De combien d’argent disposerez-vous à la retraite? Cette question est au cœur du grand débat sur les retraites qui a lieu ce mardi au Conseil national. Les deux principaux piliers de la prévoyance vieillesse sont concernés: l’AVS et la prévoyance professionnelle (LPP).
La réforme de l’AVS est pratiquement dans la poche. Le relèvement de l’âge de la retraite à 65 ans pour les femmes est déjà décidé, ce qui permettra d’économiser 1,4 milliard de francs par an.
Dans l’arène politique, il s’agit maintenant de prendre des mesures de compensation pour les générations de femmes qui vivront la transition. Sur ce point, ce sont principalement les partis bourgeois qui débattent de l’ampleur de la compensation:
- Le Conseil des Etats prévoit un modèle de transition dans lequel les femmes nées dans un certain intervalle (neuf ans) recevraient de 100 à 240 francs par mois – les revenus les plus bas recevant le supplément maximal. Les personnes qui prennent leur retraite plus tôt verront leur rente réduite selon les taux habituels.
- La commission des affaires sociales du National se montre moins généreuse: les femmes de ce fameux intervalle de transition recevraient entre 40 et 140 francs supplémentaires par mois, selon leur revenu. Le supplément ne sera versé qu’aux personnes travaillant jusqu’à 65 ans.
- La conseillère nationale PLR Regine Sauter souhaite, par le biais d’une proposition de minorité, accorder la compensation de 140 francs maximum à un intervalle de sept ans seulement. En contrepartie, elle propose de moins réduire les rentes dans le cas des retraites anticipées. Détail notoire: contrairement aux deux autres modèles, le supplément de rente est soumis à un plafonnement pour les couples mariés. Ainsi, si la rente commune dépasse 3585 francs, le supplément sera réduit ou même supprimé.
La gauche devrait faire l’autruche sur ce point: comme elle n’a pas réussi à faire passer de meilleures compensations, elle ne se sent plus vraiment concernée. Elle privilégie le référendum contre la réforme de l’AVS, déjà en préparation.
Si ces propositions sont acceptées, seul un tiers de l’argent économisé grâce au relèvement de l’âge de la retraite des femmes sera reversé à titre de compensations. Celles qui prendront leur retraite dix ans après (en dehors de ce fameux intervalle) n’auraient que les yeux pour pleurer.
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La Banque nationale peut-elle sauver nos retraites? La question reste très controversée. Le Conseil des Etats ne veut pas en entendre parler, alors que la commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national est convaincue du bien-fondé de cette idée. Il sera intéressant de voir si le plénum maintiendra lui aussi sa ligne de conduite sur la question.
Il ne reste plus que quelques divergences à régler entre les deux chambres. Le projet sera débattu jusqu’à la fin de la session d’hiver. Les opposants auront ensuite jusqu’au printemps pour récolter quelque 50’000 signatures en vue du référendum. Une formalité au vu de l’ampleur de l’opposition.
Réforme de la LPP
Tandis que la réforme de l’AVS entre dans sa phase finale, la réforme de la prévoyance professionnelle n’en est, elle, qu’à ses balbutiements. Au sein de la commission de la sécurité sociale et de la santé, une majorité bourgeoise a écarté le compromis réalisé entre l’Union patronale et les syndicats pour privilégier son propre modèle.
Les points abordés sont les suivants:
- Taux de conversion: le taux de conversion minimal est abaissé de 6,8% aujourd’hui à 6%. Cela signifie que pour 100’000 francs de capital de vieillesse épargné, plus que 6000 francs par an seront versés au lieu de 6800. Le principe de cette mesure n’est pas contesté. Ce qui est décisif, c’est la manière dont la perte de rente qui en découle sera compensée.
- Supplément de rente: si l’on en croit le Conseil fédéral, chaque nouveau rentier de la LPP recevra une rente supplémentaire fixe de 100 à 200 francs pendant une période transitoire de 15 ans. Ensuite, le Conseil fédéral fixera chaque année le montant du supplément de rente en fonction des moyens disponibles. Le supplément sera financé de manière solidaire par une cotisation de 0,5% prélevée sur le revenu annuel soumis à l’AVS. Il en résulte une redistribution des riches en faveur des revenus les plus bas. C’est précisément de cette redistribution dont les partis bourgeois ne veulent pas entendre parler. La commission sociale a mis en place un modèle alternatif: seuls 35 à 40% des nouveaux retraités recevraient un supplément de rente de 100 à 200 francs par mois. Pour la majorité d’entre eux, rien ne changerait. De plus, le supplément de rente est limité à une période transitoire de 15 ans. Ce supplément devrait être financé principalement par les réserves des caisses de pension. La question est délicate.
- Bonification de vieillesse: les cotisations salariales à la caisse de pension – les fameuses bonifications de vieillesse – doivent être adaptées. Le Conseil fédéral propose une bonification de vieillesse de 9% du salaire soumis à la LPP (contre 7 ou 10%) entre 25 et 44 ans. A partir de 45 ans, la bonification de vieillesse s’élèverait à 14% (contre 15 ou 18% actuellement). Cela permettrait de réduire les coûts salariaux pour les travailleurs âgés et améliorerait leurs chances sur le marché du travail. D’autres propositions sont en discussion au Conseil national.
- Cotiser plus tôt: selon le Conseil fédéral, les assurés devraient continuer à payer des cotisations salariales à partir de 25 ans. La commission du Conseil national souhaite que le processus d’épargne commence dès 20 ans.
- Déduction de coordination: la déduction dite de coordination, qui détermine le salaire assuré, sera divisée par deux et passera de 25’095 francs à 12’443 francs. Une part plus importante du salaire serait ainsi assurée. Les bas salaires, dont beaucoup de travailleurs à temps partiel et de femmes, bénéficieraient d’une meilleure protection sociale contre la vieillesse et l’invalidité.
- Seuil d’entrée: pour être assuré dans une caisse de pension, il faut aujourd’hui gagner au moins 21’510 francs par an chez un employeur. La commission du Conseil national souhaite abaisser ce seuil à 12’548 francs. Cela permettrait d’assurer davantage de personnes à faible revenu.
Troisième pilier
La majorité bourgeoise de la commission fait encore une autre proposition. Elle veut profiter de la réforme de la LPP pour modifier les cotisations au troisième pilier. La limite maximum pourrait être élevée, et ce de manière significative.
Les assurés affiliés à une caisse de pension pourraient à l’avenir verser jusqu’à 10’324 francs au troisième pilier, contre 6883 francs actuellement. Pour les indépendants sans caisse de pension, le montant maximal passerait de 34’416 à 37’857 francs.
Avec ce scénario, la Confédération, les cantons et les communes perdraient 500 millions de francs par an. Ce sont en premier lieu les personnes à revenus élevés qui en profiteraient. Aujourd’hui déjà, seuls 11% des contribuables peuvent se permettre le montant maximal.
Il y aura donc suffisamment de matière à débattre mardi. Au point que le débat sur la réforme de la LPP se poursuivra mercredi et, éventuellement, lundi prochain.