Philippe Lazzarini, avez-vous le travail le plus difficile du monde?
Je n'ai certainement pas un travail facile, c'est une sorte de «mission impossible». Mais je suis motivé par notre mission: nous nous occupons des réfugiés palestiniens.
Sur la guerre à Gaza
Le gouvernement israélien exige votre démission. Combien de temps pouvez-vous encore rester en poste?
Mon mandat dure encore deux ans. Et mon mandat vient de l'Assemblée générale de l'ONU, pas de Jérusalem. Israël demande régulièrement la démission du commissaire général de l'UNRWA, indépendamment de la personne qui occupe actuellement cette fonction. Je ne prends pas cette demande de démission personnellement.
Depuis l'attaque du Hamas le 7 octobre dernier, votre organisation est plus que jamais sous le feu des critiques. Pouvez-vous encore bien dormir?
Non. Je dois prendre des somnifères. Ils aident un peu, mais je ne dors pas bien. Je dois être joignable à tout moment, 24 heures sur 24. Mais je ne suis pas la seule à être sous pression: mes collègues font, eux aussi, un travail énorme.
Jeudi, le Congrès américain a décidé de supprimer le soutien à l'UNRWA. Qu'est-ce que cela signifie pour votre organisation déjà à court de moyens financiers?
Il est terrible que l'UNRWA soit toujours au bord de l'effondrement financier. Je regrette beaucoup la décision de Washington. Les États-Unis sont un partenaire très important. Le Congrès a décidé de geler les fonds pendant un an. Il s'agit donc d'un arrêt limité dans le temps. L'année prochaine, nous aurons la possibilité de faire pression pour qu'une nouvelle décision soit prise.
Vendredi, la Russie et la Chine ont bloqué la demande de cessez-le-feu au Conseil de sécurité de l'ONU.
J'espérais vraiment que le Conseil de sécurité demande un cessez-le-feu immédiat. Cela aurait offert des chances pour la libération des otages israéliens et ç'aurait considérablement amélioré la situation des habitants de Gaza. Les Palestiniens sont au bord de la famine. Ce que nous faisons dans la bande de Gaza n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan. Nous devons voir comment nous pouvons intensifier notre aide sans cessez-le-feu.
Selon les médias, Israël a arrêté des employés de l'UNRWA. Après leur libération, ils ont fait état de «tortures, de mauvais traitements graves et d'agressions». Certains ont dit qu'ils avaient été forcés de faire des aveux sur les liens entre l'UNRWA et l'attaque du 7 octobre. Pouvez-vous confirmer cela?
Nous avons des témoignages de première main qui accusent Israël de mauvais traitements et de torture systématiques. Je sais par des personnes libérées qu'elles ont été forcées de faire de faux témoignages. Nous avons demandé des explications à Israël.
Quel est le problème du ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis avec vous?
Où voulez-vous en venir?
Sur la guerre à Gaza
Emmanuel Macron vous a appelé plusieurs fois après le 7 octobre, Ignazio Cassis pas une seule fois. Vous êtes pourtant un diplomate suisse de premier plan.
J'ai eu des échanges intensifs avec le conseiller fédéral Cassis au début de mon mandat en 2020. Il était important pour moi de prendre un nouveau départ après les relations tendues avec mon prédécesseur. Il est vrai que nous ne nous sommes pas vus depuis longtemps. C'était dû à des problèmes d'agenda.
L'agenda de Macron devrait être encore plus chargé que celui de Cassis...
De nombreux chefs d'Etat et de gouvernement souhaitaient me voir depuis le 7 octobre. J'espère qu'une rencontre avec le conseiller fédéral Cassis pourra avoir lieu rapidement.
Israël prétend que l'on peut dissoudre l'UNRWA immédiatement.
Ce n'est pas vrai. Il n'y a pas d'autre organisation dans les Nations Unies qui pourrait faire ce que nous faisons. Il n'y a pas d'autre organisation de l'ONU qui offre une éducation publique aux enfants.
Selon Israël, le Programme alimentaire mondial de l'ONU pourrait permettre de lutter contre la faim à Gaza.
Ils n'ont que 30 à 40 employés à Gaza. Nous n'avons pas seulement besoin d'une aide d'urgence, mais aussi de plans sur la manière dont les choses vont évoluer dans les années à venir. Si vous continuez à réduire l'aide au développement maintenant, vous sèmerez les graines de la haine et du ressentiment à venir. L'UNRWA n'a pas d'alternative. Il n'y a pas d'administration correcte ni d'État capable de supporter nos activités.
L'UE veut prendre des sanctions contre les colons israéliens radicaux et leur interdire l'entrée sur son territoire. La Suisse devrait-elle se joindre à ces efforts?
En tant que citoyen suisse, je suis d'avis que tous les obstacles à la paix devraient être éliminés. Il y a des colons radicaux qui se comportent comme des terroristes en Cisjordanie. Ils devraient être sanctionnés.
Israël trouve sans cesse de nouveaux exemples de manuels scolaires de l'UNRWA au contenu anti-israélien ou antisémite. Pourquoi est-il si difficile d'empêcher cela?
Nous ne tolérons pas l'antisémitisme, les appels à la violence ou l'apologie du terrorisme. Nous avons pu améliorer la qualité des manuels scolaires. De nombreuses accusations portent sur d'anciennes éditions de 2015 ou 2017.
Un exemple récent concerne une carte aux couleurs de la Palestine – l'existence d'Israël est ignorée.
Les enseignants de l'UNRWA ont pour consigne de préciser qu'il s'agit d'une partie de la carte de la Palestine historique. Ils doivent également montrer une carte moderne de la Palestine avec Israël.