Le lotissement Clés est en train de voir le jour au cœur d'Allschwil, dans le canton de Bâle-Campagne. Treize maisons individuelles mitoyennes de 180 mètres carrés chacune, avec jardin privé et deux places de parking - un rêve pour les jeunes familles qui cherchent à se loger dans la région de Bâle.
«Idéal pour les familles. Les maisons sont en droit de superficie, ce qui simplifie le financement et exige moins de fonds propres. Ainsi, les jeunes ont aussi une chance de construire une maison pour leurs enfants», écrit l'agence immobilière aux intéressés.
«Cela me semblait abordable»
En droit de superficie signifie que le propriétaire du terrain ne fait que louer la parcelle. «C'est justement le fait de ne pas devoir acheter le terrain qui m'a plu», explique Meret Hellmer, dont nous avons changé le nom à sa demande. Selon l'annonce, le loyer pour le terrain, appelé rente de droit de superficie, devait s'élever à 12'800 francs par an, soit près de 1100 francs par mois. «Cela me semblait abordable».
Pour le bâtiment lui-même, il aurait fallu débourser entre 1,2 et 1,3 million de francs supplémentaires. Pour cela, Meret Helmer voulait prendre une hypothèque. Elle a demandé des offres à la Banque Migros et à l'UBS. Avec ses documents, elle a également remis le contrat de droit de superficie qui régit la «relation de location» entre le propriétaire de la maison et celui du terrain. Et elle a demandé à Laurent Facqueur, un expert immobilier, d'examiner également ce contrat de 74 pages à la loupe.
Celui-ci a critiqué différents éléments et est arrivé à cette conclusion: «Vous prenez des risques financiers considérables à long terme avec ce contrat». Et de poursuivre: «N'y touchez surtout pas, sauf si vous avez des réserves financières suffisamment importantes, un revenu élevé à long terme (même à l'âge de la retraite) et que vous tenez absolument à vivre dans cette maison.»
Le service des hypothèques de la Banque Migros est parvenu à une conclusion similaire en refusant de parler de crédit. La raison invoquée était «des accords non conformes au marché». En effet, au moment de la demande, la rente du droit de superficie était déjà plus élevée que les 12'800 francs annoncés dans l'annonce. La prochaine augmentation est prévue pour début 2025.
Diverses entreprises issues de la scientologie
Adrian Wenger, expert en hypothèques auprès du centre d'assurance VZ, déconseille également cet achat. «Ce qui est particulièrement choquant, c'est que le propriétaire n'a pas accès au fonds de rénovation, qu'il alimente chaque mois avec 0,5% du montant de la construction, soit plusieurs centaines de francs par mois. Seul le propriétaire du sol décide de ce qui sera éventuellement rénové avec cet argent. Et lors de la résiliation du contrat, la moitié de l'argent épargné par le propriétaire de la maison revient au propriétaire du sol pour des raisons totalement obscures.»
Dans ces conditions, Meret Hellmer a décidé de ne pas acheter. Le lotissement n'est pas seulement lucratif pour le propriétaire du terrain, mais aussi pour différentes entreprises impliquées dans le projet, dont certaines sont issues de la Scientologie, un ensemble de croyances très controversé tantôt désigné comme une religion, tantôt comme une secte.
Le service bavarois de protection de la Constitution définit par exemple la Scientologie comme «une organisation agissant au niveau international, axée sur la recherche du profit financier et souhaitant instaurer un système de domination mondial et illimité selon ses propres idées. Ainsi, le principe de démocratie et les droits fondamentaux doivent être remplacés par un système de domination totalitaire basé sur les psychotechnologies et la soumission inconditionnelle des individus sous la direction de la scientologie.»
Bien que la Scientologie soit surveillée par les services de protection de la Constitution, elle ne fait pas l'objet d'un contrôle étatique particulier. Plusieurs villes limitent toutefois ses actions publiques. «La scientologie est une organisation problématique», explique Susanne Schaaf, du centre Infosekta. «En raison de ses structures accaparantes et de ses méthodes manipulatrices, il existe un grand potentiel de dépendance pour ses membres. Les approches dans les domaines de la prévention des drogues et de la psychiatrie sont trompeuses.»
Une très grande marge
La société immobilière SRE Totalunternehmung, dont le seul membre du conseil d'administration est un scientologue de haut rang, peut par exemple s'attendre à une très grande marge sur le projet Clés. Selon les calculs des spécialistes, le prix de vente par unité devrait être supérieur d'environ 300'000 à 400'000 francs aux coûts de construction. «Les prix des maisons sont conformes au marché et les conditions ont été systématiquement considérées comme conformes au marché par les acheteurs et leurs banques», rétorque le directeur de SRE Totalunternehmung. A la question de savoir si de l'argent a été versé à la Scientologie dans le cadre du projet, il répond qu'il sépare strictement profession et foi.
L'entreprise Welcome Home Immobilien, chargée de la commercialisation, emploie elle aussi au moins trois adeptes de longue date et hautement décorés de la Scientologie. La directrice de l'agence immobilière écrit à ce sujet au Beobachter qu'elle n'a aucun lien professionnel ou privé avec la Scientologie et qu'il ne lui appartient pas de commenter les croyances personnelles de ses employés. Elle n'a pas répondu à la question de savoir pourquoi les objets ont été annoncés avec l'ancien taux d'intérêt annuel de 12'800 francs malgré un taux de référence déjà en hausse.
Outre Welcome Home, les maisons mitoyennes sont également commercialisées par Property One Basel. Son directeur est un compagnon de longue date d'un fiduciaire qui est un membre haut placé de l'Église de scientologie de Bâle.
Une boîte aux lettres avec sept noms de sociétés
Dès 2007, les deux hommes ont fondé l'entreprise immobilière Swiss Immo Trust, qui est depuis des années à Bâle l'un des principaux acteurs dans le domaine de la transformation d'appartements locatifs en propriétés par étage. «Des scientologues de premier plan font partie des acteurs immobiliers les plus actifs de la ville», titrait le journal bâlois «Tageswoche» en 2017. Les fils de nombreuses sociétés immobilières liées à la scientologie convergent vers l'agent fiduciaire. C'est ce que montre une boîte aux lettres décorée de sept noms d'entreprises à Binningen. Le fiduciaire lui-même, SRE, Welcome Home Immobilien ainsi que Swiss Immo Trust - dont les deux partenaires commerciaux se sont entre-temps officiellement retirés - y ont entre autres leur domicile postal.
L'administrateur fiduciaire ne veut pas répondre aux questions concrètes sur son rôle dans les entreprises susmentionnées et dans le lotissement Clés. «Je sépare strictement profession et foi et donc les affaires que j'exerce sont entièrement privées et n'ont aucun lien avec l'Eglise de Scientologie», répond-il sommairement. Quant à son partenaire commercial de longue date de Property One Basel, il a déclaré sur demande qu'il n'avait ni intérêt ni sympathie pour la Scientologie.
L'organisation mère, la Scientologie Suisse, prend également ses distances. «Je n'ai jamais entendu parler de ce projet avant votre mail et je peux vous assurer qu'aucun argent n'est ou ne serait versé à l'Eglise de Scientologie dans ce contexte», écrit le porte-parole Jürg Stettler sur demande.