Pesticides mis en cause
Un terrain de golf suisse rendrait malade son voisinage

Troubles digestifs et besoin accru d'uriner: les riverains du terrain de golf schwytzois sont convaincus que les pesticides utilisés sur les greens les rendent malades. L'eau contaminée tuerait également leurs animaux de rente. Le patron du golf se défend.
Publié: 15.06.2023 à 11:44 heures
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Otto Müller, riverain du terrain de golf de Küssnacht, ne boit plus l'eau de ses sources.
Photo: Philippe Rossier
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Daniel Jung

S'adonner à l'art subtil de la frappe de balle et parcourir des greens luxuriants – voilà ce que promet un terrain de golf. Mais dans la commune schwytzoise de Küssnacht, les riverains d'un parcours de 18 trous souffrent de son attractivité. Ils craignent que leur eau potable n'ait été empoisonnée par les pesticides utilisés pour entretenir le gazon du terrain de golf.

Une chose est sûre: des teneurs élevées en pesticides ont été mesurées ces derniers mois dans plusieurs sources autour du terrain de golf de Küssnacht.

Troubles digestifs et forte envie d'uriner

Trois riverains se sont confiés à Blick. Otto Müller, agriculteur de 68 ans à la retraite, est l'un d'entre eux. Il en est persuadé: l'eau de ses terres est contaminée par les pesticides du terrain de golf – notamment par le chlorothalonil, interdit depuis 2020. Des mesures effectuées en août dernier confirment un taux de résidus élevé dans les eaux souterraines. La valeur limite générale – de 0,1 microgramme par litre – y est 13 fois plus élevée.

Si Otto Müller buvait encore cette eau il y a peu, il n'y touche plus aujourd'hui. Selon lui, les pesticides lui ont valu des problèmes de santé. L'agriculteur souffrait ainsi de troubles digestifs et ressentait souvent une forte envie d'uriner pendant la nuit.

Pour protéger son entourage – et surtout ses petits-enfants – il a étiqueté son puit «eau non potable». Le retraité a dû mettre la main à la poche pour résoudre ce problème. Pour environ 15'000 francs, la ferme a été raccordée au réseau d'eau de la commune de Küssnacht. Depuis, l'agriculteur se porte à nouveau comme un charme.

Concentration 33 fois supérieure à la valeur limite

L'agriculteur Adolf Niederberger a connu une situation similaire. Lui aussi a souffert de troubles gastro-intestinaux et a régulièrement ressenti une forte envie d'uriner la nuit.

Les mesures effectuées chez le paysan de 65 ans montrent un dépassement 14 fois supérieur à la valeur limite pour le chlorothalonil. Des teneurs encore plus élevées en pesticides ont été mesurées à la source de Toni Diener junior. Chez cet agriculteur bio de 40 ans, on constate un dépassement 33 fois supérieur à la valeur limite.

Toni Diener et Adolf Niederberger disent tous deux avoir perdu un animal de rente à cause de l'eau contaminée l'automne dernier. Un veau pour le premier et une vache de trois ans pour le second.

Cancers et plainte pénale

Pire encore: selon les trois riverains, les cas de cancer se multiplient dans le voisinage depuis deux ans – plusieurs femmes sont atteintes d'un cancer du sein. Un lien avec l'eau contaminée ne peut pas être confirmé.

Otto Müller a contacté le terrain de golf il y a environ huit mois, mais il s'est heurté à un mur. Il s'est alors adressé à la commune de Küssnacht et au canton de Schwyz – en vain également.

Les trois riverains ont déposé une plainte pénale commune contre le terrain de golf qu'ils accusent de polluer la nappe phréatique et les eaux de source.

Le golf décline toute responsabilité

«Nous prenons les demandes des riverains très au sérieux», déclare Josef Schuler, directeur du golf de Küssnacht. Il assure que la santé des hommes et des animaux est au centre des préoccupations de son entreprise. Le patron précise que depuis janvier 2020, le chlorothalonil n'est plus utilisé dans l'enceinte du terrain de golf. Josef Schuler souligne qu'il n'est pas prouvé que les pesticides présents dans l'eau proviennent de l'exploitation de ses greens.

Pour cette raison, le terrain de golf n'a pas participé aux frais de raccordement au réseau communal payés par Otto Müller. Le patron du golf se justifie: «Nous n'avons absolument aucune raison de croire que nous sommes fautifs et n'avons donc pas l'intention de prendre en charge le moindre coût dans cette affaire.»

La commune a ouvert une enquête

Selon Stefanie Weiss, responsable de l'environnement et de l'énergie de la commune de Küssnacht, l'affaire fait l'objet d'une enquête: «Je me suis rendue sur place avec une représentante du canton afin de dresser un état des lieux». Des échantillons ont été prélevés dans deux ruisseaux et quatre sources. Le terrain de golf a également fait l'objet d'un contrôle sans préavis. Stefanie Weiss catégorique: «Aucun défaut n'a été constaté.»

Comme les captages d'eau souterraine concernés sont des sources privées hors zones de protection, l'affaire échappe à la compétence des autorités publiques.

Stefanie Weiss souligne par ailleurs l'existence d'un flou juridique autour du chlorothalonil: «Actuellement, il n'existe pas de valeur limite juridiquement contraignante pour le chlorothalonil dans l'eau potable, car une décision du Tribunal fédéral est encore attendue sur cette question.» Par conséquent, il est actuellement impossible de prendre des mesures additionnelles.

Pas de retour à la normale avant plusieurs années

L'utilisation du chlorothalonil a été interdite à partir du 1er janvier 2020. Selon Stefanie Weiss, plus aucun produit contenant du chlorothalonil n'a été utilisé sur le terrain de golf de Küssnacht depuis cette date.

Elle explique: «On part du principe que des résidus de chlorothalonil, ou plutôt ses produits de dégradation issus d'une utilisation conforme aux prescriptions, se trouvent toujours dans le sol. Ils sont désormais lessivés avec le temps, mais très lentement.» En outre, un éventuel apport d'entreprises voisines ne peut pas être exclu.

Il est tout à fait plausible que des résidus soient toujours présents dans l'eau des années après l'utilisation de pesticides. Ainsi, le laboratoire intercantonal de Schaffhouse a constaté que, trois ans après l'interdiction du chlorothalonil, la baisse des concentrations en produits de dégradation dans les eaux souterraines était «très lente, comme on pouvait s'y attendre». Le laboratoire ajoute: «Il faudra encore des années, voire des décennies, avant que les concentrations ne soient inférieures à 0,1 microgramme par litre.»

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