Porté disparu aux Caraïbes
Considéré comme mort, un Suisse veut récupérer ses papiers

L'histoire est rocambolesque: Voilà près de 20 ans que cet homme n'a plus donné signe de vie auprès de ses proches ou des autorités. Considéré comme disparu, présumé mort, il se bat à présent pour récupérer son identité. Car il est bien vivant, et réside aux Caraïbes.
Publié: 11.02.2022 à 06:06 heures
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Dernière mise à jour: 11.02.2022 à 07:13 heures
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Daniel T. est considéré comme mort depuis des années.
Photo: zVg
Michael Sahli

Tout le monde le croit mort, et ce depuis des années. Daniel T* a été déclaré «absent», c’est-à-dire disparu et présumé mort en 2013, car cela faisait dix ans qu’il n’avait plus donné signe de vie. L’homme de 55 ans est pourtant bien vivant: nous l’avons eu au téléphone. «Je vis en République dominicaine. Et je ne suis pas mort!»

Il a refait surface car son statut légal lui rend la vie impossible: «Je ne peux pas demander de nouveau passeport. Et sans passeport, je ne peux pas conclure de contrats ici. Je rencontre des problèmes avec mon visa. Je ne peux même pas me faire vacciner contre le Covid.»

Comment en est-il arrivé là?

Au début des années 2000, Daniel T* est marié à une femme d’origine thaïlandaise. Ils vivent en Argovie avec leur enfant. Leur mariage bat toutefois de l’aile, puis «vole en éclats», comme le raconte le disparu. Une séparation difficile, des disputes autour de la garde du fils, de la pension alimentaire.

Daniel T* prend une décision radicale pour s’extraire de cette situation: il part. Laissant derrière lui femme, enfant et conflits matrimoniaux, il prend un nouveau départ sous les tropiques. «Evidemment que je n’allais pas dire à mon ex-femme où je me trouvais!», nous dit-il. Ni sa femme, ni la police ne parviennent à retrouver sa trace.

«Je veux simplement un passeport valide!»

En 2009, son père décède et laisse un héritage. Son épouse, de laquelle il n’a jamais légalement divorcé, aimerait toucher sa part. Elle demande donc à ce que son mari soit déclaré absent.

La procédure présume de la mort d’une personne, qui est soit disparue dans des circonstances où sa mort est probable, soit si la personne a disparu sans laisser de traces et que suffisamment de temps s’est écoulé (voir encadré). La demande sera approuvée et publiée au «Journal officiel». La mort juridique de Daniel T* est prononcée en 2013.

Déclaration d'absence

Une déclaration d'absence est un acte juridique qui peut être mis en place lorsqu'une personne a disparu depuis un certain temps. Elle permet de résoudre les liens qui la raccrochent juridiquement à la société: ses biens, son mariage, etc. La loi permet, à certaines conditions, d'assimiler la disparition à un décès, par la procédure de «déclaration d'absence» prévue par les articles 35 à 38 du Code civil.

  • Les conditions de la déclaration d'absence sont:
    • la disparition d'une personne dans une situation de danger de mort (accident d'avion, de montagne, par exemple), où celle-ci n'est pas certaine mais très probable;
    • l'absence prolongée d'une personne dont on est sans nouvelles: on ignore totalement où elle se trouve et ce qu'elle fait et elle n'a plus donné signe de vie depuis longtemps. Sa mort doit également paraître très probable.

Si l'une des deux éventualités est donnée, il faut qu'un certain temps s'écoule: un an à partir du danger de mort ou cinq ans à partir des dernières nouvelles.

Source: Guide social romand

Une déclaration d'absence est un acte juridique qui peut être mis en place lorsqu'une personne a disparu depuis un certain temps. Elle permet de résoudre les liens qui la raccrochent juridiquement à la société: ses biens, son mariage, etc. La loi permet, à certaines conditions, d'assimiler la disparition à un décès, par la procédure de «déclaration d'absence» prévue par les articles 35 à 38 du Code civil.

  • Les conditions de la déclaration d'absence sont:
    • la disparition d'une personne dans une situation de danger de mort (accident d'avion, de montagne, par exemple), où celle-ci n'est pas certaine mais très probable;
    • l'absence prolongée d'une personne dont on est sans nouvelles: on ignore totalement où elle se trouve et ce qu'elle fait et elle n'a plus donné signe de vie depuis longtemps. Sa mort doit également paraître très probable.

Si l'une des deux éventualités est donnée, il faut qu'un certain temps s'écoule: un an à partir du danger de mort ou cinq ans à partir des dernières nouvelles.

Source: Guide social romand

Le fait est qu’il mène une vie modeste dans les Caraïbes. Daniel T. possède un magasin de téléphones portables. S’il s’est manifesté récemment auprès des autorités, ce n’est pas pour récupérer l’héritage de son père, nous affirme-t-il. «Je veux juste un passeport valide!»

Il nous assure pouvoir apporter toutes sortes de documents prouvant son identité: plusieurs passeports expirés et un permis de conduire dont toutes les données correspondent à celles de l’homme déclaré disparu en 2013.

Daniel T. s’est donc rendu à l’ambassade suisse et a déposé en juillet 2021 une demande d’annulation de la déclaration d’absence, comme le rapporte l'«Aargauer Zeitung», qui a découvert cette affaire rocambolesque. La demande a été publiée dans le «Journal officiel», comme sa déclaration d’absence auparavant. Mais le pire, c’est qu’elle est rejetée!

Les autorités envoient une facture à un disparu

Pourquoi? Parce que le tribunal ne peut s’occuper de son cas que s’il verse une avance de frais de 500 francs. Une somme que Daniel T* n’a pas payée. Par principe, et faute de moyens: «Cela représente beaucoup d’argent pour moi, je survis plusieurs semaines avec une telle somme», explique-t-il.

Par ailleurs, il s’insurge: «Ce sont les autorités en Suisse qui ont fait l’erreur, pas moi. Je ne comprends pas pourquoi je devrais payer pour ne plus être considéré comme disparu.»

Le fait qu’il est présumé mort n’aura pas empêché les autorités suisses de lui envoyer une facture. Bien que le tribunal ne soit pas entré en matière, Daniel doit payer une taxe de 518,40 francs. Une facture, établie au nom du «disparu», a été envoyée à l’ambassade suisse à Saint-Domingue.

Daniel T* ne désespère pas de pouvoir régler ce tracas administratif sans grever son maigre budget. Il n’a pas l’intention de retourner en Suisse et n’aurait que des contacts sporadiques avec son fils. «Je veux continuer à vivre normalement. C’est tout.»

Contacté au sujet de son incapacité de payer, le tribunal de district de Baden, en Argovie, nous répond: «Toute personne ne disposant pas des moyens financiers nécessaires peut déposer une demande d’assistance judiciaire gratuite.»

*prénom d’emprunt

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