La Suisse avait l'habitude d'analyser les résultats de votations à l'aune du Röstigraben, ce fameux fossé entre les régions linguistiques. Le prisme risque fort de changer au profit du nouveau clivage à la mode: villes contre campagnes. Nous en avons eu un avant-goût avec la loi CO₂ et les initiatives «agricoles».
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Comment expliquer ce fossé? Qu'est-ce qui sépare les villes des campagnes et qu'est-ce qui les unit? Blick a prévu une série d'été pour explorer cette thématique. Le timing est particulièrement judicieux, puisque le président de l'UDC Marco Chiesa a sorti le bazooka contre les «parasites des villes» qui empoisonneraient la vie des campagnards.
La Suisse ne se comprend plus vraiment. Pourquoi ? Et comment changer cela ? La grande série d'été de Blick sur le fossé entre villes et campagnes aborde ces questions sous différents angles.
La Suisse ne se comprend plus vraiment. Pourquoi ? Et comment changer cela ? La grande série d'été de Blick sur le fossé entre villes et campagnes aborde ces questions sous différents angles.
Où commence la campagne, où s'arrête la ville?
Pour commencer, il faut d'abord définir les périmètres de ce fameux «fossé». Selon les chiffres de la Confédération, 63% de la population vit en milieu urbain. Cela représente environ 5 millions de personnes. Or, en rassemblant les habitants des cinq plus grandes villes du pays, on n'obtient que 1,5 millions de personnes.
Où est le couac, si c'en est un? Il est méthodologique: l'Office fédéral de la statistique (OFS) considère que les habitants de Montricher (VD), Pompaples (VD) ou Heitenried (FR) sont des citadins, car ils vivent dans une agglomération au sens large. Être un citadin d'Heitenried («Essert», en français, mais inusité) n'est pas intuitif, et ce malgré la présence d'un château qui justifie légalement le terme de ville.
L'important n'est pas de définir une limite au kilomètre près. Ces exemples montrent surtout que tout n'est pas noir ou blanc, et qu'il n'y a pas «la ville» contre «la campagne». L'OFS a d'ailleurs construit une troisième catégorie entre la ville et la campagne.
Quelles sont les principales différences entre les citadins et les campagnards? En guise d'introduction à notre grande série, plongeons dans les chiffres.
HABITAT
La Suisse, pays de locataires? Ce n'est que partiellement vrai: la Suisse citadine est un pays de locataires. Moins d'un habitant sur trois en milieu urbain possède le logement dans lequel il réside. En campagne, cette proportion fait plus que doubler. Des disparités existent également en matière de taille de logement: 44 m² en moyenne en ville par personne, 50 en campagne.
TRAJET AU TRAVAIL
Selon la définition de l'OFS, plus de 60% de la population habite en «ville». Ces mêmes zones urbaines accueillent 75% des places de travail. Dans les campagnes, les transports publics n'ont pas la cote pour se rendre au boulot: seulement une personne sur dix les utilise, contre presque quatre sur dix dans les villes. Le trajet moyen vers le travail dure 32 minutes en ville, 23 en campagne.
FAMILLE
Le citadin bobo carriériste qui vit seul constitue un cliché. Du moins à en croire les chiffres de l'OFSP. Les mariages sont en effet plus nombreux dans un contexte urbain que dans les campagnes: pour 1000, on compte 4,6 unions par année en ville, contre 4,2 en milieu rural. La tendance est la même en ce qui concerne les naissances (10,2 contre 9,4).
FORMATION
Cela ne vous étonnera pas: la probabilité que votre voisine ait terminé un doctorat est sensiblement plus grande en ville qu'en campagne. Une différence de l'ordre de 10% est constatée dans la part des diplômés des Hautes écoles. Plus surprenant au premier abord, c'est aussi en ville que l'on trouve la majorité de personnes ayant quitté les bancs d'études après l'école obligatoire: 17%, contre 13% en campagne.
PART D'ÉTRANGERS
Français, portugais ou albanais: il suffit de prendre le bus dans un contexte urbain en Suisse pour entendre plusieurs langues. Presque un tiers des habitants de nos centres-villes ne possèdent pas le passeport suisse à croix blanche en ville, contre 15% en campagne. Ce clivage est par endroits poussé à l'extrême: Crissier, dans le canton de Vaud, compte plus de 60% d'étrangers, alors que cette part plafonne à 2% à Röthenbach, dans l'Emmental bernois.
SANTÉ
Les fermetures chroniques d'hôpitaux en régions rurales ont fait couler beaucoup d'encre ces dernières années. Les disparités sont très importantes en ce qui concerne l'accès aux soins: pour 1'000 habitants, il n'y a qu'un praticien en campagne, contre six en milieux urbains.
Mais les statistiques pures ne constituent pas une explication suffisante à la vie très disparate entre les différentes zones du pays. Tout au long de la semaine, Blick vous proposera un vaste zoom sur ce clivage, en n'oubliant pas de donner la parole aux acteurs de ce clivage pour tenter de déterminer ce qui nous unit plutôt que ce qui nous sépare.