Jeudi, l’agence de presse américaine Bloomberg a lâché une bombe. Elle a annoncé que le ministère américain de la Justice avait étendu son enquête sur la prétendue violation des sanctions russes contre l’UBS et Credit Suisse. La nouvelle a provoqué une chute de 7% du cours de l’action de l’UBS.
Jusqu’à présent, l’UBS était restée silencieuse face à l’annonce de Bloomberg. Pour la première fois, la grande banque prend position. «Le récent rapport sur une prétendue enquête du ministère américain de la Justice concernant des manquements à la conformité liés à des sanctions chez Credit Suisse et l’UBS n’est pas exact. Nous n’avons pas connaissance d’un tel examen», écrit un porte-parole à Blick.
L’agence de presse, généralement bien informée, a rapporté que les autorités américaines avaient déjà lancé des enquêtes préliminaires auprès d’une série de banques au début de l’année. Celles-ci se seraient maintenant étendues à une «enquête totale» («full-scale investigation»), au centre de laquelle se trouve Credit Suisse. Le département américain de la justice enquêterait également sur d’éventuelles violations de conformité contre l’UBS. Les avocats d’UBS auraient été contactés par des fonctionnaires de la justice, écrit Bloomberg.
L’agence américaine se serait-elle trompée? On peut supposer que le démenti de l’UBS a été fait en accord avec les autorités américaines. Des enquêtes contre l’UBS ou Credit Suisse ne semblent donc pas d’actualité.
Les Américains sont de plus en plus frustrés
Beaucoup de bruit pour pas grand-chose? La justice des Etats-Unis regarde forcément de très près comment les banques appliquent les sanctions américaines et si des infractions ont été commises. Il est évident que les grandes institutions suisses sont particulièrement dans la ligne de mire des Américains.
A cela s’ajoute le fait que les Américains sont de plus en plus irrités du fait que la Suisse n’aie pas encore rejoint la taskforce du G7 chargée de traquer les fonds russes. Selon eux, la Suisse en fait trop peu pour faire appliquer les sanctions contre la Russie. La Suisse aiderait ainsi le Kremlin à maintenir son économie en activité malgré les restrictions imposées par les Etats-Unis et leurs alliés en raison de l’invasion de l’Ukraine.
L’ancien ambassadeur et spécialiste de l’Amérique Thomas Borer appelle à la prudence: «Une administration américaine sous la direction d’un président démocrate se réjouit toujours lorsqu’elle peut mettre des bâtons dans les roues des Suisses. Les Etats-Unis restent une superpuissance. Du moment qu’on le sait, on devrait se comporter en conséquence en tant que Suisse.» Lors de telles accusations, la réputation de la Suisse en prend toujours un coup. «C’est pour cette raison que le gouvernement suisse devrait intervenir et demander aux Américains de mettre les faits sur la table», estime Thomas Borer, qui travaille aujourd’hui comme consultant.
Thomas Borer a dirigé la taskforce suisse sur la Seconde Guerre mondiale dans les années 1990. Il connaît bien les mécanismes du système judiciaire américain. Il estime que l’ambassade suisse à Washington est «certainement» en contact avec les autorités américaines et leur explique «qu’il est important pour le gouvernement suisse d’obtenir des documents afin de pouvoir lancer ses propres enquêtes contre des banques présumées fautives».
Un banquier russe de Credit Suisse ne rejoindra finalement pas l’UBS
Credit Suisse est davantage engagé en Russie que l’UBS. A son apogée, lla banque gérait des actifs de clients russes à hauteur de 60 milliards de dollars. Après l’annexion de la Crimée, les actifs sous gestion ont chuté à 33 milliards de dollars. Ce volume d’affaires élevé est surtout lié à un nom: Babak Dastmaltschi. Le banquier s’était fait un nom en s’occupant d’oligarques célèbres proches du Kremlin. Il était l’interlocuteur d’Alicher Ousmanov, de Roman Abramovitch et de Viktor Vekselberg.
Babak Dastmaltschi devait quitter Credit Suisse pour rejoindre une équipe spécialisée pour les clients très fortunés de l’UBS – une nouvelle qui a fait la une des journaux internationaux. Mais ce ne sera finalement pas le cas. Des recherches ont montré qu’il restera au Credit Suisse jusqu’à la fin de l’année avant de prendre sa retraite. Ce retournement de situation n’est pas surprenant au vu des récents développements aux Etats-Unis.