... mais plusieurs investisseurs perdent foi
Un tunnel du lac Léman au lac de Constance? Le projet avance

La «révolution du transport de marchandises» avance. Mais les entreprises actives dans le secteur ne voient pas d'un bon œil le système de tunnels prévu par Cargo sous terrain. Après les CFF, c'est au tour de la Poste de réfléchir à abandonner le projet.
Publié: 28.04.2024 à 19:18 heures
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Dernière mise à jour: 28.04.2024 à 19:25 heures
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Un tunnel qui va du lac Léman au lac de Constance et qui approvisionne la Suisse en marchandises sous terre.
Photo: ZVG
Thomas Schlittler

Les autoroutes sont surchargées, le réseau ferroviaire est à bout de souffle, mais la Suisse et son économie continuent de croître. Cargo sous terrain (CST) pense avoir une solution: un tunnel qui s'étendrait du lac Léman au lac de Constance pour approvisionner le pays en marchandises par voie souterraine.

Le mégaprojet a été présenté pour la première fois en 2016 et a suscité un large intérêt dans le monde politique. Notamment parce que les initiateurs ont promis que le nouveau système logistique ne coûterait pas un franc à la Confédération et aux cantons, mais serait entièrement financé par des fonds privés.

Des entreprises de renom se sont enthousiasmées pour le projet de CST. Au total, plus de 80 sociétés ont investi plusieurs centaines de milliers de francs dans le projet, dont des entreprises de logistique comme La Poste, CFF Cargo, Dreier, DPD, Lagerhäuser Aarau AG ainsi que les transporteurs Planzer, Camion Transport et Galliker, réunis dans l'association Cargo Domicile.

Alimenté par énergie renouvelable

En 2018, des promesses d'investissement de 100 millions de francs ont été annoncées et le projet a avancé. En 2021, le Parlement a adopté la loi fédérale sur le transport souterrain de marchandises, et en février 2024, la Confédération a ouvert la consultation sur le «Plan sectoriel des transports, partie Transport souterrain de marchandises» dans les cantons de Zurich, d'Argovie et de Soleure.

L'équipe de CST, qui compte désormais 35 collaborateurs, se montre convaincue de la réussite de son projet. Lors d'une rencontre avec les médias début avril, le PDG Peter Sutterlüti a détaillé de tout ce que l'installation souterraine de transport de marchandises «apportera» à la Suisse.

Peter Sutterlüti et ses acolytes promettent un système entièrement alimenté par des énergies renouvelables, réduisant jusqu'à 40% le trafic lourd sur les routes nationales et offrant une «distribution fine efficace dans les villes». La solution serait «orientée vers le marché» et se ferait en étroite concertation avec les futurs utilisateurs, c'est-à-dire les entreprises industrielles, les commerçants et les logisticiens.

«Ce ne sera jamais rentable»

Les acteurs du secteur ont en réalité de nombreuses réserves vis-à-vis du projet, comme le montrent des entretiens avec des leaders de l'industrie des transports. Les CFF se sont retirés du projet dès l'automne 2022. Officiellement, parce qu'ils souhaitent se concentrer sur leur «mission principale». Mais en coulisses, les Chemins de fer fédéraux ne laissent pas transparaître de bons sentiments sur ce projet de plusieurs milliards: «Ce ne sera jamais rentable», a déclaré un cadre supérieur.

Ce collaborateur des CFF fait remarquer qu'un tunnel ordinaire entraîne des coûts annuels d'environ 4%. Avec des coûts d'investissement prévus de plus de 30 milliards de francs, un transport de marchandises souterrain n'a donc aucune chance d'être compétitif. «La route et le rail resteront toujours moins chers», affirme-t-il avec conviction.

Les actionnaires sont publics

De nombreux transporteurs privés ne croient pas non plus à la vision de CST. Nils Planzer, propriétaire et directeur de l'entreprise de logistique du même nom, a déclaré dans une interview à la «NZZ»: «Je doute fortement que ce projet soit réaliste et réalisable».

Le responsable d'une autre grande société de transport parle même d'une «chimère». Il ne veut toutefois pas que son nom apparaisse dans le journal.

Ce qui frappe: parmi les onze principaux actionnaires de CST, on ne trouve pas une seule entreprise de transport privée. Alors que les grands groupes suisses Coop, Credit Suisse, Helvetia, Migros, La Mobilière, la Poste, Swisscom, Vaudoise et ZKB ont procédé ces derniers mois à des augmentations de capital afin de financer la planification jusqu'à l'obtention du permis de construire, les logisticiens privés y ont tous renoncé.

La Poste se retire-t-elle aussi?

Après le départ des CFF, seule la Poste, parmi les principaux actionnaires, dispose d'une grande expérience dans le transport de marchandises. Christian Levrat, président du géant jaune depuis fin 2021, ne serait toutefois pas un fan du projet de CST. Le haut responsable des CFF interrogé plus tôt croit savoir que «la Poste est en train de se retirer du projet».

Interrogée, la Poste ne veut pas confirmer cette information. «Nous continuons à soutenir le projet», indique le service de presse, contacté par Blick. Cela vaut également pour Christian Levrat. «Notre président du conseil d'administration est toutefois conscient qu'une mise en œuvre de CST est liée à de très grands défis», précise un porte-parole.

Pour CST, le retrait de la Poste serait un coup dur. Les responsables ne perdent néanmoins pas une seconde à envisager cette possibilité. Ils expliquent les réticences des logisticiens établis par leur ignorance, leur manque d'imagination – ainsi que par la peur d'un éventuel concurrent.

Le sous-sol financièrement avantageux

Concernant les doutes sur la rentabilité, Klaus Juch, responsable du secteur Technique et construction, explique: «Comme nous opérerons dans un système de tunnels, nous sommes libérés de presque toutes les obligations qui renchérissent massivement le transport conventionnel de marchandises». Les prescriptions en matière de bruit et de sécurité, notamment, ne sont pas comparables, dans le cadre d'une exploitation souterraine entièrement automatisée, à celles du transport ferroviaire ou routier.

Le directeur financier Daniel Wiener ne doute pas non plus que l'exploitation du système de CST serait rentable. En ce qui concerne le financement, il se montre tout aussi optimiste: «Pour la phase de conception et de mise en œuvre, des investisseurs privés ont investi plus de 150 millions de francs dans le CST, ce qui n'a encore jamais été fait en Suisse». Il s'agit maintenant de trouver des investisseurs pour la phase de construction également. «Là aussi, nous rencontrons un grand intérêt, aussi bien en Suisse qu'à l'étranger.»

Les communes sont critiques

Pour les responsables, le plus grand défi n'est pas le financement et la rentabilité, mais les eaux souterraines.«Nous sommes conscients de notre responsabilité et faisons tout pour éviter les effets sur les eaux souterraines», déclare le responsable technique Klaus Juch.

Jusqu'à présent, il n'a toutefois pas vraiment été possible d'apaiser les craintes de la population des communes concernées quant aux effets négatifs sur la nature et l'environnement. Cette semaine, le conseil communal de Spreitenbach en Argovie, où un hub – un point d'accès en surface – est prévu, a par exemple publiquement rejeté le projet. «Divers points faibles» ont été identifiés, peut-on lire dans un communiqué.

Si le projet de CST ne veut pas rester une «chimère», les responsables doivent encore faire un gros travail d'explication.

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