Manque de financement, pénurie de matériel…
Pourquoi le réseau de trains de nuit au départ de la Suisse est-il à la traîne?

Les chemins de fer fédéraux (CFF) veulent absolument étendre leur réseau de trains de nuit. Mais pour pouvoir développer les lignes promises vers Rome et Barcelone, ils ont besoin des millions de francs prévus par la loi CO₂ révisée.
Publié: 15.12.2022 à 14:49 heures
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Dernière mise à jour: 15.12.2022 à 17:30 heures
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Un train de nuit des CFF à la gare centrale de Zurich: les nouvelles lignes promises verront-elles le jour?
Photo: (c) SBB/CFF/FFS
Jean-Claude Raemy

Les trains de nuit ont connu une renaissance ces dernières années grâce à la prise de conscience publique des crises climatique et environnementale. Après la réouverture de la ligne Zurich-Amsterdam il y a un an, les CFF viennent de mettre en service la nouvelle ligne de trains de nuit vers Prague via Leipzig et Dresde.

D'autres lignes de trains de nuit sont par contre en stand-by. C'est le cas de celles en direction de Rome et Barcelone - qui devaient être lancées respectivement fin 2022 et fin 2024. La raison? Le non du peuple suisse à la loi CO2 en juin 2021. Celle-ci prévoyait en effet des millions de francs de soutien pour le lancement des nouvelles routes. Depuis, les CFF n’ont repris que des itinéraires qu’ils exploitent en collaboration avec les chemins de fer autrichiens (ÖBB).

30 millions de francs par an pour les trains de nuit?

Les chemins de fer fédéraux placent désormais tous leurs espoirs dans la loi CO2 révisée, formulée en septembre 2022, qui sera vraisemblablement traitée par le Parlement lors de la session de printemps 2023. Celle-ci prévoit la même somme que le projet de loi initial - soit 30 millions de francs par an.

Si la loi échouait une nouvelle fois, il n’y aurait plus de solution de financement viable pour les trains de nuit vers Rome et Barcelone. Cela signifierait-il la fin des projets de trains de nuit? «Nous devrions réanalyser la situation», répond Sabrina Schellenberg, porte-parole des CFF, interrogée par Blick.

Pénurie de wagons-lits en Europe

Il y a en outre un problème au niveau du matériel roulant ferroviaire. Les CFF ne disposent pas de leurs propres voitures ou wagons pour les trains de nuit. Et cette situation ne devrait pas changer dans un avenir proche. Ainsi, si les lignes vers Rome et Barcelone aboutissent, les trains seraient fournis par les ÖBB.

Et c'est là que les choses se compliquent: selon Kurt Metz, spécialiste des chemins de fer, il y a actuellement une pénurie de voitures-lits et de voitures-couchettes dans toute l’Europe. «La production des nouveaux Nightjets ÖBB est retardée», explique-t-il. D'un point de vue commercial, ils ne devraient être mis en service qu’à partir de l’automne 2023 au lieu du printemps. Selon lui, cette situation serait due au fait que le fabricant Siemens a rencontré des problèmes avec ses fournisseurs pendant la pandémie.

Problème de rentabilité

Mais ce n’est pas le seul problème: malgré une forte demande dans le trafic ferroviaire international de voyageurs – selon les CFF, le trafic des trains de nuit a déjà retrouvé son niveau de l’année record 2019 –, l’activité des trains de nuit n'est pas rentable. Cela est dû à un déséquilibre inhérent au secteur d'activité: d'un côté, les coûts liés au personnel et au matériel roulant sont élevés, et de l'autre, les bénéfices sont limités en raison du nombre restreint de places disponibles.

Les chemins de fer autrichiens affirment toutefois avoir trouvé une solution pour exploiter les trains de nuit de manière rentable: permettre aux passagers locaux de voyager en fin de soirée et en début de matinée. Ce faisant, les trains de nuit génèrent des bénéfices plus importants. «À mon avis, c'est la raison pour laquelle la proportion de places assises dans les nouvelles compositions Nightjet est élevée», suggère Kurt Metz.

Un réseau ferroviaire européen en pleine expansion

Le fait que les CFF aient pu relancer par leurs propres moyens les lignes vers Amsterdam et Prague, autrefois exploitées par la City Night Line, est à mettre à leur crédit, estime l'expert.

En raison de la forte demande, l’offre de places dans les trains de nuit à destination de Hambourg et de Berlin a été étendue lors du changement d’horaire du 11 décembre: jusqu’à présent, un seul train de nuit circulait en direction de Hambourg et Berlin et était séparé en cours de route; à l’avenir, deux trains de nuit partiront vers ces destinations au départ de Zurich.

Les trains de nuit sont à la mode en Europe. La France a mis en place un programme de développement de son réseau ferroviaire nocturne. Un train en provenance de Suède dessert à nouveau l’Allemagne. En Belgique, une société assure la liaison Bruxelles-Prague. Seule l’Espagne, qui mise exclusivement sur les trains à grande vitesse, ne semble pas suivre le mouvement.

Bientôt des trains de nuit «made in Switzerland»?

En Suisse, la demande de trajets en trains de nuit dépasse de loin l’offre, estime Kurt Metz. Selon lui, il serait dommage de ne pas pouvoir répondre à cette demande en couvrant les coûts. La solution? «Les trains de nuit doivent offrir plus que le transport nocturne à bas prix.» Autrement dit, des expériences de voyage luxueuses. «Les Suisses ont tendance à réserver des trains confortables et chers», conclut le spécialiste.

À cet égard, il est dommage que les CFF hésitent à construire leurs propres wagons-lits. Le constructeur suisse de trains Stadler Rail vient de prouver qu'il en est capable avec une grosse commande de voitures-couchettes destinée au Kazakhstan.

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