Pour des raisons écologiques
Limiter les autoroutes à 100 km/h? Raphaël Mahaim ressort une vieillerie du placard

Limiter la vitesse autorisée sur les autoroutes à 100 km/h, c'est l'idée avancée dans une motion par le Vert vaudois Raphaël Mahaim. Une mesure écologiste que la Suisse a déjà tentée par le passé. Petite histoire des menaces qui ont pesé sur notre limitation à 120 km/h.
Publié: 06:05 heures
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Après le «non» à l'extension des autoroutes, Raphaël Mahaim veut limiter la vitesse sur l'autoroute à 100 km/h, pour raisons écologiques notamment. Il a déposé une motion en ce sens en décembre.
Photo: Keystone
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Léo MichoudJournaliste Blick

Rouler à cent à l'heure, c'est bien suffisant pour le Vert Raphaël Mahaim. Quelques semaines après le scrutin de l'intense votation sur l'élargissement des autoroutes, le conseiller national vaudois propose de limiter la vitesse sur l'autoroute à 100 km/h, au lieu des 120 km/h autorisés depuis 1984.

Avec sa motion déposée en décembre, l'élu écologiste voit en sa mesure une manière de fluidifier le trafic plus efficace que les troisièmes voies. Il explique ce mardi 14 janvier à «24 heures» que des études ont démontré que «la vitesse idéale pour faire passer le plus de véhicules sur un tronçon était de 85 à 90 km/h».

Même l'Office fédéral des routes (OFROU) a testé et approuvé fin 2023 une limitation à 80 km/h aux heures de pointes, qu'il entend décréter prochainement. Et certains scientifiques, comme Vincent Kaufmann de l'EPFL, vont jusqu'à assurer que «la capacité maximale sur une autoroute est atteinte à 60 km/h». De quoi préconiser une limitation à la moitié de la vitesse actuellement autorisée. 

Sur le plan politique aussi, la motion de Raphaël Mahaim est une vieille idée qui ressort du placard. Passons en revue les moments où les élus suisses ont tenté ou réussi à s'attaquer à la limitation fédérale de 120 à l'heure sur l'autoroute.

2022: Raphaël Mahaim déjà, mais dans un autre contexte

Le conseiller national écologiste a cette idée du 100 km/h derrière la tête depuis un moment. Avant même le débat houleux sur le devenir des autoroutes, c'était au moment de l'agression russe en Ukraine, en mai 2022, qu'il avait tenté le coup. Objectif? «Limiter notre dépendance aux énergies fossiles», notamment en provenance de Russie. Le Conseil fédéral lui avait opposé que la Russie n'était alors «pas un fournisseur majeur de produits pétroliers pour la Suisse». De quoi proposer au Conseil national de rejeter cette motion – ce qui est chose faite en avril 2024.

2020: Les écolos se répètent depuis des années

«Ralentir pour la santé, l'atmosphère, le climat et la sécurité»: c'est le nom du postulat déposé au Conseil national par la Verte tessinoise Greta Gysin en 2020. Le Conseil fédéral est chargé «d'examiner les avantages qu'une limitation à 100 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes suisses présenterait». L'élue avance l'exemple des Pays-Bas, qui durant la pandémie de Coronavirus, entre 2020 et 2024, ont fait passer leur limitation de vitesse autoroutière de 130 à 100 km/h, mais seulement en journée, entre 6h et 19h.

2015: A droite et au Centre, aussi vite que les voisins

En France, c'est 130 au soleil et 110 quand il pleut. Alors en 2015, le député genevois du Mouvement citoyen genevois (MCG) Roger Golay dépose au Conseil national un postulat pour copier les limitations en vigueur au-delà de la frontière. Ou du moins pour que le Conseil fédéral évalue les conséquences d'une telle solution – ce qui avait déjà été fait dans une motion de 2005 menée par le Jurassien Pierre Kohler et le Valaisan Christophe Darbellay (tous deux élus du Centre, alors PDC).

Quid des limitations chez nos voisins?

France

  • Limitation générale: 130 km/h
  • En cas de pluie ou de conditions météorologiques dégradées: 110 km/h
  • Véhicules lourds (plus de 3,5 t): 90 km/h, même sans pluie

Allemagne

  • Limitation générale: Pas de limite fixe sur de nombreuses sections (recommandée: 130 km/h)
  • En cas de pluie ou de conditions météorologiques dégradées: Pas de réduction spécifique, mais 130 km/h est recommandé
  • Véhicules lourds (plus de 3,5 t): 80 km/h

Italie

  • Limitation générale: 130 km/h
  • En cas de pluie ou de conditions météorologiques dégradées: 110 km/h
  • Véhicules lourds (plus de 3,5 t): 80 km/h

Autriche

  • Limitation générale: 130 km/h
  • En cas de pluie ou de conditions météorologiques dégradées: 110 km/h
  • Véhicules lourds (plus de 3,5 t): 80 km/h

Liechtenstein

  • Limitation générale : 120 km/h
  • En cas de pluie ou de conditions météorologiques dégradées : Pas de réduction spécifique
  • Véhicules lourds (plus de 3,5 t) : 80 km/h

France

  • Limitation générale: 130 km/h
  • En cas de pluie ou de conditions météorologiques dégradées: 110 km/h
  • Véhicules lourds (plus de 3,5 t): 90 km/h, même sans pluie

Allemagne

  • Limitation générale: Pas de limite fixe sur de nombreuses sections (recommandée: 130 km/h)
  • En cas de pluie ou de conditions météorologiques dégradées: Pas de réduction spécifique, mais 130 km/h est recommandé
  • Véhicules lourds (plus de 3,5 t): 80 km/h

Italie

  • Limitation générale: 130 km/h
  • En cas de pluie ou de conditions météorologiques dégradées: 110 km/h
  • Véhicules lourds (plus de 3,5 t): 80 km/h

Autriche

  • Limitation générale: 130 km/h
  • En cas de pluie ou de conditions météorologiques dégradées: 110 km/h
  • Véhicules lourds (plus de 3,5 t): 80 km/h

Liechtenstein

  • Limitation générale : 120 km/h
  • En cas de pluie ou de conditions météorologiques dégradées : Pas de réduction spécifique
  • Véhicules lourds (plus de 3,5 t) : 80 km/h

Les sept sages lui répondent qu'une augmentation de la vitesse aurait des effets néfastes sur l'environnement. Quant à la sécurité routière, en comparaison avec l'Autriche dont les autoroutes sont aussi limitées à 130 km/h, il y avait eu presque deux fois moins de morts sur les autoroutes suisses. De plus, le «nombre élevé de jonctions» sur le réseau suisse justifiait alors une vitesse réduite au moins à 120 km/h. Cette même année, deux initiatives visant à faire passer la limite à 130, voire à 140 kilomètres à l'heure échouent au stade de la récolte de signature.

2006: Il y a vingt ans déjà, l'idée d'un passage à 100 km/h

Ralentir sur l'autoroute n'est pas significatif que pour les Vert-e-s, adeptes de la décroissance. En 2006, c'est un membre du Parti évangélique suisse (PEV), le conseiller national d'alors Heiner Studer, qui avait interpellé le gouvernement, pour avancer l'idée d'une autoroute limitée à 100 km/h, voire 80. Il y parlait déjà «économies de carburant» et réduction de nos émissions de CO2, mais il s'agissait alors de «remplir les engagements du protocole de Kyoto», l'ancêtre des accords de Paris sur le climat.

Le Conseil fédéral avait calculé qu'un passage à 100 km/h diminuerait la consommation de carburant de (seulement) 2 à 3%. Et que descendre jusqu'à 80 km/h «entraînerait une réduction de 5 à 7 % de la consommation globale actuelle du parc de voitures de tourisme».

1989: La dernière votation (émotionnelle) sur la question

Les quarante ans et plus se souviennent peut-être de l'initiative populaire «Pro vitesse 130/100» sur laquelle le peuple suisse avait été amené à se prononcer en 1989. La limitation à 120km/h vient d'être adoptée en 1984, pour quatre ans, afin de «réduire la pollution atmosphérique». Les initiants voulaient voir la vitesse autorisée retourner à ses hauteurs en vigueur depuis 1976 – 130 sur l'autoroute et 100 sur les routes en dehors des localités. Mais la population décide de plébisciter le 120 km/h, et refuse l'initiative à 62%.

1973 et avant: Peu de limitations, puis un test à cent

La proposition de Raphael Mahaim remonte jusqu'en 1963, peu après l’ouverture d'un premier tronçon d’autoroute entre Lucerne et Hergiswil. «L'ingénieur du canton de Nidwald demanda à l’Office fédéral des routes d’examiner la possibilité de limiter la vitesse à 100 km/h sur l’A2, peut-on lire sur le site du musée des transports de Lucerne. La raison de cette demande était un grave accident qui avait coûté la vie à trois personnes.»

Mais le test n'a pas lieu, car le Conseil fédéral ne veut – à l'époque – pas de limitations sur l'autoroute. La vitesse est alors au bon vouloir de chacun, comme aujourd'hui sur certains tronçons en Allemagne. Ceci dit, la mesure a droit à un coup d'essai en 1973, à la suite de la crise pétrolière. Cela dure jusqu'en mars 1974, puis la limite passe pour la première fois à 130 km/h. C'est dix ans plus tard que le 120 km/h que l'on connait aujourd'hui est accepté.

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