Dans un sketch, Dieudonné M'Bala M'Bala interprétait un passager assis à bord d'un avion sur le point de s'écraser. Le passager proférait alors des propos irrévérencieux et, finalement, prononçait la phrase: «J'emmerde tout le monde, les chambres à gaz n'ont jamais existé».
Dieudonné «ne peut se prévaloir de la liberté d'expression pour ces propos». C'est la conclusion à laquelle est parvenue le Tribunal fédéral (TF) dans un arrêt publié vendredi.
En 2021, le Tribunal de police de Genève l'avait condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende pour discrimination raciale et, dans un autre contexte, pour diffamation et injure. Ce jugement a été confirmé par la Cour de justice cantonale en 2022.
Négation de la Shoah
Selon l'article 261 bis alinéa 4 du Code pénal, est notamment punissable quiconque, par haine ou mépris envers des personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, nie, minimise grossièrement ou cherche à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité.
Affirmer «les chambres à gaz n'ont jamais existé» revient à nier, voire à minimiser grossièrement l'Holocauste et tombe sous le coup de cet article, relève Mon Repos.
L'humoriste conteste avoir agi en étant mû par un mobile discriminatoire. Il s'est prévalu à cet égard du contexte dans lequel la déclaration incriminée est intervenue ainsi que de sa liberté d'expression.
Le TF rappelle que, selon la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), la protection conférée par la liberté d'expression s'applique également à la satire, qui est une forme d'expression visant naturellement à provoquer et à agiter. C'est pourquoi il faut examiner avec une attention particulière toute ingérence dans le droit d'un artiste à s'exprimer par ce biais.
Pas de but humoristique
Au vu des circonstances, il apparaît que les propos en question n'ont pas été tenus dans un but supposément humoristique, parodique ou satirique, note le TF. Le spectacle contenait diverses allusions évocatrices de l'état d'esprit du recourant et, en particulier, de son inclinaison à se moquer des victimes de l'Holocauste.
Bien que le casier judiciaire de Dieudonné soit vide en Suisse, ses très nombreuses condamnations à l'étranger, ainsi que d'autres éléments contextuels, confirment également sa propension à adopter de tels comportements. Dans l'ensemble, l'humoriste aspirait principalement à minimiser la souffrance d'un peuple, voire aussi à provoquer une polémique au détriment des membres de la communauté juive, pour lesquels cette question est susceptible de jouer un rôle identitaire central.
Dès lors qu'il a agi en étant mû par un mobile discriminatoire, sa condamnation pour discrimination raciale doit être confirmée. Le TF a également confirmé la condamnation pour injure envers la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD), ainsi que pour diffamation à l'encontre du secrétaire général de cette dernière. (arrêt 6B_777/2022 du 16 mars 2023)
(ATS)