Dans la Berne fédérale, le vent peut vite tourner. Celui ou celle qui fait partie des gagnants aujourd’hui fera peut-être partie des perdants demain. Et inversement. La conseillère fédérale socialiste Simonetta Sommaruga en sait quelque chose.
En 2020, elle recevait des éloges pour sa manière calme et inébranlable de conduire la Suisse à travers la crise du Covid en tant que présidente de la Confédération. Deux ans plus tard, ce n’est pas en tant que cheffe du Département de l’Environnement, des transports et de l’énergie (Detec) que Simonetta Sommaruga est sous les feux de la rampe. Mais cette fois-ci, sous des vents contraires.
Après plusieurs échecs
Ce dimanche, les votants décideront du sort du train de mesures en faveur des médias. Selon les sondages, le résultat devrait être serré. Si le peuple rejette le projet, la conseillère fédérale socialiste se retrouvera face à un casse-tête. Une fois de plus.
En juin 2021, les citoyens avaient déjà rejeté un projet issu de son département et pour lequel elle s’était engagée en première ligne: la loi sur le CO2. La conseillère fédérale avait soumis le projet aux urnes en même temps que deux initiatives agricoles, avec comme résultat un non à 51,6%.
La nouvelle loi CO2 mal accueillie à droite
En revanche, si le paquet d’aide aux médias est accepté, elle pourrait enregistrer une victoire dont elle a grand besoin. En effet, la ministre de l’énergie devra faire face à des débats difficiles pour ses futurs projets de loi. La nouvelle version de la loi CO2, par exemple, n’est pas bien accueillie dans le camp bourgeois.
Au sujet de l’approvisionnement énergétique, Simonetta Sommaruga est également en mauvaise posture. Sa table ronde, qui devait permettre un compromis entre les associations environnementales et les milieux économiques en vue de développer les sources d’énergie locales, est déjà remise en question par une alliance bourgeoise.
Une attitude humble qui ne plaît pas à tous
Les voix qui accusent la ministre de se retrouver affaiblie se multiplient dans la Berne fédérale. Pourtant, la ministre de l’Environnement a quelques jolis succès à son actif. Des règles plus strictes pour l’exportation de pesticides à la prolongation de la promotion des énergies renouvelables.
Avec son attitude toujours correcte et humble — ses adversaires disent qu’elle donne des leçons —, Simonetta Sommaruga irrite certains électeurs de droite. Du point de vue bourgeois, elle présente souvent les mauvaises solutions, que ce soit de la bonne manière ou non.
«Je dois me justifier de débattre à ses côtés»
C'est aussi l'expérience du conseiller national du Centre Martin Candinas. Dans les régions de montagne, le manque d'engagement de la conseillère socialiste contre la régulation du loup n'a pas été bien perçu, explique le Grison; on s'y serait senti abandonné par la ministre de l'Environnement. «Je dois presque me justifier auprès de mes électeurs lorsque je défends à ses côtés le paquet d’aide aux médias à la télévision», regrette-t-il.
La situation est d’autant plus ironique que dans le cas du paquet d’aide aux médias, le Centre a été un des moteurs du projet, faisant plus que doubler la somme finale du paquet, de 73 millions à plus de 150 millions. Néanmoins, le parti est resté en retrait lors de la campagne de votation.
Un phénomène similaire s’est produit avec la loi CO₂: des éléments importants, comme la taxe sur les billets d’avion, provenaient de membres du PLR. Mais la campagne menée par les libéraux-radicaux a été tiède et dans les urnes, la base du PLR a majoritairement rejeté la loi.
Développement et défense de projet
Cela montre clairement l’importance du rôle du Parlement comme centre d’échanges de la vie publique. Certains politiciens peuvent modifier et développer un projet de manière décisive, parfois contre la volonté du Conseil fédéral, et d’autres se chargent plutôt de le défendre.
Selon le conseiller aux Etats PLR Andrea Caroni, il est donc imprécis de dire qu’un conseiller fédéral a perdu ou gagné une votation. «Celle-ci porte sur un projet du Parlement, pas du Conseil fédéral», souligne-t-il.
Une conseillère fédérale dans la recherche de compromis
Pour Simonetta Sommaruga, sa position de conseillère fédérale socialiste implique de devoir trouver un compromis entre ce qu’elle considère comme juste et ce que le Parlement, à majorité bourgeoise, pourrait accepter. Une recherche de compromis permanente, dans laquelle elle a pris l’habitude de devoir convaincre. Et aussi d’échouer de temps à autres.
De même, la Zougoise a toujours l’habitude de répondre à ses détracteurs après une défaite. Pas de manière abusive, pas de colère, mais comme toujours: de manière correcte, posée, humble. Pour ensuite tenter une nouvelle approche — avec un nouveau projet. Dans les règles de l’art.