La surprise du jour, c'est lui, Pierre Maudet. Et son parti, Libertés et Justice sociale. Lors des élections cantonales genevoises, ce dimanche 2 avril, ce dernier a atteint le quorum de 7% contre toutes attentes (sauf celles de Maudet lui-même). Le politicien place dix de ses membres au Grand conseil genevois.
Lui-même classé sixième dans ce premier tour de l'élection au Conseil d'Etat, Pierre Maudet est en bonne posture pour retrouver le siège de ministre qu'il avait quitté dans des circonstances qu'il n'est même plus utile de rappeler, en 2020.
À son arrivée à Uni Mail dimanche, il était l'homme le plus convoité des médias, comme en témoigne la photo ci-dessus. Nous l'avons attrapé après la cohue, pour cinq minutes d'échange spontané, avant qu'il ne rejoigne son QG dans un lieu tenu secret (où les journalistes ne sont pas les bienvenus, confesse le principal intéressé).
Ça fait quoi, d'avoir réussi à faire élire un nouveau parti au parlement?
C'est une intense satisfaction, car c'est le fruit d'un travail acharné sur le terrain qui a duré des mois. C'est la récompense d'un travail de fond: nous avons proposé des projets, nous sommes allés toquer à la porte des gens pour comprendre ce qu'ils attendent véritablement de ceux qui les représentent. La liste Liberté et Justice sociale a beaucoup été décriée par les autres partis comme étant constituée de novices: notre élection montre que des novices peuvent être convaincants.
Quel va être votre premier grand combat?
Nous avons une liste de 24 grands projets, très concrets. À commencer par celui d'une caisse maladie cantonale et publique, car cela nous semble fondamental par rapport à la maîtrise des coûts de l'assurance. Un autre grand projet qui nous tient à cœur est celui d'un barrage hydro-électrique, pour sécuriser l'approvisionnement en électricité dans le canton de Genève pour 90'000 foyers. Puis, il y a un projet de crédit d'impôts, relatif à la situation excédentaire incroyable (1,3 milliards de recettes) de l'État.
Ces politiciens «novices», qui vont siéger aux côtés des grands partis, intriguent. Est-ce qu'ils vont plutôt voter avec la gauche, ou avec la droite?
Je pense que, justement, l'on ne peut pas nous réduire à cette grille de lecture classique.
A quoi doivent s'attendre la gauche et la droite traditionnelles?
Les grands partis ont connaissance de nos projets. Nous avons toute une série d'ambitions pour défendre une économie prospère. Nous ne voulons pas forcément augmenter les moyens de l'État, mais les allouer différemment. Nous voulons aussi un État plus agile, avec moins de procédures administratives. Plus de facilité pour celles et ceux qui souhaitent créer leur entreprise. Au final, on est assez faciles à cerner.
Mais alors qu'est-ce qui vous différencie des autres?
Par exemple le fait que, contrairement à la façon dont nous ont traité ces grands partis jusqu'à présent, nous n'allons pas dénigrer des idées juste parce qu'elles viennent du camp d'en face.
Personnellement, est-ce que vous appréhendez votre retour au Conseil d'État? Si les sortants sont réélus comme cela se dessine, vous allez retrouver ceux qui vous ont poussé dehors en 2020...
Je n'y suis pas encore (rires)! Il faut pour cela que je remporte le deuxième tour. Mais si j'y arrive, non, je n'appréhende pas du tout. Au contraire, je me réjouis. Car ce n'est pas un club de copains: c'est l'endroit où se décident les choses les plus importantes de notre canton avant tout. Et la confrontation fait partie de ce processus décisionnel. Contrairement à la législature écoulée, j'espère que des débats vigoureux auront lieu dans cette enceinte.
Avec votre score et celui du MCG, également élevé, on entend dans les couloirs d'Uni Mail que c'est une «élection contestataire». Vous êtes d'accord?
Je n'aime pas le terme contestataire, car cela présuppose une logique de destruction. Nous, au contraire, nous voulons construire. Et les votants MCG ne sont pas les mêmes que les nôtres. Nous voulons faire du ras-le-bol potentiel de notre électorat envers le gouvernement une force positive.
Un nouveau parti qui arrive au parlement cantonal, c'est assez rare. Cela rappelle la première percée du Mouvement citoyens genevois en 2005. Vous comptez bousculer le paysage politique autant que le MCG à l'époque?
Nous l'avons déjà bousculé plus que le MCG à l'époque, puisque nous avons dix élus au parlement, ce qui n'est pas rien. Mais je ne pense pas que ces deux élections soient comparables. Eric Stauffer, à la tête de ce parti, n'était pas dans la même configuration que moi aujourd'hui. Liberté et Justice sociale n'est pas un parti anti-frontaliers. Nous ne nous construisons pas sur l'opposition. Après, il est vrai qu'il est rare de voir une formation politique qui date officiellement d'il y a moins de six mois faire irruption au parlement avec un score pareil.
Alors, c'est quoi, le secret de votre victoire?
Ce sont les gens. C'est la rue. En réalité, la campagne a commencé il y a plus de six mois. Ce sont des réseaux entretenus, surtout: nous ne sommes pas restés endormis jusqu'à la veille du vote, bien au contraire. Et il faut tenter de coller aux préoccupations des gens, en les reformulant avec une grille de lecture qui n'est pas la grille gauche-droite habituelle.