Qui est à blâmer dans la débâcle de Credit Suisse? La Berne fédérale veut des noms, et se fait de plus en plus pressante. Des politiciens demandent une enquête et, face à l'adversité, des alliances surprenantes apparaissent.
Qui est pointé du doigt? Deux possibles co-responsables sont particulièrement sous les feux des critiques: l’UDC et l’Autorité de surveillance des marchés financiers, la Finma. Mais les deux acteurs réagissent aux accusations dont ils font l’objet de manière bien différente: le premier insulte haut et fort le PLR pour ne pas être lui-même cloué au pilori. Quant à la Finma, elle se contente comme d'habitude de se dérober.
Côté gauche, Daniel Lampart, le secrétaire central de l’Union syndicale suisse (USS), est d’avis que la responsabilité de cette chute repose en grande partie sur les épaules de l’ex-conseiller fédéral UDC en charge des finances. «Ueli Maurer était très proche des banques», glisse-t-il. Le politicien du parti agrarien aurait voulu réaliser des programmes de baisse d’impôts commandés par celles-ci, au détriment des intérêts de la population suisse, charge-t-il.
Le chef du groupe parlementaire PS Roger Nordmann va plus loin. «Il faut être honnête et donner raison au président du PLR: aujourd’hui, l’UDC est devenu le véritable parti des banques», gifle-t-il. Et le Vaudois d’ajouter: «En attaquant les libéraux-radicaux, le parti agrarien veut manifestement détourner l’attention de l’échec de son ancien ministre des Finances. Et donc dissimuler son action favorable aux banques au sein du Parlement.»
Une enquête parlementaire exigée
Son parti exige que lumière soit faite sur la responsabilité de l’ex-conseiller fédéral de l’UDC, mais aussi sur celle de la Finma, par le biais d’une commission d’enquête parlementaire (CEP). «Il est évident que la surveillance exercée par la Finma était insuffisante – et peut-être même défaillante, tonne Roger Nodmann. Nous exigeons donc la transparence sur les lacunes de la législation. S'il y a eu des manquements de la part de la Finma, nous devons le savoir. Et pour cela, il faut absolument une CEP.»
Le chef des Vert'libéraux Jürg Grossen appuie le socialiste. «La Finma et la Banque nationale nous ont toujours assuré qu’elles avaient tout sous contrôle. Nous savons bien aujourd’hui que c’était faux.» Ces deux géants doivent donc prendre leurs responsabilités, ajoute-t-il.
Du côté du Centre, on n’est pas non plus fermé à la mise en place d’une CEP. Mais pour le chef du groupe parlementaire Philipp Matthias Bregy, il faudrait, avant cela, que la commission de gestion se penche sur le sujet. Et si celle-ci ne révèle rien, on pourra alors faire appel à une CEP. Il ajoute que, dans ce cas, les règles de surveillance et leur mise en œuvre par la Finma devraient aussi être passées au crible.
Karin Keller-Sutter tente de museler la Finma
Un autre politicien de premier plan a accepté de nous parler en coulisses. Selon lui, l’apparition de la présidente de la Finma, Marlene Amstad, lors de la conférence de presse sur la reprise du Credit Suisse par l’UBS était plus que révélatrice. Et le fait que la ministre des Finances lui donne la parole, mais sans plus-value, était tout aussi éloquent. Lorsque cette dernière s’est emmêlé les pinceaux sur le coût réel des aides, nous avons bien vu que la Finma était complètement déconnectée de la réalité, avance-t-il encore.
Lors de la session extraordinaire sur le rachat de CS, qui aura lieu dans environ trois semaines, les rôles d’Ueli Maurer et de la Finma seront à l’ordre du jour. Mais les deux accusés pourraient bien s’en laver les mains. L'ancien ministre, désormais à la retraite, se moquera certainement éperdument que le Parlement parle de son cas. Et la Finma, que l’UDC aime à qualifier de boîte noire, pourra continuer à faire sa loi comme si de rien n’était et prendre comme excuse le manque de transparence des institutions.