À l'heure de raconter son histoire à Blick, Lara Gutwald a encore la voix qui tremble. «Ce n'est pas correct, c'est tellement bas de leur part!» Cette employée de commerce du canton de Soleure voulait partir en vacances à Lisbonne avec son ami au mois d'août, mais tout est parti à vau-l'eau.
Les reproches formulées par la jeune femme de 24 ans sont lourds: la plateforme de réservation en ligne Bravofly aurait annulé son vol et les nuits d'hôtels prévues dans la capitale portugaise... tout en gardant l'argent.
«Je ne voulais pas du tout réserver sur ce site, regrette l'Alémanique. Mais comme Booking.com m'a redirigée sur Bravofly, j'ai fait confiance et réservé un vol aller-retour à la mi-août et une semaine d'hôtel pour deux personnes.»
Dès la réservation, Lara Gutwald commence à avoir des doutes: «La confirmation que j'ai reçue avait l'air inhabituelle.» Dès le lendemain, elle prend son téléphone et contacte la compagnie aérienne et l'hôtel. «L'hôtel n'avait rien à mon nom et ce n'était pas clair en ce qui concerne l'avion», explique la Soleuroise.
Une annulation venue de nulle part
Quelques jours plus tard, la Soleuroise reçoit par e-mail une... confirmation d'annulation. «Je n'avais rien demandé d'autre que de partir en vacances!», tempête la jeune femme. Elle tente alors de s'adresser au service clientèle pour savoir ce qu'il en est.
Après plusieurs essais vains, elle finit par recevoir une réponse d'un collaborateur: «Il m'a dit que c'était moi qui avais demandé l'annulation, qu'il voyait cela dans mon profil.» Impossible de faire marche arrière, selon l'employé de Bravofly. Lara Gutwald reçoit un crédit... de 500 francs inférieur à ce qu'elle a dépensé initialement, afin d'effectuer une nouvelle réservation.
«On m'a ensuite proposé un remboursement, mais en déduisant les frais d'annulation et de traitement, poursuit la Soleuroise. Là aussi, j'étais largement perdante.» La jeune femme ne veut se résoudre à accepter ni l'une ni l'autre option.
Le fardeau de la preuve
Que peut-elle faire? Pour Reto Ineichen, avocat et expert en droit du voyage, tout dépend de ce que Lara Gutwald peut prouver: «Si elle a des documents attestant que c'est bien Bravofly qui a annulé le voyage tout en prétendant le contraire, il peut y avoir falsification de documents.» Selon l'expert, si la démarche est faite à dessein pour soutirer l'argent de la cliente, il s'agirait même d'une escroquerie.
C'est là tout l'enjeu: comment le prouver? C'est un cas de «parole contre parole», et la maison mère de Bravofly, lastminute.com, repousse tous les reproches en bloc. «Nos équipes ont enquêté sur ce cas et nous pouvons confirmer que la cliente a demandé l'annulation dans son espace personnel», assure l'opérateur.
Comme l'annulation a eu lieu le jour de la réservation, l'entreprise avance qu'elle est en train d'examiner avec ses fournisseurs si un remboursement sans frais peut être effectué. «Il s'agirait d'un geste de bonne volonté», explique le porte-parole. L'entreprise ajoute que Lara Gutwald a sélectionné l'option «remboursement avec un crédit», et qu'il est normal que des frais soient comptabilisés.
Cinq dirigeants dans le viseur de la justice
Ce ne sont pas les premiers reproches adressés au voyagiste en ligne, dont le siège est à Londres et qui dispose d'une succursale à Chiasso, au Tessin. On apprenait vendredi que le Ministère public tessinois avait demandé la mise en détention provisoire de cinq dirigeants du groupe, dont le CEO, Fabio Cannavale. Il s'agit d'un possible abus en rapport avec les indemnités de chômage partiel Covid-19. La présomption d'innocence est de mise.
Quid de Lara Gutwald? L'expert Reto Ineichen explique qu'il faudrait toujours ouvrir une procédure dans de tels cas si les preuves sont solides. Mais il faut être prêt à mettre la main au porte-monnaie: rien qu'un recours au juge de paix coûte 200 francs. Au total, les frais dépassent souvent les sommes en jeu...
La Soleuroise est découragée et va certainement abandonner l'affaire. Elle n'a plus que les yeux pour pleurer: actuellement en formation continue, elle avait fait de gros sacrifices pour économiser de quoi partir en vacances. Elle passera le mois d'août en Suisse et se promet une chose: ne plus jamais utiliser Bravofly. «Je n'ai de toute façon plus l'argent pour une nouvelle réservation», soupire-t-elle.