Le Ministère public III du canton de Zurich, spécialisé dans la criminalité économique, a enquêté, interrogé et investigué pendant près de trois ans. Il a éclairé cinq cas dans lesquels il reproche aux accusés Pierin Vincenz, ancien CEO de la banque Raiffeisen, et le conseiller et entrepreneur Beat Stocker d'avoir commis des fautes pénalement répréhensibles. Il s'agit en premier lieu des escroqueries. Voici les cas de ce thriller économique qui seront détricotés à partir de la semaine prochaine devant le Tribunal de district de Zurich.
L'affaire Commtrain
Tout commence avec l'achat de l'entreprise Commtrain Card Solutions (CCS) par le fournisseur de cartes de crédits Aduno (maintenant Viseca) en 2007. Mais il y a une information que personne ne possède, à part Pierin Vincenz et Beat Stocker (respectivement président et CEO d'Aduno), au sein de l'entreprise de cartes de crédit: les deux hommes participent à Commtrain par l'intermédiaire de l'entreprise iFM, et profitent donc de l'achat ou de la vente de l'entreprise qu'ils ont eux-mêmes mis en place. L'accusation parle de ce qu'elle appelle une «participation fantôme». Lors des réunions décisives du conseil d'administration, le président Pierin Vincenz et le CEO Beat Stocker auraient dû révéler le possible conflit d'intérêts. Ils ont réalisé un bénéfice de 1,3 million de francs.
Le cas de Genève Credit & Leasing
Le schéma de la «participation fantôme» se répétera plusieurs fois. Tout d'abord lors de l'achat de Genève Credit & Leasing (GCL) par Aduno. GCL était active dans le domaine du crédit à la consommation, et ce avec un succès mitigé. Lors d'un premier examen, l'affaire est abandonnée par Aduno. Mais Beat Stocker et Pierin Vincenz ont réussi à remettre l'achat à l'ordre du jour, notamment grâce à un financement temporaire par la Raiffeisen, que le second nommé aurait mis en place. Les détails ont notamment été discutés en marge d'un concert de Prince en 2011. Au total, Pierin Vincenz et Beat Stocker ont gagné chacun 3,4 millions de francs dans cette affaire, à l'insu d'Aduno.
L'affaire de l'Eurocaution
Le duo a eu moins de chance dans l'affaire Eurocaution, notamment parce que l'ancien propriétaire n'avait pas encore payé le bénéfice d'un demi-million de francs chacun avant leur arrestation en février 2018. Alors que même Beat Stocker avait qualifié l'entreprise de «morceau de merde», lui et Pierin Vincenz ont réussi à convaincre le conseil d'administration d'Aduno de racheter l'entreprise. Et ce, même avec la remarque désinvolte que l'entreprise «devrait maintenant tout simplement oser entreprendre quelque chose». Là aussi, tout s'est déroulé de manière cachée, pas un mot aux collègues du conseil d'administration sur la participation à l'entreprise .
Le cas Investnet
L'idée semblait séduisante: la société Investnet cherche des solutions de succession pour les petites et moyennes entreprises (PME), achète des entreprises et les vend ensuite à des investisseurs en réalisant un bénéfice. Seulement, pour cela, il faut beaucoup d'argent. C'est là que Raiffeisen entre en jeu, à partir de 2011, car le marché des solutions de succession est intéressant pour la banque coopérative. Par une «poignée de main», Beat Stocker, qui mène pendant un certain temps les négociations de vente pour Raiffeisen, obtient à titre privé une participation de 25% dans Investnet. Finalement, une filiale de Raiffeisen fusionne avec cette entreprise. La banque détient 60% de cette société et verse 20 millions de francs à chacun des deux fondateurs. Ainsi, 5,8 millions de francs passent des fondateurs dans les poches de Beat Stocker. Ce dernier verse 2,9 millions de francs à Pierin Vincenz, soi-disant à titre de prêt pour l'achat d'une maison au Tessin. L'acheteur, Raiffeisen, refuse de payer les tranches ultérieures en invoquant des incohérences.
Les grosses dépenses
Pierin Vincenz était le roi des notes de frais. Visites dans les boîtes de strip-tease, voyages de vacances avec des amis ou des membres de la famille, qu'importe: il inscrivait tout sous les frais de l'entreprise. S'il s'avère que certaines de ces notes de frais servaient ses besoins personnels et non un objectif commercial, l'ex-patron de Raiffeisen aura alors un problème relevant du droit pénal. Selon l'accusation, ces frais atteignent un montant de plus de 560'000 francs. Dans le cas de Beat Stocker, la note s'élève à près de 100'000 francs.
(Adaptation par Jocelyn Daloz)