Millions déboursés, création d'emplois, influence sur le service public
Parlons d'argent: Qu'apporterait une victoire de Nemo à la Suisse?

Si la Suisse remporte l'Eurovision ce week-end avec Nemo, elle devra faire face à des coûts élevés pour organiser l'édition 2025. Le service public pourrait aussi en pâtir. Blick décrypte les coûts et bénéfices en termes d'argent derrière cet événement culturel mondial.
Publié: 08.05.2024 à 15:23 heures
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Dernière mise à jour: 11.05.2024 à 10:09 heures
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Nemo se présente à Malmö avec la chanson «The Code», un manifeste artistique d'un voyage personnel.
Photo: AFP
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Michael Hotz et Michel Imhof

Les organisations touristiques des grandes villes suisses auraient meilleur temps de croiser les doigts pour Nemo samedi au Concours Eurovision de la chanson (CEC). Une victoire du talent musical biennois cette année à Malmö pourrait bien rapporter gros à la Confédération!

Selon la tradition, le pays d'origine du gagnant organise le prochain CEC – et se voit bénéficier de recettes supplémentaires de plusieurs dizaines de millions pour le faire. Si Nemo venait à décrocher la victoire, Bâle, Berne, Genève et Zurich entreraient en ligne de compte comme lieux d'organisation possibles – avec un joli cachet en bonus.

Des millions de francs déboursés pour l'organisation

Mais commençons d'abord par la mauvaise nouvelle: si la Suisse devait effectivement avoir la main en 2025 grâce à une victoire de Nemo, le pays serait confronté à un bloc de dépenses important et fortement variable.

En 2014, Copenhague avait dépensé près de 50 millions de francs pour organiser l'événement. Deux ans plus tôt, la capitale de l'Azerbaïdjan, Bakou, avait fait des folies en dépensant jusqu'à 69 millions de francs. Malmö s'était montrée plus modeste lors de l'édition 2013 en déboursant pas moins de 14 millions de francs.

L'année dernière, la Grande-Bretagne a dépensé une somme qui se situe entre ces eaux-là – l'équivalent de 30 millions de francs. La BBC avait budgété entre 8 et 19,5 millions de francs pour la production de l'année dernière. La ville de Liverpool avait contribué à hauteur d'un peu plus de 4,5 millions de francs, et le gouvernement britannique approuvé 10 millions de francs supplémentaires.

Création de 600 emplois à temps plein à Liverpool

La bonne nouvelle pour le porte-monnaie, maintenant: en fin de compte, l'organisation du CEC reste rentable pour la ville concernée. Liverpool, par exemple, a profité l'an dernier d'une création de valeur économique de 62 millions de francs, selon une étude de l'Université de Liverpool. Les recettes supplémentaires générées par le concours, telles que calculées par les scientifiques, ont garanti à cette ville du nord-ouest de l'Angleterre près de 600 emplois à temps plein pendant un an.

Les caisses de l'industrie touristique de Liverpool ont aussi sonné fort grâce aux 300'000 visiteurs supplémentaires venus uniquement pour l'événement. Les hôtels locaux ont annoncé 175'000 chambres réservées. Un joli pactole pour l'économie privée.

Le CEC serait financièrement rentable pour la ville organisatrice

La ville de Vienne sert de bon point de comparaison pour une éventuelle ville suisse organisatrice. En 2015, elle avait réalisé un bénéfice de 27,8 millions de francs grâce à l'événement musical. Un peu plus de 400 emplois à temps plein ont été créés grâce au concours dans la capitale autrichienne – un atout non négligeable pour la place économique de Zurich, par exemple. La plus grande ville de Suisse compte un peu plus de 5000 chômeurs. 500 nouveaux emplois représenteraient donc près de 10% de ce chiffre.

Par ailleurs, l'Eurovision aurait un effet durable sur le tourisme. D'après l'étude de l'Université de Liverpool, deux tiers des visiteurs du CEC interrogés seraient revenus dans la ville à une autre occasion. Un méga-boost pour le tourisme, on vous dit.

La Suisse pourrait-elle accueillir le CEC?

En termes d'infrastructure, l'organisation d'un tel événement en Suisse ne devrait pas poser de problème. Plusieurs salles d'accueil seraient envisageables. Des halles d'exposition adjacentes sont aussi indispensables pour accueillir les vestiaires des artistes et le centre de presse. A cela s'ajoutent des capacités hôtelières pour l'hébergement des collaborateurs, des délégations et des milliers de fans. L'accès à un aéroport international est également crucial.

Yves Schifferle est responsable du secteur Show à la SRF. Il évoquait les villes de Bâle, Berne, Genève et Zurich comme potentielles hôtes au printemps dernier. Nombreux sont ceux qui considèrent Zurich comme ville favorite pour l'organisation d'un tel spectacle. «Nous sommes bien sûr très intéressés par l'organisation de cet événement chez nous, au Hallenstadion», avait déclaré Philipp Musshafen, CEO de la salle de spectacle mythique, à Blick.

Berne, Bâle et Genève ou Zurich?

La population de la ville de Berne a récemment réagi à cette éventualité – majoritairement de manière négative. Des résistances seraient inévitables, laissant les autorités sceptiques à ce sujet. Récemment, l'E-Prix 2019 l'a prouvé – d'autant plus que celui-ci a laissé des traces financières.

A Berne, le seul lieu envisageable serait la Postfinance-Arena. Mais la salle devrait être disponible pendant des semaines, laissant le hockey sur glace sur la touche et le Club des Patineurs de Berne dans l'impasse. La nouvelle salle des fêtes sur le site de Bernexpo, juste à côté, devrait ouvrir ses portes pour la foire de printemps BEA fin avril/début mai 2025. Pourquoi ne pas l'inaugurer avec un tel événement?

Quant à Bâle et Genève, elles disposeraient toutes les deux de lieux adéquats: la halle Saint-Jacques et Palexpo, en plus de leurs aéroports internationaux. Mais ces deux villes seraient plutôt un deuxième choix en raison de leur localisation, comparées à Zurich.

L'Eurovision va-t-il influencer le sort du service public?

Mais pour les médias du service public, l'Eurovision 2025 en Suisse pourrait se transformer en une balle dans le pied. Les coûts d'une organisation, aussi élevés soient-ils, apporteraient de l'eau au moulin des partisans de l'initiative de réduction de moitié qui, après une éventuelle victoire, demanderaient pour la première fois à haute voix si la SSR et la RTS doivent vraiment dépenser autant d'argent pour un tel événement de divertissement, questionnant ainsi le rapport exact avec le service public.

Le CEC pourrait donc influencer la campagne électorale – du moins dans une certaine mesure. Le service public devrait bien réfléchir à la manière dont il pourrait communiquer de manière judicieuse sur l'organisation d'un tel show. Croiser les doigts pour Nemo est donc une bonne idée d'un point de vue culturel, mais aussi financier.

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