Alors que la pandémie touchait davantage la Suisse romande que la Suisse alémanique, les mauvaises langues outre-Sarine avaient été promptes à ressortir la palette de clichés pour brosser le portrait de ces Romands trop hédonistes, claqueurs de bises invétérés et peu enclins à la responsabilité individuelle. C'était en 2020. Dans les cantons ruraux de Suisse centrale, le coronavirus paraissait appartenir au passé. Facile dès lors d'imputer les foyers Covid genevois ou vaudois à la frivolité latine.
Retournement de situation en cet automne 2021. La cinquième vague déferle bien plus fortement sur la Suisse alémanique que la Suisse romande (pour l'instant?). Et ce sont les cantons de Suisse centrale et orientale qui voient leurs nombres de cas exploser, tandis que leurs hôpitaux sont à la limite de la surcharge.
Les Romands mettent en garde les Alémaniques
Le taux de vaccination élevé en Suisse romande et celui, bien plus bas, des cantons ruraux alémaniques, vient démentir les stéréotypes sur le manque de responsabilité individuelle romande. Plusieurs membres d'Exécutifs cantonaux francophones ne se privent pas de le rappeler. Le conseiller d'État valaisan en charge de la Santé, Mathias Reynard, se souvient qu'«à l'époque (octobre 2020, ndlr.), nous avons été fortement touchés en Valais. Nous avons dû fermer les cinémas, les fitness et les restaurants pour maîtriser la situation. Les cantons de Suisse centrale et orientale sont cette fois-ci nettement plus impactés que nous. C'est donc à eux de prendre des mesures en conséquence».
Il est rejoint dans ses exhortations par son homologue jurassien, Jacques Gerber. Le libéral-radical estime lui aussi que les cantons alémaniques doivent prendre leurs responsabilités. Lors du débat d'«Infrarouge» de mercredi soir, il a appelé les cantons avec un nombre de cas élevé à agir.
À lire aussi
Mini-confinements en Suisse romande en 2020
Souvenez-vous! Octobre 2020: les uns après les autres, les gouvernements romands prennent le taureau par les corne. Le Valais ferme ses cinémas et fitness le 21, ses restaurants deux semaines plus tard. Neuchâtel, Genève, le Jura et Fribourg suivront.
Cette année, il n'en est rien du côté de Thurgovie, d'Uri, de Glaris ou de Saint-Gall. Alors que la Confédération a renvoyé la balle aux Cantons, Guy Parmelin se fendant même d'une lettre pour leur faire la leçon, le chef thurgovien de la Santé Urs Martin estimait jeudi que des mesures plus strictes ne s'imposent pas encore, rapporte la «SRF». Son collègue saint-gallois Bruno Damann déclare qu'on est à deux doigts de prendre des mesures, mais que «pour l'instant, nous avons le sentiment que nous pouvons encore attendre». A Uri et Glaris, rien n'est encore prévu.
À lire aussi
Les Cantons demandent plutôt à la Confédération d'agir
Jeudi, les directeurs cantonaux de la Santé ont, eux, pressé le Conseil fédéral pour qu'il prenne des mesures à l'échelle nationale pour maîtriser la situation désormais problématique. Il s'agirait par exemple d'augmenter le travail à domicile, de restreindre le nombre de personnes pouvant se trouver dans un lieu public à l'intérieur ou d'étendre l'obligation de porter un masque dans les bâtiments.
Ils ont tout de même rappelé que les cantons pouvaient également agir, en renforçant les mesures dans les écoles ou en étendant l'obligation de présenter le certificat à d'autres domaines, comme les hôpitaux ou les maisons de retraite. Certains, comme Fribourg, Obwald et les deux Bâle ont récemment pris de telles mesures.
Le Valais a aussi pris les devants. Le certificat est obligatoire dans les homes et les hôpitaux du canton, des tests hebdomadaires devront être organisés dans les écoles. Le socialiste Mathias Reynard lance un appel clair à toute la Suisse: «Nous avons beau avoir la situation sous contrôle, nous avons quand même décidé de prendre des mesures». Genève va de son côté imposer le port du masque dans tous les espaces clos.
L'efficacité d'un confinement
L'année dernière, la stratégie romande de confinement localisé s'était révélée payante: en Valais, le nombre de cas avait diminué de moitié en dix jours, passant de 800 à 400 cas en moyenne hebdomadaire. Leur proactivité n'avait pourtant pas suffi à suffisamment freiner la pandémie pour empêcher un confinement national. Un tel scénario pourrait se répéter.
(Adaptation par Jocelyn Daloz)