On le sait officiellement depuis lundi: un cadre valaisan de Ruag aurait escroqué l'entreprise publique d'armement de plusieurs dizaines de millions. Lorsqu'un lanceur d'alerte a alerté la direction de l'entreprise et le Département fédéral de la défense (DDPS) en automne, ceux-ci ont préféré faire la sourde oreille.
Selon les informations de Blick, la secrétaire en chef de Ruag a informé le 3 septembre 2019 le PDG de l'époque, Urs Breitmeier, de l'existence d'une lettre anonyme contenant des reproches sévères. «Urs! Qu'en penses-tu? Dois-je transmettre cette lettre à tout le monde?», s'interrogeait par écrit la secrétaire en chef.
A peine 22 minutes plus tard, sans prendre le temps d'examiner les accusations de corruption, Urs Breitmeier a dicté ce qui devait être communiqué à la conseillère fédérale, Viola Amherd: «Tout ce qui se passe ici se fait de manière absolument correcte. Nous ne travaillons en aucun cas avec des collaborateurs douteux.» Ainsi, Andreas Berger, PDG de Ruag MRO, et son supérieur Hannes Hauri ne se sont pas méfiés davantage.
Qu'est-il advenu des responsables?
Remo Lütolf, le président du conseil d'administration de l'ancien groupe Ruag, porte la responsabilité principale du fait que le scandale de corruption n'a jamais été traité. Actuellement, il est président du conseil d'administration de Ruag International, rattaché au ministère des Finances de Karin Keller-Sutter. Pour un poste à 35%, Remo Lütolf reçoit près de 190'000 francs par an. Mais la pression a fini par devenir trop forte: vendredi, Ruag International a annoncé qu'il ne se représentait pas pour un nouveau mandat, pour une question d'âge, selon la raison officielle. Mais il est plus probable que le manager veuille faire le moins de bruit possible en démissionnant humblement. Lors de la session de printemps, le Parlement débattra de l'avenir de la branche spatiale Beyond Gravity. Le Conseil fédéral souhaite vendre cette partie de l'entreprise, une partie du Parlement s'y oppose.
Urs Breitmeier, PDG du groupe Ruag, touchait environ 975'000 francs par an. Lorsqu'il a quitté Ruag, il a reçu une indemnité de départ de... 948'000 francs, selon le «Tages-Anzeiger». Entre-temps, il est devenu directeur de l'entreprise d'armement autrichienne Glock.
Andreas Berger, PDG de Ruag MRO, gagnait quant à lui 740'000 francs par an. Lorsqu'il a quitté l'entreprise en décembre 2021, il a reçu une indemnité de départ d'un montant identique. Selon nos informations, Andreas Berger fait encore la navette entre la Floride et la Suisse.
Hannes Hauri, supérieur hiérarchique du manager valaisan Remo Lütolf aurait gagné au moins 300'000 francs. Dans une note interne que Blick s'est procurée, il est écrit: «Hannes Hauri a fait savoir qu'un accord avec l'entreprise avait été conclu.» Cette fuite soudaine ne semble pas avoir entaché sa carrière: il est devenu PDG de la fabrique de munitions Swiss P (anciennement Ruag Ammotec), une entreprise située à Thoune, dans le canton de Berne, qui menace par ailleurs de bientôt être délocalisée à l'étranger.
Contactés, aucun de ces anciens managers de Ruag n'a souhaité s'exprimer.