Il y a dix ans, la situation a franchi un point de non-retour. «C'est de la terreur pure», confie Carmen Greber, une dresseuse de chiens installée depuis un quart de siècle à Killwangen, un village du canton d'Argovie. Depuis la fenêtre de son salon, elle a une vue directe sur l'autoroute A1, qui se trouve de l'autre côté de la Limmat. Là-bas, près de l'aire de repos de Würenlos, le rugissement des moteurs brise le silence des week-ends.
Face à ce tumulte incessant, Carmen Greber et son mari Alois se sentent impuissants. «Personne ne peut vraiment nous aider», déplore-t-elle. Le couple a même déjà écrit des lettres de réclamation à l'Office fédéral des routes (OFROU). La police argovienne ainsi que la commune de Würenlos seraient au courant, depuis longtemps, du problème. Les autorités ont déjà dû bloquer à plusieurs reprises l'entrée de l'autoroute à cause des longues colonnes de voitures.
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Une pétition pour des radars anti-bruit
Les responsables de l'aire de repos tentent de ramener un peu de calme à travers un plan de mesures. Des flyers sont distribués aux conducteurs de voitures particulièrement bruyantes, comme les Audi et BMW, tandis que des ralentisseurs ont été installés pour limiter les accélérations intempestives. En plus, les heures d'ouverture ont été progressivement étendues. Depuis février, la chaîne de restauration rapide, Burger King sert les clients le week-end jusqu'à 5h du matin au lieu de 23h. L'objectif, selon l'exploitant, est de diluer les foules. Mais pour Carmen Greber, cette mesure n'a fait qu'aggraver le problème: «Au lieu de cela, le hurlement des moteurs dure désormais toute la nuit.»
Quelques heures seulement après sa rencontre avec Blick, Carmen Greber s’est rendue à Berne pour une mission d’importance. En effet, la Ligue contre le bruit a déposé au Parlement une pétition réclamant l’instauration d’une base légale pour l’utilisation de radars anti-bruit. Ces dispositifs, conçus pour mesurer le volume sonore émis par le trafic routier, sont envisagés comme un outil supplémentaire pour aider les forces de l’ordre à lutter contre les nuisances sonores. Lors de cette campagne, l'organisation a réussi à recueillir environ 20'000 signatures en l'espace d'un mois. Carmen Greber, pour sa part, a activement participé à cette mobilisation.
Ce n’est pas la première fois que la Suisse expérimente ces technologies. L'an dernier, l'Office fédéral de l'environnement a mené un projet pilote à Genève pour évaluer l'efficacité de ces radars. Aujourd'hui, les essais se poursuivent à Röschenz, dans le canton de Bâle-Campagne. «Les expériences réalisées à l’étranger montrent que ces radars apporteraient plus de calme dans les villes et le long des cols alpins», affirme Gabriela Suter, conseillère nationale socialiste et présidente de la Ligue contre le bruit.
Pas de solution au problème
«Mais ces dispositifs ne s'attaquent qu'aux symptômes», déclare Alois Greber, qui appelle à une intervention gouvernementale plus musclée dès l'étape de l'homologation.
Les réglementations relatives aux nuisances sonores dans le trafic routier demeurent un sujet récurrent des débats politiques. L'OFROU procède à des contrôles des véhicules selon les normes européennes en vigueur. Cependant, comme l'indique l'office sur son site, les véhicules homologués peuvent néanmoins générer un bruit supérieur sur la route. En cause: le comportement des conducteurs, qui échappe en grande partie à tout contrôle.
«Les citoyens doivent apprendre à mieux se défendre», estime Carmen Greber. Elle-même a vécu une expérience désagréable avec la police: une patrouille s'est présentée deux fois à sa porte, lui conseillant de déménager si le bruit l'incommodait, et qu'elle ne devait plus les appeler avant 22 heures. Pourtant, la loi sur la circulation routière interdit les nuisances sonores inutiles à toute heure.
Des sanctions plus sévères sont prévues
La police se trouve souvent démunie face à l'absence de preuves suffisantes pour agir. Les radars anti-bruit pourraient cependant changer la donne. Mais même avec ces dispositifs, des critiques estiment que les peines encourues par les auteurs de nuisances sonores sont aujourd'hui trop faibles. Il y a trois ans, le Parlement a transmis une motion de la Commission de l'environnement du Conseil national au Conseil fédéral, exigeant une répression accrue contre l'utilisation de composants illégaux et les nuisances sonores excessives. Depuis, le Conseil fédéral a élaboré un ensemble de mesures.
Qu'il s'agisse des radars anti-bruit, de sanctions renforcées ou de l'introduction d'autorisations plus strictes, pour le couple Greber, il est temps que la Confédération et le canton agissent avec plus de fermeté. «Nous voulons à nouveau vivre et profiter de notre jardin», déclare Carmen Greber. «Et ce, sans que nos propres mots soient étouffés par le hurlement des moteurs un samedi soir», ajoute-t-elle.