Mais les premières réactions sont mitigées
Avec son plan pour l'armée, Viola Amherd regarde enfin vers l'avenir

L'armée aura besoin de 31 milliards de francs entre 2025 et 2028. Pour la première fois, la ministre de la Défense Viola Amherd présente une stratégie à long terme pour l'armée. Les premières réactions sont mitigées.
Publié: 15.02.2024 à 14:24 heures
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Dernière mise à jour: 15.02.2024 à 14:37 heures
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La ministre de la Défense Viola Amherd a présenté le message sur l'armée 2024 avec le chef de l'armée Thomas Süssli et le chef de l'armement Urs Loher.
Photo: keystone-sda.ch
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Daniel Ballmer et Sermîn Faki

L'armée manque d'argent, mais pas que... En l'état, la défense aérienne suisse ne tiendrait que quatre semaines en cas d'attaque, avait averti le chef de l'armée Thomas Süssli après le début de la guerre en Ukraine. La ministre de la Défense Viola Amherd l'a martelé devant la presse: l'armée a fait l'objet d'économies au cours des trois dernières décennies et il faudra quelques années pour corriger cela.

La conseillère fédérale veut maintenant redresser définitivement la barre. Pour la première fois, une orientation stratégique sur une longue période – 12 ans – sera présentée au Conseil national et au Conseil des États. «Il était important pour moi que le Parlement ait son mot à dire», a souligné Viola Amherd. «Mon objectif est de renforcer à nouveau la capacité de défense. Mon rêve est que nous y parvenions le plus rapidement possible».

Un scénario calqué sur la crise libyenne

Pour déterminer les capacités nécessaires de l'armée, le Conseil fédéral a examiné différents scénarios de menace. Il a opté pour celui d'une escalade de conflit avec un autre État. Celui-ci exercerait d'abord une pression économique pour imposer ses intérêts, il lancerait des cyberattaques ou retiendrait arbitrairement des Suisses en otage. Ensuite, il menacerait d'utiliser des drones armés ou des missiles de croisière. La crise libyenne de 2008 à 2010 sert évidemment d'exemple. Dans un tel scénario, l'armée devrait se déployer le plus largement possible. En d'autres termes, l'armée doit pouvoir faire un peu de tout.

Dans cette optique, dix domaines de compétences ont été définis: de l'acquisition de renseignements au combat aérien et terrestre, à la cybersécurité, en passant par la logistique et les services sanitaires. La Confédération estime être sur la bonne voie, par exemple en matière de défense aérienne. Certes, la capacité à se protéger dans la durée serait encore très limitée et un combat contre des cibles au sol seraient impossible actuellement. Mais avec l'achat de l'avion de combat américain F-35 et du nouveau système de défense aérienne Patriot, la situation devrait s'améliorer à partir de 2027.

De nombreux chantiers attendent

C'est dans le domaine cybernétique que le Conseil fédéral reconnaît un retard particulièrement élevé. Dans ce domaine, des mesures de protection des systèmes d'information et de télécommunication sont nécessaires. L'armée doit améliorer la résistance de ses propres systèmes. Elle doit aussi mieux se défendre contre les cyberattaques visant des infrastructures militaires ou civiles. Un nouveau centre de calcul est prévu. Et surtout, au vu des récentes cyberattaques, la sécurité des données doit être impérativement et urgemment renforcée.

Mais c'est essentiellement au niveau des troupes au sol qu'il faut agir. Plusieurs systèmes d'armes approchent de leur date d'expiration. Le char de grenadiers M113 a déjà été provisoirement mis à l'arrêt en raison de problèmes techniques. Et les obusiers blindés M109 seront eux aussi hors service dans quelques années. L'armée prévoit dès lors de mettre en place un nouveau système d'artillerie dans les années 2030. Par ailleurs, les chars Leopard seront modernisés et les nouveaux engins guidés – si importants dans le conflit ukrainien – seront achetés pour les troupes au sol. 

Pour atteindre tous ces objectifs, le Conseil fédéral propose dans un premier temps un plafond de dépenses de près de 26 milliards de francs pour les quatre prochaines années. Pour le matériel de l'armée et l'immobilier, il souhaite mettre à disposition 4,9 milliards de francs jusqu'à 2028.

«Scénarios de menace totalement irréalistes»

Les premières réactions aux plans de Viola Amherd sont mitigées: pour le président de l'Association des sociétés militaires (ASM) Stefan Holenstein, le plan présenté par la conseillère fédérale va certes dans la bonne direction. «Mais ce n'est pas une raison pour être euphorique, car les lacunes dramatiques en matière de capacités demeurent», tempère-t-il.

Le conseiller aux États libéral-radical Josef Dittli estime lui que les perspectives à long terme sont «belles et bonnes». Mais il déplore tout de même une grande part d'inconnue: «Même avec cela, personne ne sait exactement à quoi ressemblera l'armée et combien elle coûtera», conclut l'élu uranais.

Le conseiller national socialiste Fabian Molina est encore plus critique: l'exercice risque de déraper en raison de «scénarios de menace totalement irréalistes». Et de conclure: «Cette planification des capacités va dans la mauvaise direction et ne peut pas être financée.»

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