Mattea Meyer contre Philippe Nantermod
Combattre les F-35 par référendum, est-ce un déni de démocratie?

L'une est co-présidente du PS, l'autre est vice-président du PLR. Deux fois par mois, Mattea Meyer et Philippe Nantermod s'écharpent sur un thème d'actualité. Au menu cette semaine: l'acquisition des avions F-35 par la Suisse.
Publié: 10.07.2021 à 15:15 heures
Sermîn Faki et Adrien Schnarrenberger

C’est décidé: nous allons acheter les F-35, «l’avion le plus meurtrier du monde», selon le slogan de son constructeur Lockheed Martin. Ce n’est pas seulement le modèle le plus moderne, mais aussi le moins cher, assure le Conseil fédéral. Deux affirmations qui font polémique.

Ne s’agit-il là que de remous provoqués par les concurrents malheureux ou ces engins seront vraiment un gouffre à milliards? Une chose est sûre: la décision de Viola Amherd n’a pas fini de faire parler d’elle. Le GSsA, le PS et les Verts vont même le combattre par référendum, et ce même si le peuple avait accepté l’idée générale de l’achat.

Soyons sincères, Madame Meyer: c’est un déni crasse de démocratie!


Pourquoi est-ce que le peuple n’aurait pas le droit de se prononcer sur une acquisition aussi importante et concrète? L’achat d’avions de combat américains F-35 ne répond ni aux menaces actuelles, ni à celles du futur.

Comment ces bombardiers sont censés nous protéger de la cybercriminalité ou des attaques de drone, il faudra me l’expliquer. Et je ne parle même pas des dangers non-militaires comme la crise climatique ou les pandémies…

Pour le rôle de police du ciel, il n’y a pas besoin de 36 avions de combat qui sont prévus pour bombarder des cibles militaires et civiles! Ce deal rate complètement sa cible et ignore totalement les vrais besoins de ce pays et de ses habitants.

Le peuple a déjà tranché, vous l’avez peut-être oublié? Je comprends que la démocratie puisse être parfois frustrante, surtout lorsque l’on perd, mais il faut accepter les décisions de la majorité.

Les Suisses ont déjà réfléchi à la pertinence d’acheter ou non un nouvel avion de combat au regard de l’ensemble des défis de la société, et ils ont répondu par l’affirmative, cela au milieu de la pandémie et du débat sur le climat.

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si le F-35 est le bon avion ou non. Et je ne vous cache pas qu’il me manque les qualifications pour y répondre clairement.

Dans ce cas, il serait bien d’écouter les experts. Et s’il y en a un qui s’y connaît, c’est bien André Blattmann, ancien chef de l’armée et officier d’instruction auprès de l’armée de l’air. Les critiques envers cette acquisition que je formulais tout à l’heure ne viennent pas de moi, mais de lui.

Outre certaines déficiences techniques, André Blattmann met en garde contre les coûts d’exploitation qui risquent de devenir incontrôlables. C’est ce que montrent les expériences négatives avec ces appareils au Danemark, aux Pays-Bas et aux États-Unis.

Je suis honnêtement étonnée de voir votre promptitude à dépenser autant d’argent des contribuables sans y regarder de près…

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On trouvera toujours les experts qui nous arrangent. Il semble que le Conseil fédéral a fait le travail d’analyser les avions et est arrivé à une conclusion très claire. Mais en soi, je n’ai aucun argument à opposer à l’idée de confronter les solutions.

À condition que nous respections la répartition des pouvoirs et que l’on admette en fin de compte que le choix doive porter sur des aspects techniques et non pas sur le principe même de l’avion (déjà débattu) ou sur des considérations géostratégiques (qui n’ont rien à voir avec le sujet).

Avec les F-35, la Suisse s’expose à une forte dépendance vis-à-vis des États-Unis. Les services secrets américains seront les co-pilotes, et les autorités US dicteront les exigences de sécurité. Cela va coûter des centaines de millions qui ne sont pas comprises dans le prix d’achat.

Ajoutez à cela le fait que la facture n’est contraignante que pour les dix premières années. Les experts supposent que les coûts de maintenance seront bien plus élevés que prévu. Cela représente 24 milliards de francs. Tu veux vraiment acheter chat en poche, Philippe? 🐱💰

Il aura quand même fallu trois échanges de messages pour arriver au noeud du problème. C’est l’art de tourner autour du pot…

Vous refusez l’idée d’un avion américain. Franchement, n’est-ce pas faire preuve d’anti-américanisme primaire? Il aurait fallu dire d’emblée que l’on excluait un avion qui n’était pas européen. Et, à ce sujet, qu’a-t-on comme garanties que les constructeurs du continent seraient meilleurs? Aucune.

On peut reparler du Gripen, que vous avez combattu avec à peu près les mêmes arguments…

C’est un peu naïf de ta part. Une fois encore: coûts immenses, mauvaises expériences à l’étranger et absence totale de menaces auxquelles devraient répondre ces avions parlent clairement en défaveur de leur acquisition. Et ce sans même évoquer les données et leur sécurité…

Je ne me fais pas d’illusion: la Suisse n’est pas en mesure de construire son propre avion, nous sommes obligés de miser sur la coopération. Mais avez-vous déjà oublié que le Danemark a apparemment été espionné par les USA lors d’un appel d’offres remporté par le F-35? Cela n’inspire vraiment pas confiance dans ce contexte délicat.

Je n’ai aucun doute sur le fait que ces aspects sont pris en compte par les experts qui participent à la décision. Je suis peut-être naïf, mais je ne me prétends pas expert sur le sujet…

Cela dit, vous continuez à éviter le cœur du sujet. Les opposants au jet ont d’abord refusé le F-35 parce qu’il fallait en faire un instrument de politique européenne. Mais l’idée de rendre la joue gauche, ce n’est pas forcément une bonne politique de défense nationale.

Bref, je vois beaucoup d’arguments qui visent en réalité à revenir sur une décision populaire, avec des prétextes techniques. Mais comme on dit, vox populi, vox dei. Même pour les avions.

«Blick-Pong», c'est quoi?

Toutes les semaines, deux parlementaires se mettent d'accord sur un thème d'actualité pour en débattre et apporter un peu de hauteur de vue sur les désaccords sous la Coupole.

La co-présidente du PS Mattea Meyer croise le fer avec le vice-président du PLR Philippe Nantermod, tandis que la Verte Léonore Porchet tente de convaincre Martin Candinas (Centre), 2e vice-président du Conseil national.

Toutes les semaines, deux parlementaires se mettent d'accord sur un thème d'actualité pour en débattre et apporter un peu de hauteur de vue sur les désaccords sous la Coupole.

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