: 13.11.2021 à 08:32 heures
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Dernière mise à jour: 13.11.2021 à 12:09 heures
La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter s'exprime lors de la remise du prix de l'économie numérique.
Photo: Moritz Schmid
Sermîn Faki

Si vous vous trouvez actuellement en Suisse et que vous avez entré le terme «Covid» sur Google ce matin, trois articles de médias sont apparus tout en haut de votre page web. Selon vos habitudes, votre géolocalisation exacte et votre profil algorithmique, les titres que vous avez lu ne sont pas tout à fait les même que ceux qu'ont pu lire votre cousine alémanique ou votre patron frontalier. Mais une chose est sûre: que ce soit la RTS, Le Temps, Blick ou encore 20 minutes, pour n'en citer que très peu, il est fort probable que des médias suisses figurent parmi les premiers de la liste.

Seuls les géants de la tech' en profitent

Ces articles, très bien référencés sur le moteur de recherche, sont contenus dans un canal «News». Ils apparaissent de manière aussi visible parce que Google veut se montrer comme étant digne de confiance auprès de ses clients; ce pourquoi il met d'abord en avant des contenus journalistiques. La stratégie est payante pour le géant de la tech', mais c'est bien le seul à en profiter: les journalistes qui ont écrit les articles ainsi que leurs employeurs ne tirent pratiquement aucun bénéfice de l'utilisation de leurs contenus.

Cela doit changer, estime la conseillère fédérale en charge de la Justice Karin Keller-Sutter: «C'est un problème que les contenus produits par les médias soient proposés sur des plateformes sans que ces dernières ne doivent les payer», a déclaré la conseillère fédérale PLR en marge des Swiss Digital Economy Awards jeudi soir à Zurich. «Vous ne pouvez pas mettre gratuitement à disposition des produits que vous n'avez pas créés vous-même.»

Google nous devrait 100 millions par an

Keller-Sutter plaide donc en faveur d'une loi qui garantisse que Google et les autres prestataires de contenu étrangers doivent dédommager les médias de manière appropriée s'ils redistribuent leur contenu. «Un État libéral protège la propriété - et la propriété intellectuelle est aussi une propriété», affirme la conseillère fédérale. Elle pense à la création d'un droit d'auteur auxiliaire, comme celui dont disposent les États membres de l'UE.

Les groupes médiatiques suisses peuvent se réjouir, car ils réclament cette compensation depuis longtemps. Le président du groupe TX, Pietro Supino, a qualifié le droit d'auteur auxiliaire de «question la plus importante pour l'avenir du journalisme et la diversité des médias en Suisse».

Le président de président de l'Association des éditeurs, Pietro Supino.
Photo: KEYSTONE

Marc Walder, CEO de Ringier AG, qui publie également Blick, a déclaré récemment dans la «NZZ am Sonntag»: «Les médias devraient être rémunérés équitablement pour l'utilisation de leurs contenus par Google et Facebook.» Il estime que les entreprises des géants d'internet devraient reverser environ dix pour cent des bénéfices qu'elles génèrent dans ce pays aux groupes médiatiques. Cela représenterait environ 100 millions par an, rien que pour Google.

Les Allemands veulent onze pour cent

Un coup d'œil à l'étranger montre que cela peut fonctionner: sur la base d'une directive européenne, plusieurs pays élaborent des lois annexes sur le droit d'auteur. En Allemagne, une loi est entrée en vigueur en juin. Les groupes médiatiques négocient à présent le montant de la compensation, et demandent onze pour cent. En France, les médias ont déjà conclu un accord avec Facebook, le montant de la compensation restant secret.

Le CEO de Ringier, Marc Walder.
Photo: Thomas Buchwalder

Les quatre grands éditeurs suisses que sont TX Group, CH Media, NZZ et Ringier veulent négocier une compensation pour tous les médias suisses – ils ont formé une alliance dans ce but. Mais sans base juridique, selon Marc Walder, cela sera difficile. Désormais, avec le soutien de Karin Keller-Sutter, les choses pourraient néanmoins s'améliorer.

(Adaptation par Jocelyn Daloz et Daniella Gorbunova)


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