Le conseiller fédéral Ueli Maurer s'inquiète de l'état du pays. Le ministre des Finances aurait particulièrement du mal à accepter la division sociétale, comme il l'a confié dans l'entretien vidéo à l'éditeur et conseiller national UDC Roger Köppel, dans le cadre de sa vidéo hebdomadaire «Weltwoche Daily». Alors que le Conseil fédéral doit se prononcer sur de nouvelles mesures sanitaires contre le Covid vendredi, voilà que l'un de ses membres émet des doutes sur la gestion de la crise jusqu'ici. Le tout sans jamais nommer le conseiller fédéral en charge de la Santé, Alain Berset.
Ueli Maurer et Roger Köppel, collègues de partis, sont filmés dans le hall du Palais fédéral. Les deux se tutoient et parlent tout d'abord du domaine d'action d'Ueli Maurer, les finances. Le ministre déplore l'endettement de la Suisse, qui n'aurait «jamais eu autant de dettes en si peu de temps, même pendant la Seconde Guerre mondiale», ce que personne ne prendrait au sérieux. Cette «certaine insouciance dans la gestion de l'endettement» préoccupe Ueli Maurer. La nouvelle dette de la Suisse s'élève à 35'000 millions de francs. Il est prévu de rembourser environ trois milliards par an au cours des douze prochaines années, soit environ trois pour cent du budget annuel de 80 milliards de la Confédération.
Les deux hommes en viennent ensuite rapidement au sujet principal, la politique Covid du Conseil fédéral. Ils évoquent la fameuse polémique qui a éclaté en automne, lorsque Ueli Maurer avait été photographié en tenue des «Freiheitstrychler», ce groupe opposé aux mesures Covid. Ueli Maurer assure ne pas vouloir rompre le principe de collégialité, tout en s'exprimant sans fard: «Ce qui me préoccupe, c'est qu'il y a des choses que l'on ne peut plus dire à haute voix dans ce pays. On est immédiatement acculé dans un coin. Cela m'est arrivé en tant que conseiller fédéral, mais cela arrive aussi à des milliers, des dizaines de milliers de personnes».
«Dommage pour la Suisse»
Ce serait «très dangereux pour la Suisse si, dans une démocratie, on ne peut plus dire ce que l'on pense. La liberté d'expression est alors limitée, et c'est peut-être le plus grand danger de cette crise que nous vivons actuellement». Ueli Maurer insiste sur la compréhension et le respect mutuel. Vaccinés et non vaccinés, tous mériteraient le même respect. «Cette évidence est remise en question», dit Ueli Maurer, «et c'est dommage pour la Suisse».
Roger Köppel demande à son collègue de parti s'il a pris la résolution pour 2022 de parler plus franchement. «Je parle franchement au Conseil fédéral», répond Ueli Maurer. Il poursuit en disant qu'il est important que la Suisse retrouve l'année prochaine une «culture du dialogue ouvert. Que l'on puisse à nouveau dire ce que l'on pense».
Il constaterait en effet très souvent dans son entourage que «les gens n'osent plus, qu'ils se coupent de l'Etat, qu'ils ne prennent plus l'Etat au sérieux. C'est la chose la plus dangereuse qui puisse nous arriver. Tout le monde mérite le respect qui lui est dû». Ostraciser des opinions, c'est mettre la démocratie en danger.
Critique de la gestion Covid du Conseil fédéral
Roger Köppel aborde ensuite la question des capacités en lits d'hôpitaux. «Il est étonnant que l'on en parle peu. Nous sommes en quelque sorte en guerre contre le virus, la Suisse devrait donc s'équiper», estime le conseiller national.
Ueli Maurer lui donne raison: s'il estime que le Conseil fédéral a «tout réglé» dans cette crise du Covid, il n'a pas résolu le problème des lits d'hôpitaux. «Une réserve serait nécessaire pendant cette période. Cela doit encore être discuté au sein du Conseil fédéral: Nous prescrivons le nombre de personnes d'une même famille pouvant fêter Noël ensemble, mais nous ne faisons rien pour les lits d'hôpitaux. Nous aurions besoin d'une réserve pour absorber les pics. Les pompiers doivent se tenir prêt en cas d'incendie. Actuellement, il y a le feu dans le secteur de la santé, mais nous ne sommes manifestement pas en mesure de faire quelque chose».
Et le ministre des Finances de continuer: «le Conseil fédéral a toujours éludé cette question. La loi ne le prévoit pas non plus, même maintenant». Il critique aussi une certaine aversion du risque en Suisse «Nous ne sommes plus prêts à réagir aux situation extraordinaires. Nous sommes devenus inflexibles. Nous souhaitons éliminer tous les risques. Nous devons réapprendre à les prendre en compte.»
Ueli Maurer souhaite «plus de courage»
Le conseiller fédéral trouve que les gens devraient réapprendre à «accepter que des choses se produisent sur lesquelles nous n'avons aucune influence et que nous ne pouvons pas prévoir. Nous devons nous y adapter avec plus de flexibilité». Ueli Maurer souhaite également «plus de courage» pour réagir à de tels événements.
(Adaptation par Jocelyn Daloz)