Magasin ouvert 24/24, espaces de coworking, locations de logements vacants...
Ces villages de montagne valaisans luttent pour assurer leur avenir

De nombreux villages souffrent de l'exode rural, de logements vacants et d'une industrie en déclin. Certaines communes résistent, parfois avec succès. Blick a visité cinq villages de montagne valaisans qui se démènent pour relancer l'activité de leur commune.
Publié: 13.06.2022 à 22:28 heures
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Dernière mise à jour: 14.06.2022 à 00:01 heures
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Patric Zimmermann, président de la commune d'Obergoms, se bat pour le maintien du service d'ambulance de nuit dans la région.
Photo: Andrea Soltermann
Martin Schmidt

Population vieillissante, exode rural, fermeture des commerces, manque d’école… De nombreux villages valaisans connaissent un lent déclin et se sont vidés. Des conseillers communaux ont décidé d’inverser la tendance et de sauver leur bourgade.

C’est le cas des communes de Goms et d’Obergoms où l’enjeu le plus important concerne les infrastructures de santé. Depuis des mois, les deux localités se battent pour maintenir le service de piquet de nuit de l’ambulance d’urgence. «Sans service ambulatoire de nuit, nous risquons un exode. Notre région perdra alors massivement de son attractivité», prédit le président de la commune d’Obergoms, Patric Zimmermann, dans son bureau d’Obergesteln.

À cause d’un manque de personnel, l’ambulance de nuit de la vallée de Conches devait être transférée dans le fond de la vallée valaisanne depuis le 1er janvier 2022. En tant que membre du Parlement valaisan, Patric Zimmermann a réussi à convaincre une majorité de repousser l’échéance. Or, tout semble indiquer que l’ambulance de nuit sera finalement supprimée à partir de juillet.

Quand l’argent manque pour secourir les gens

Pour le maire d'Obergoms, cette suppression n’est pas envisageable. «Nous sommes une région touristique en plein essor. En plus des 2000 habitants, 10’000 vacanciers vivent dans les deux communes en haute saison, les soins d’urgence doivent donc être assurés 24 heures sur 24.»

En cas d'accident ou de nécessité, et si la ligne d’urgence est supprimée, il faudrait envisager un long trajet pour l’ambulance. «Si elle est déplacée en aval, une intervention de nuit jusqu’à l’hôpital avec un aller-retour pourrait durer à l’avenir jusqu’à trois heures», prévient Patric Zimmermann.

Le talon d’Achille du dossier? Le financement. Au-delà d’une question de fréquentation, ce sont les fonds qui manquent pour garder l’ambulance disponible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. L’organisation cantonale valaisanne des secours dispose d’un budget d’un peu plus de treize millions de francs. Trop peu pour entretenir le service.

Par le passé, le service d’ambulance a déjà été supprimé dans d’autres vallées valaisannes. Patric Zimmermann est catégorique sur le sujet: «Le sauvetage d’une vie humaine ne devrait pas échouer à cause de l’argent. Il faudrait mettre plus de moyens à disposition pour les soins de santé dans tout le canton.»

Transformation réussie grâce à l'immobilier

La commune d’Embd, l’un des villages les plus escarpés de Suisse, a également mené un long combat pour sa survie. Le nombre d’habitants a chuté de 353 à 285 depuis le début du millénaire. L’une des raisons: de nombreuses maisons du village sont vétustes et en retard sur les exigences actuelles en matière d’habitat.

Pour inverser la tendance, le président de la commune, Stefan Lorenz, souhaite créer de nouveaux logements modernes. «Construire des logements ne fait pas vraiment partie des tâches d’une commune, explique le représentant à Blick. Mais les petits villages de montagne ne sont pas assez attractifs pour les investisseurs.»

Aujourd’hui, grâce à la commune, une solution a pu être trouvée. Peu après l’entrée du village, Stefan Lorenz montre une prairie. «C’est ici que commencera dans quelques semaines la construction d’un immeuble collectif de huit appartements.» Ils seront construits par un entrepreneur local (qu’il aura fallu convaincre qu’une demande de logements existait bel et bien pour le lieu).

Sept des huit appartements sont actuellement réservés. L’un d’entre eux est occupé par Sascha Lengen et Carole Zeiter. «Pour nous, il a toujours été clair que nous voulions vivre dans un petit village», explique la jeune femme de 26 ans. Un autre point a été déterminant dans la décision d’achat du couple: plusieurs jeunes gens qu’ils connaissent vont habiter dans l’immeuble. Un bel augure pour le futur de la commune.

Une supérette ouverte 24h/24

L’offre de commerce est un autre point crucial de la survie d’un village. Les chiffres des échoppes de Guttet-Feschel, dans le district de Loèche, n’étaient malheureusement pas encourageants. «Ces dernières années, le magasin a toujours enregistré un déficit de 10’000 à 15’000 francs», déplore le président de la commune Philipp Loretan.

Il n’y a pratiquement pas d’emplois à Guttet-Feschel. Lorsque les gens rentrent chez eux après le travail, le magasin du village était la plupart du temps déjà fermé. À cela s’ajoutent les nombreux propriétaires de résidences secondaires qui, eux aussi, n’arrivent souvent que le soir. La commune a donc dû faire preuve d’imagination et a investi environ 35’000 francs dans un système permettant aux habitants de faire leurs courses après la fermeture du magasin, et ce, 24 heures sur 24.

La population s’est d’abord montrée sceptique. «Moi aussi, concède en riant Sonja Steiner, responsable de la filiale de Konsumt. Mais entre-temps, l’idée m’a totalement convaincue.»

Le pari s’est montré fructueux. Lancé début avril, le système a permis de faire augmenter le chiffre d’affaires du magasin de 25%. «Chaque semaine, de plus en plus d’habitants viennent l’utiliser», se réjouit Philipp Loretan.

Si l’augmentation du chiffre d’affaires se poursuit, l’avenir du magasin semble assuré et avec lui sa fonction de point de rencontre important dans le village. «Le magasin de village est un lieu important, notamment pour les habitants plus âgés», conclut Sonja Steiner.

Louer les appartements vacants pour réveiller le village

Le village voisin d’Albinen a pris un tout autre chemin: la bourgade se distingue par son paysage de carte postale. Des ruelles sinueuses en pavés ronds s’étendent à travers le centre du village et sillonnent au milieu des vieilles maisons en bois.

Ce paysage idyllique a fini par désespérer le conseil municipal. De nombreux bâtiments anciens n’étaient plus utilisés que ponctuellement comme résidence secondaire, entrainant des pertes de recettes importantes pour le magasin et les deux restaurants du village. La commune a réagi et lancé, peu avant le début de la pandémie de Covid-19, la société Albijou GmbH, un service de location qui doit permettre aux appartements d’être habités plus régulièrement.

Michela Calanda-Mathieu, fait visiter à Blick les ruelles et montre l’un des appartements, une grange transformée. Elle fait partie de la direction d’Albijou et participe à la gestion. Une petite dizaine de propriétaires mettent actuellement leurs appartements à disposition et reçoivent 60% des revenus du loyer.

«Le concept fonctionne», affirme la cinquantenaire. La première année, 1070 nuitées ont été réservées, puis 1040 la deuxième année et plus de 600 pour l’année en cours. Michela Calanda-Mathieu travaille également dans le magasin du village. «Sans les hôtes et les propriétaires de résidences secondaires, on ne pourrait pas exploiter un magasin de village ici.»

Il y a encore des points de difficulté pour Albijou malgré les locations supplémentaires. «Nous cherchons désespérément du personnel de nettoyage», déplore Michela Calanda-Mathieu.

Un coworking au vert

Pour augmenter son attractivité résidentielle, la commune d’Ernen, dans la vallée de Conches inférieure, exploite depuis décembre dernier un espace de travail partagé (ou coworking) dans l’ancienne école. «La population et les hôtes souhaitaient une telle offre», raconte le président de la commune Francesco Walter.

Selon lui, l’affaire a bien démarré en hiver. «Certains jours, les six places de travail n’ont pas suffi», explique Francesco Walter. En cette mi-saison, le bâtiment est toutefois calme. Seule Elena Macherhammer y travaille. L’employée du parc paysager régional est ravie: «Je peux amener mes enfants à l’école et travailler ensuite dans l’espace de coworking. Sinon, je passerais 40 minutes de plus par jour dans ma voiture.»

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