Juste le temps de cet article, prétendons que je suis encore «jeune». Ce n'est plus vraiment le cas, comme je suis issue de la très brocardée génération des Millenials... Mais puisque nous sommes souvent fustigés pour avoir le malheur d'être coincés dans la posture de l'entre-deux, autorisez-moi le luxe de choisir mon côté.
Car lorsqu'il s'agit d'écologie, j'appartiens clairement à celui des jeunes: à la fois les plus anxieux et les moins irréprochables.
Cet été, Sanitas soulignait qu'une personne sur cinq est régulièrement anxieuse en Suisse, dont une majorité d'individus âgés de 18 à 29 ans. L'une des raisons de leur crainte grandissante: une vision de plus en plus incertaine de l'avenir. En 2021, une étude internationale réalisée dans dix pays révélait en outre que 59% des jeunes sont «très» ou «extrêmement» inquiets face à la crise climatique.
Il semble toutefois que cette grande inquiétude ne se reflète pas toujours dans les comportements et réflexes quotidiens des générations éco-anxieuses. Et je suis la première à le constater, hélas, dans mes propres habitudes: je suis plus ou moins coupable de tous les points d'amélioration suivants. Donc, quoi qu'il arrive, sachez que je suis avec vous! Nous sommes toutes et tous dans le même bain, même si on ne devrait théoriquement pas trop en prendre (bon, face à l'angoisse, on fait ce qu'on peut).
Champions du gaspillage alimentaire
Ces constats de grande anxiété contrastent fortement avec une enquête partagée en début de semaine par l'entreprise de revente alimentaire Too Good To Go. Celle-ci souligne entre autres que les jeunes gaspillent davantage de denrées alimentaires encore comestibles que leurs aînés, lesquels se révèlent bien meilleurs élèves en la matière.
Selon le sondage, 71% des 18-24 ans ne vérifient pas si un produit est encore bon avant de le condamner à la poubelle, tandis que 62% des plus de 55 ans s'en assurent toujours. La totalité (oui, carrément 100%) des sondés affirme qu'ils n'ont aucun problème à jeter des denrées alimentaires, même si celles-ci peuvent encore être consommées. Too Good To Go rappelle ainsi le slogan «Observez-Sentez-Goûtez», pour sensibiliser la population aux affres du gaspillage.
Pour rappel, chaque Suisse jette environ 119 kilogrammes de nourriture chaque année, ce qui nous vaut la première place du gaspillage alimentaire dans toute l'Europe. Avec les jeunes en tête, donc. Plutôt douloureux.
Fans des voyages en avion
Et ce n'est malheureusement pas tout. En début d'année, une recherche menée par l'institut Sotomo et publiée par SRF soulignait que les 18 à 35 ans peuvent rougir de posséder la plus grande empreinte écologique de Suisse, en émettant près de 11,3 tonnes de CO2 par an, alors que la moyenne nationale oscille autour des 10,5 tonnes. Un chiffre intrigant, sachant que la principale raison de ce mauvais résultat est un certain penchant pour les voyages en avion, dont les jeunes raffolent toujours autant – au même titre que les individus plus âgés, d'ailleurs.
Une autre étude réalisée ce printemps par Comparis confirme l'attrait irrésistible de l'avion: parmi la population âgée de 18 à 35 ans, 51,6% ont choisi de prendre l'avion durant leurs vacances d'été 2024, contre 43,4% des personnes âgées de 36 à 55 ans et 43,2% pour les individus âgés de plus de 56 ans.
On se souvient également des vives critiques écopées par de jeunes activistes ayant choisi de s'envoler pour des destinations lointaines, entre deux manifestations pour le climat. La militante allemande Luisa Neubauer avait notamment hérité du surnom «Luisa longue distance», clin d'œil aux milliers de kilomètres parcourus durant ses vacances et à l'écart flagrant, selon ses détracteurs, entre ses propos et ses actes.
Pas trop nuls en recyclage?
Pour rattraper (un peu) le coup, rappelons que les Suisses sont les champions du monde en termes de recyclage de l'aluminium et du verre, affirment l'OFEV et Swiss Recycle. Le constat est moins réjouissant pour les déchets plastiques, dont la grande majorité est brûlée. Résultat: davantage de plastique doit être produit pour satisfaire la forte demande.
Une fois de plus, les jeunes ne sont pas exemplaires, ainsi que le remarquent nos voisins français: une petite étude réalisée en 2023 par l'entreprise Discurv soulignait que les personnes de moins de 35 ans sont à la fois les plus soucieuses de la crise climatique et celles qui trient le moins leurs déchets. Parmi les causes de ces lacunes, le texte mentionne un manque d'informations sur les pratiques de tri les plus efficaces (pour 37% des sondés).
On oublie aussi facilement les effets de la pollution numérique, qui représentent 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et s'avèrent donc deux fois plus importants que ceux de l'aviation. Cela concerne évidemment les générations connectées, scotchées à leur téléphone et abonnées aux emails à pièces jointes (dont je fais partie, bien sûr). Décidément, pas de gommette, cette fois non plus.
Prêts à faire des efforts
Ne baissons pas les bras pour autant. Lorsque j'entends des personnes âgées discuter de la crise climatique, elles semblent nombreuses à placer tous leurs espoirs entre les mains des jeunes générations. Sommes-nous dignes de leur confiance? Peut-être pas encore, mais cela pourrait changer!
Bien qu'une majorité de Suisses sous-estime son empreinte écologique, selon Sotomo, les jeunes sont psychologiquement prêts à fournir des efforts pour diminuer leur empreinte carbone. C'est en tout cas ce que révèle l'étude de Comparis, notamment citée par la RTS: bon nombre d'entre eux renoncent progressivement à la viande, à la voiture et aux séries bingées en streaming pour «compenser» leurs voyages en avion. Ce n'est pas suffisant, d'après les experts contactés par nos confrères, mais c'est déjà un début. Un pas dans la bonne direction, une intention louable, une ébauche de progrès. Allez, jeunes et moins jeunes, on peut mieux faire!