«A l'âge de 14 ans, j'étais convaincu que mon affection pour les hommes était fausse, mais que je pouvais être guéri», raconte Andreas Keller *, 38 ans. Cet homme, qui a grandi dans l'environnement d'une église évangélique, souhaite rester anonyme, par peur de l'hostilité homophobe. Adolescent, il a été obligé de suivre une thérapie de conversion, pendant dix ans. Le football et les cours de salsa devaient le «guérir».
Si l'on en croit le Parlement, ces thérapies de conversion devraient être interdites. Mais pas tout de suite. Mardi, le Conseil national a rejeté deux initiatives cantonales de Bâle-Ville et de Lucerne. Il a ainsi suivi le Conseil des Etats, qui a rejeté aussi bien les initiatives cantonales qu'une motion de la commission juridique du Conseil national demandant une interdiction.
Le Parlement veut attendre le rapport
Avant de prendre une décision, le Conseil national et le Conseil des Etats veulent attendre un rapport du Conseil fédéral qui doit clarifier les «questions soulevées», par exemple «la définition du comportement répréhensible, le cercle de personnes à couvrir, le niveau étatique compétent et la comparaison avec le droit déjà en vigueur». Le rapport devrait être disponible cet été.
Les personnes concernées doivent donc prendre leur mal en patience. Or, les thérapies de conversion sont des actes traumatisants. Les «guérisseurs» autoproclamés travaillent souvent sur le sentiment de culpabilité des personnes concernées, ce qui peut pousser les jeunes dans des crises existentielles, jusqu'à la dépression ou le suicide. «Je connais quelqu'un qui a sauté du toit de sa maison et qui est aujourd'hui paraplégique, raconte Andreas Keller. Il y a des cas très tragiques.»
«Violation des droits de l'homme»
«Les mesures de conversion constituent une violation des droits de l'homme», estime Udo Rauchfleisch, professeur émérite de psychologie clinique à l'université de Bâle. Les conséquences seraient des traumatismes marquants avec de graves dépressions, des angoisses, des sentiments de honte et de culpabilité. L'Association suisse des psychothérapeutes (ASP) souhaite également que ces thérapies soient interdites en Suisse.
Andreas Keller a interrompu sa propre thérapie à l'âge de 27 ans. Aujourd'hui, il va bien, rassure-t-il. Son homosexualité est acceptée par son entourage, au travail et dans sa vie privée. Mais il espère que l'interdiction des thérapies de conversion permettra d'épargner à d'autres jeunes des expériences aussi choquantes.
* Nom modifié