«J'ai entendu un bruit, et au même moment, je ne pouvais plus bouger les jambes», raconte Cagla Oezmen, qui vit à Buchs dans le canton d'Argovie, au bord des larmes. Un accident de baignade l'a presque clouée à vie dans un fauteuil roulant: lors de ses vacances en Turquie, un adolescent a sauté de l'étage supérieur d'un bateau et a atterri directement sur le dos de Cagla Oezmen. Sa colonne vertébrale s'est brisée. C'est grâce à un heureux hasard, à sa persévérance et à une décision prise au bon moment qu'elle peut à nouveau se déplacer. Un petit miracle.
«À la base, nous n'avions pas du tout prévu d'aller faire une excursion en bateau», commence Cagla Oezmen en racontant son histoire, qui a commencé en 2022 dans la station balnéaire turque de Bodrum. Mais c'était l'occasion d'explorer les baies de la région. Lors d'une pause, elle entre dans l'eau avec ses enfants. «Soudain, j'ai senti un choc et j'ai été poussée sous l'eau. En regardant vers le bas, j'ai réalisé que je ne pouvais plus bouger les jambes.» De retour à bord, elle réalise ce qui s'est passé.
Les responsables réagissent mal
La famille demande de l'aide à l'équipage du bateau, qui refuse d'appeler l'ambulance. En réalité, Cagla Oezmen pense que les organisateurs n'avaient pas de licence officielle de navigation. Une heure s'écoule ainsi sur le chemin du retour, pendant laquelle l'Argovienne reste immobile sur le pont.
Une mauvaise décision, comme l'explique le médecin-chef et directeur médical du Centre suisse des paraplégiques (CSP) de Nottwil (LU), Björn Zörner: «En cas de fracture de la colonne vertébrale, celle-ci doit souvent être traitée par une opération. Idéalement, cela devrait être fait le plus tôt possible après l'accident, si l'état général du patient le permet».
Un éclair de lucidité décisif
Elle est alors transportée à l'hôpital voisin de Bodrum, où elle apprend que la septième vertèbre thoracique est cassée. «Mes premières pensées ont été de me demander comme nous allions faire avec les enfants et si je pourrai encore promener mon chien!», confie Cagla Oezmen.
Pendant ce temps, l'opération se prépare. «Plusieurs médecins m'ont alors dit que je ne pourrais plus jamais marcher», se souvient-elle. «À ce moment-là, je me suis dit que je n'allais pas me faire opérer par quelqu'un qui n'avait pas la moindre lueur d'espoir, confie-t-elle. Je me suis alors souvenue de ma cousine qui avait été opérée de la colonne vertébrale par un expert à Istanbul.» Un éclair de lucidité décisif.
Son mari parvient à joindre le chirurgien, qui accepte spontanément d'effectuer l'opération. Le transport s'avère compliqué et des heures décisives s'écoulent. Son homme doit trouver une ambulance, ainsi qu'un jet et payer les frais à l'avance – soit près de 8000 francs suisses. Il emprunte de l'argent à ses proches et parvient à réunir la somme.
Une lueur d'espoir
À son arrivée à la clinique spécialisée, Cagla Oezmen fait preuve de beaucoup d'optimisme: «Le chirurgien s’est montré très à l’écoute et m’a assuré que nous allions nous en sortir. J’avais une grande confiance en lui.» Si l’opération est un succès, l'Argovienne ne peut toujours pas bouger ses jambes. Aujourd’hui encore, huit longues vis sont implantées dans son dos.
Björn Zörner explique le déroulement de ce genre d'opération: «Nous stabilisons la colonne vertébrale afin de restaurer sa capacité de charge. Si la moelle épinière est rétrécie ou comprimée par une fracture, l’intervention vise à dégager de l’espace pour éviter d’autres lésions.»
Quelque temps plus tard, il est temps de rentrer en Suisse. «La Rega nous attendait à l'aéroport. Ils m'ont dit de ne pas m'inquiéter, qu'ils allaient prendre le relais. C'était un sentiment de sécurité, comme si j'étais à la maison». De retour en Suisse, les médecins ne lui donnent toutefois guère la certitude de pouvoir remarcher un jour. C'était compréhensible, du point de vue de Björn Zörner: «En cas de paraplégie incomplète, certains signaux sont certes encore transmis par la moelle épinière, mais une capacité fonctionnelle à marcher ou au moins à se tenir debout n'est récupérée que dans la moitié des cas environ.»
Le long chemin du retour
Mais Cagla Oezmen accorde bien peu d’importance aux pronostics défavorables. Son objectif: pouvoir marcher à nouveau, quel qu’en soit le prix! Une semaine plus tard, elle est transférée dans un centre spécialisé pour personnes paraplégiques et entame une physiothérapie. «J’ai demandé à suivre des séances supplémentaires et je m’entraînais aussi seule», raconte-t-elle. Une persévérance qui allait bientôt porter ses fruits.
L’importance de la volonté du patient dans le processus de rééducation ne devrait jamais être sous-estimée, explique Björn Zörner: «La motivation joue un rôle déterminant! Les patients qui s’investissent activement, qui font preuve d’une grande volonté et s’entraînent avec assiduité ont bien plus de chances de progresser que ceux qui, pour diverses raisons, ne le peuvent pas. Même si l’ampleur de la lésion impose des limites biologiques, la détermination fait souvent la différence.»
Cagla Oezmen passe plus de six mois au CSP. Aujourd’hui, près de 30 mois après son accident, il est difficile d’imaginer qu’elle ait un jour été paralysée. Elle envisage de reprendre bientôt le travail. Certes, marcher reste fatigant et elle souffre encore de différentes douleurs, mais elle se déplace «presque» normalement. Une seule chose lui manquera: «J’aurais aimé pouvoir encore faire du ski avec mes enfants.»